You are currently viewing #56 – Paul Zinetti – le Clos des Épeneaux et la découverte de la Bourgogne

#56 – Paul Zinetti – le Clos des Épeneaux et la découverte de la Bourgogne

Pour le 56e épisode du Wine Makers Show, votre podcast sur le vin, je suis parti à la rencontre de Paul Zinetti au Clos des Épeneaux : une véritable pépite de quelques hectares que nous avons eu la chance de découvrir. C’était la toute première interview de ce voyage en Bourgogne et ça fait du bien. D’ailleurs, j’espère que vous apprécierez cette première édition de dégustation en ASMR.

Antoine: Bonjour Paul.

Paul: Bonjour.

Antoine: Merci beaucoup de m’accueillir aujourd’hui ici.

Paul: De rien.

Antoine: Je suis ravi. On vient tout juste d’arriver. On vient de goûter quelques centilitres de ton aligoté dont on va sûrement parler un peu après.

Paul : Millésime 2019.

Antoine : Il est très sympathique et nous permet d’arriver pleinement en Bourgogne.

On va parler évidemment de plein de choses, mais avant, est-ce que tu peux commencer par te présenter?

Paul: Alors oui, je me présente Paul Zinetti, 39 ans et 40 ans demain, c’est un cap. Bourguignon d’origine, né à Beaune. Je suis arrivé sur le domaine en 2010 et j’ai repris les rênes du domaine en 2014, premier millésime 2014.

Qu’est-ce qu’il s’est passé entre temps entre 2010 et ta naissance ? Tu as 40 ans.

Paul: Plein de choses. Je suis né en 81. J’ai commencé ma carrière pro on va dire fin 90. J’ai été à l’école, bien sûr, j’ai fait le lycée viticole de Beaune, ça c’était la base. Le départ de ma carrière dans le vin.

Je n’ai pas été très studieux. J’ai préféré prendre l’option expérience professionnelle et à travers diverses régions, divers domaines. J’ai vite quitté le cursus classique pour travailler, en l’occurrence en Bourgogne quand j’étais plus jeune, et dans le sud dans les années 2000, de 2000 à 2001, 2005, 2006, en Languedoc-Roussillon, chez Bruno Lafon, domaine Magellan.

Là j’ai fait mes gammes, j’ai repris les études, j’ai fait une formation pro et après je suis revenu en Bourgogne et j’ai fait un BTS à Davayé-Mâcon. Un BTS en un an en viticulture-œnologie. Après, j’ai eu diverses expériences chez différents collègues bourguignons, Mâconnais et Côte d’Or, Mâcon et les Côtes de Beaune. Et voilà, je suis arrivé en 2010 ici.

Qu’est-ce qui a fait que tu as voulu lancer dans le vin, justement? Au départ, pourquoi est ce que tu as rejoint ce lycée viticole au tout début?

Paul: Parce qu’ici, à part la vigne…

Antoine: Justement, tu pouvais faire ça ailleurs en soi.

Paul: Je pense que j’étais aussi conditionné. Je suis issu d’une famille bourguignonne, ancrée dans le paysage bourguignon, viticole. Mais je n’ai pas de famille dans le vin à proprement parler. J’avais des arrière-grands-parents qui étaient dedans à l’époque. C’étaient des négociants, un négoce qui n’existe plus aujourd’hui. Mes parents connaissent beaucoup de vignerons prestigieux, dont Dominique Lafon c’était un vieux copain à mes parents. J’ai commencé petit à petit à travailler, à faire les saisons dans les vignes. À  un moment donné, il faut bien qu’on prenne, qu’on choisisse dans un cursus scolaire et je me suis spécialisé là-dedans. Ça aurait pu être autre chose, mais étant donné qu’on est quand même dans le monde du vin, dans le central bourguignon, j’ai préféré, enfin mes parents ont préféré que je fasse ça.

Et qu’est-ce qui a fait que tu es resté du coup ?

Paul: Je n’ai pas été tout de suite, je ne suis pas tombé amoureux du vin et de la vigne tout de suite. Il m’a fallu quelques années et à un moment donné, c’était pour moi une évidence. À force de travailler, j’ai appris beaucoup de choses sur le terrain, comme je disais. Mais voilà, je me suis dit bon, qu’est ce que tu veux faire? Soit tu reprends des études, mais comme je disais, ce n’était pas non plus mon truc.

J’ai préféré me perfectionner là-dedans. Et puis, à force, j’ai aimé la nature. En fait, j’aime la nature depuis tout petit. Mes parents étaient dans le milieu équestre. On avait des centres équestres avant. J’ai toujours été baigné par la nature, par le monde végétal et animal. Et voilà, j’ai aimé ça. Dans le sud ça m’a beaucoup plu et j’ai voulu continuer là-dedans sans regret. Aujourd’hui, je suis bien ancré.

Dégustation au clos des Épeneaux - Wine Makers Show - Antoine - Paul Zinetti

Est-ce qu’on peut revenir sur ces expériences «  terrain » que tu mentionnais à plusieurs endroits, que tu peux revenir un peu dessus? Et qu’est-ce que tu as appris aux différents endroits?

Paul: En fait, je compare souvent. J’ai souvent tendance à comparer le monde du vin au monde de la cuisine. C’est-à-dire que faire le vin, c’est pour moi, c’est comme faire un plat. On fait des beaux plats avec des beaux ingrédients et des beaux légumes et tout ça. Et donc on fait des beaux vins, des grands vins avec des beaux raisins. On n’est pas des magiciens. Moi, je ne suis pas magicien. Voilà.

Je pense que cette partie-là, toutes ces expériences que j’ai eues à travers des vignerons différents, des vinificateurs différents, c’était pour moi un peu un chemin de croix et d’essayer d’avoir le plus d’expériences possible sur le terrain. Et comme ça, après, je pouvais composer avec tout ça. Pour moi, les études, c’était quelque chose qui n’était pas forcément très évident. J’ai préféré apprendre comme ça. Et ça marche aujourd’hui, quoi. Je me dis que c’est mon goût qui fait les vins et c’est de la chimie, certes, mais je me base sur ça. Acquérir de l’expérience. Et connaître ce que font Olivier Martin dans le Mâconnais, Nicolas Potel ici, Dominique Lafon, à Meursault, Bruno Lafon dans le Languedoc. L’avantage du Languedoc, c’est que j’ai travaillé avec treize cépages différents à l’époque. C’est quand même plutôt sympa pour commencer.

Antoine: C’est un peu plus divers que revenir en pinot noir.

Paul: Pinot noir, chardonnay et aligoté, ce n’est pas pareil, mais je pense que c’est tout ça qui a fait que j’en suis là aujourd’hui.

Comment ça s’est passé justement pour arriver ici au Clos des Épeneaux. Comment ça s’est passé ?

Paul: Avant moi, il y avait Benjamin Leroux, qui était le régisseur du domaine de 99 à 2013. Benjamin Leroux avait besoin d’un assistant sur le domaine en 2010. Je le connaissais un petit peu avant. Je savais qu’il recherchait quelqu’un, donc je me suis positionné sur ce poste-là. Et voilà, et après, on en a parlé un petit peu et il y avait peut être une opportunité pour moi de reprendre le domaine après quelques années. Benjamin m’avait dit qu’il allait peut être partir à un moment donné.

Je me suis positionné là-dessus. Il y avait un peu de stress au début puis après je me suis dit : « Si ça arrive, ça arrive, si ça n’arrive pas, ça ne sera pas grave. ». Et puis, à un moment donné le poste s’est ouvert. Je n’étais pas le seul, il y avait d’autres personnes. Le comte Armand, qui était en place avant, son fils a repris la gérance depuis 2016. C’est Olivier Armand maintenant, mais le comte Armand est toujours en vie. Il m’a donné la chance de devenir régisseur. C’est une belle et grande personne.

Je pense que les sentiments ont parlé et quand j’ai dit que j’aimais le domaine et que j’aimais le clos des Épeneaux, le clos en tant que tel, en tant que parcelle. Je n’ai pas menti, c’était vraiment ça. C’est pour ça que je suis arrivé là en tant que régisseur en 2014.

On va revenir sur ta relation justement avec le comte Armand un peu après, mais comment ça se passe cette arrivée ? En tant que régisseur, tu changes un peu de poste. Comment ça se passe pour toi à ce moment-là ?

Paul : C’est comme j’étais attendu au tournant. En 2014, Paul Zinetti qui reprend le domaine des Épeneaux, ce n’était pas forcément une évidence pour tout le monde, ni pour moi. Étonnamment, je n’ai pas eu de stress au début. J’ai eu plus de stress quelques années après. J’ai pris ça comme un défi. Les choses se sont mises petit à petit, naturellement. L’équipe, je la connaissais déjà. C’est quand même plus simple aussi. Le domaine, je le connaissais et ça faisait déjà trois ou quatre ans que j’étais là. Je fais mes vins avec mon goût et avec ma sensibilité, ma technique, mon processus de vinification. J’ai fait ce que je savais faire, et puis voilà tout simplement. Je n’ai pas essayé de faire du copié-collé. J’ai fait ça tout naturellement. Ça s’est très bien passé.

On a eu un millésime compliqué en 2014. C’était le premier millésime pour moi en tant que régisseur, millésime de grêle, donc très petites quantités. On a perdu plus de 80% de la récolte en 20 minutes. Donc, beaucoup de tri à faire, beaucoup de sec, mais enfin un millésime compliqué quand même au final. On a travaillé énormément en cuverie, à trier, à faire, comme je disais tout à l’heure, essayer d’avoir les plus beaux raisins en cuve. Après les vinifications se sont faites naturellement. L’attente après au niveau des vins, elle était là, puis ça a marché. Les 2014 ont plu, plaisent. Petit à petit, on prend ses marques. J’ai eu plus de stress après bizarrement, deux ou trois ans après.

Les premiers millésimes ça peut marcher et on peut se dire c’est de la chance. Mais il faut durer dans le temps. C’est ça le plus compliqué dans le métier. Aujourd’hui, je ne vais pas dire que tout va bien, parce qu’il y a toujours des moments de remise en question surtout avec les années compliquées qu’on a eues. Mais je sais ce que je veux faire. Je sais que les vins que je fais aujourd’hui, ça plait avec ma personnalité, avec mes goûts et ma sensibilité.

Comment tu as fait justement pour dépasser ce moment où tu t’es dit : « Je ne sais pas si je vais y arriver, je commence à avoir un peu de pression. ». Qu’est-ce qu’il s’est passé pour toi ?

Paul : Comment j’ai fait, c’est une bonne question. Je n’ai pas été voir un psy, ce n’était pas ce moment- là. On s’entoure après. On a besoin d’être entouré de personnes de la profession, de gens comme je disais et des parrains entre guillemets. Je peux parler de Dominique Lafon que je connais, qui me connaît depuis que je suis bébé.

Il est venu au début goûter mes vins, Benjamin Leroux était là aussi. Mais en me laissant faire ce que je voulais. Je pense que si on est seul dans ces moments-là c’est compliqué. Il faut être entouré, la famille, les amis, la profession, les collègues. Puis en parler, se faire aider quand ça ne va pas. Je n’ai jamais été obligé de me faire aider.

Au mois de janvier, on a ce qu’on appelle la Bourgogne Week à Londres. Pendant une semaine, on va faire goûter nos vins aux importateurs et aux clients des importateurs. Ces vins, c’est des primeurs. C’est un peu comme les primeurs de Bordeaux, donc des vins tirés sur fut. Là, on se met à nu devant tout le monde et j’ai été agréablement surpris du retour du client final et des collègues vignerons. Ça permet de prendre de l’assurance. On sait que ce qu’on fait aujourd’hui en vinification et en élevage ça plaît et du coup on continue.

Chaque année est différente, il y des années compliquées. Et puis la famille Armand il ne faut pas l’oublier. Je parlais du comte Armand, j’ai toujours un peu d’émotion quand j’en parle parce que c’est une grande personne. Il m’a donné la chance de devenir régisseur d’un prestigieux domaine de Côte d’Or. Petit par la taille, 9 hectares, mais c’est ce que je voulais aussi, quoi, un domaine familial. C’est un tout. La famille Armand, ma famille, les amis, c’est ce qui m’a permis d’avancer sereinement.

Comment tu caractériserais justement cette relation avec le comte Armand pour revenir dessus? Tu l’as connu dès ton arrivée au domaine. Comment ça s’est passé?

Paul : Ça s’est passé naturellement. Je n’ai pas forcé mes traits de caractère. J’ai été moi-même. J’ai parlé avec le cœur quand je lui ai parlé pour la reprise du domaine. Je ne sais pas si je pourrais utiliser ce terme-là, mais c’est un peu un deuxième papa. Il m’a épaulé, il m’a permis d’être là où j’en suis aujourd’hui et il a eu confiance en moi.

Et toute la famille va dans même sens que lui. Aujourd’hui, c’est Olivier, son fils, qui a repris la gérance. C’est des gens qui ont un autre métier. Ils sont sur Bruxelles ou sur Paris. C’est une grande famille. Ils ne sont pas souvent là, mais ils laissent les clés du domaine à quelqu’un comme moi. Et puis, c’est des belles personnes, tout simplement. On ne peut pas être mauvais avec ces gens-là. C’est assez réjouissant de travailler pour des personnes comme ça.

Aujourd’hui,  quelle est ta relation avec eux ? Ils viennent de temps en temps au domaine ?

Paul : Très bonne. Ils viennent pour les vendanges. Sur le clos des Épeneaux, on peut en reparler plus tard, mais c’est une grande parcelle de 5 hectares. On fait des assemblages mais ça c’est moi qui les fait avec Boris, mon assistant dans la cave. Ils viennent, oui, je ne sais pas trois, quatre, cinq, six fois par an. Je ne sais pas, ça dépend. Et puis je les vois sur Paris parfois. Ce sont des relations très saines, très franches. Il y a une boîte à faire tourner, il y a un domaine à faire tourner. C’est aussi une belle relation, aussi.

Alors justement, plongeons sur le Clos. On a l’abordé un peu par-ci, par-là, mais est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Paul : Est-ce l’on ne goûterait pas un rouge ?

Antoine : Alors on va goûter, effectivement. Attends je vais finir mon blanc.

Est-ce que tu peux peut-être nous décrire le blanc?

Paul : Alors là, on est en train de goûter un Bourgogne aligoté 2019. Mis en bouteille il y a cinq mois. Aligoté, cépage bourguignon, du vieux cépage bourguignon utilisé pendant très longtemps, et c’est encore le cas sur les crémants et le fameux kir. Le kir, c’est un apéritif à base d’aligoté et de crème de cassis. Mais bon, aujourd’hui, on arrive à faire des aligotés un peu plus qualitatifs et voire gastronomiques, on va dire.

Donc, ça c’est un assemblage de trois parcelles qui sont sur Pommard, Volnay et Meursault. Des très jeunes vignes sur Pommard, Volnay, des vignes qui ont entre 8 et 13 ans et des vieux aligotés et dorés sur Meursault, donc des vignes qui ont plus de 90 ans. Un élevage en fûts de 600 litres, 50% de fûts de 600 litres et 50% de cuve inox. Il faut que ça garde la tension, j’aime bien les aligotés qui ont un peu de tension comme un muscadet. Il faut que ce soit un peu tonique. Mais voilà, le fût va apporter un peu de rondeur et de gourmandise. C’est un joli aligoté. Il ne faut pas oublier que l’aligoté c’est un cépage qui produit beaucoup, qui est généreux.

Donc il faut faire attention à la quantité et au volume de vin et surtout les attentes. Il faut que ça soit mûr autrement ça fait des aligotés très acides et ce n’est pas ce que l’on veut.

Depuis 10 ans ou 15 ans, il y a une nouvelle génération de vignerons qui produisent des très beaux aligotés. Donc voilà, c’est un petit vin, mais j’aime bien.

Antoine : Je suis excessivement d’accord, j’ai vraiment trouvé ça très bon, très sympa.

Paul : Et donc là, je proposais, on peut peut-être goûter un 2019 encore sur Volnay Village. Il est mis en bouteille un peu plus tard, au mois de juin, juillet. C’est un assemblage de deux Volnay : Volnay Grand Champ et Volnay Famine en 2019.

En 2019, il faisait assez chaud en Bourgogne, on n’est pas comme en 2020, mais pas loin. Ce qui est intéressant sur ce millésime, c’est qu’on a des beaux équilibres, on a des maturités qui sont là, des peaux assez mûres, ce qui va engendrer des tanins assez souples. Et derrière ça on a des acidités qui sont aussi là. Le Pinot, moi j’aime le Pinot quand il pinote comme on dit en Bourgogne. Là je trouve qu’il pinote et tu as l’équilibre qui est derrière, l’acidité qui vient balancer un peu la bouche.

Si on fait des Pinot sans acidités, ça sera des Pinot mous. L’acidité c’est vraiment quelque chose que je recherche sur les vins, en tout cas cet équilibre-là. Comme sur un plat, en fait. S’il n’y a pas d’acidité sur un plat, ce n’est pas intéressant.

Ça c’est encore des bébés, 2019. Comme je disais, ça a été mis en bouteille il n’y a pas très longtemps mais on peut les attendre encore quelque temps. En tout cas le Volnay, encore deux ou trois ans ça serait bien mais ça goûte bien aujourd’hui, je trouve.

Antoine : Ça goûte déjà très, très bien.

Paul : Tant mieux.

Antoine : Et on retrouve bien l’acidité dont tu parlais, l’équilibre qu’il peut y avoir dedans, c’est très sympa.

Paul : 2020 sera un millésime qui sera un peu similaire, avec bien sûr des différences. Mais on a ces acidités tranchées et des belles maturités. En 2020 en a vendangé fin août. C’était un millésime de canicule. On est sur deux beaux millésimes, petits par le volume, mais grands par le potentiel. Et le potentiel de garde, on l’a, il n’y a pas de souci là dessus.

Antoine : Alors on a quelques silences qui sont dus à la dégustation mais c’est normal, c’est une ambiance qui se crée. J’espère que ça vous donne envie, aux personnes qui nous écoutent.

Paul : Je ne sais pas si ça rend bien.

Antoine : Si je pense. J’espère que vous n’écoutez pas ce podcast trop tôt dans les transports, que ça va vous donner envie de ne pas aller au travail aujourd’hui mais d’aller déguster. Non, c’est sublime.

Paul : C’est joli, c’est rond, c’est soyeux, il y a des tanins soyeux. Et comme je parlais à l’heure des peaux, on peut parler un peu de ça, si tu m’y autorises. Je parlais tout à l’heure de maturité de peau et de qualité première, en tout cas intrinsèque du produit, enfin du raisin, pour faire des grands vins. Moi, j’attache une grande importance aux maturités, quitte à même être en sur-maturité parfois. Alors il faut faire attention parce que 2020 millésime un peu extrême. On a été un petit peu loin, mais c’est très bon. Qualité de peau, ça veut dire des peaux mûres.

Un exemple tout bête, c’est pour choisir la date de vendanges, qui est quand même un choix assez compliqué, difficile. C’est un peu, on a l’impression de jouer au poker quand on choisit la date des vendanges. À quelques jours près, ça peut quand même beaucoup changer. Il y a quand même un aspect organoleptique important. Nous, on fait des prélèvements dans les vignes. On en fait deux semaines avant. On en fait trois ou quatre sur cette période de deux semaines. Bien sûr, on analyse les jus pour voir les acidités, le potentiel en degré, le sucre, tout ça, les Ph et tout.

Mais par contre, ce qu’on fait ici, c’est qu’on vient déguster les peaux et les pépins, on voit  comment ça se présente. Si les pépins sont bruns. Si les peaux on arrive à les mâcher, à les hacher, on va dire. Là, on aura une tendance du millésime. Ça donne une tendance pour voir comment on va pouvoir extraire derrière. C’est pour ça que l’idée d’attendre un peu plus et d’avoir des peaux mûres, on aura un potentiel tannique qui sera plus facile, des tanins souples, quoi, tout simplement.

Clos des Épeneaux - Bourgogne

Ce que tu dis, c’est super intéressant. Je pense, pour les personnes qui nous écoutent aussi sur la manière de visualiser ou de tester si un raisin est bien mûr. Tu disais qu’il y a deux grands éléments. Le premier, c’est le pépin, fait en sorte qu’il soit bien marron.

Paul : Voilà la couleur du pépin.

La deuxième c’est la peau, réussir à la manger, à la hacher

Paul : À la hacher oui, et la pulpe aussi. C’est-à-dire que quand on prend un raisin qui n’est pas mûr, la pulpe va rester accrochée aux pépins. Donc ça, c’est un signe que la maturité n’est pas là. On l’a sur des raisins de table, on n’attend pas la même chose sur un raisin de table, mais il faut que la pulpe se disloque du pépin, et à ce moment-là, on va se dire que ça sera bon. Donc, il y a ces trois paramètres qui sont importants.

Des fois, on n’a pas trop le choix, je vais dire comme 2021, c’était millésime compliqué de A à Z avec le gel, avec la météo qui n’était pas là et tout ça. Là, on n’avait pas trop de solutions. Il fallait qu’on récolte à un moment donné parce qu’on n’avait pas de problème de pourri, mais on aurait pu en rencontrer.

En 2019 et 2020, on n’a pas eu ce problème-là. On a eu des très beaux étés, voir trop beaux, trop chauds, avec très peu d’eau aussi, ce qui explique ces petits rendements. Mais voilà. C’est important de goûter les raisins et je pense de se faire une idée du millésime déjà et du potentiel du raisin. Et savoir ce qu’on va faire en extraction, en vinification. On passe par des pigeages et tout ça.

En 2019, on n’a pas beaucoup pigé, moi, je ne suis pas un grand fan de pigeage. Si je pige, donc le pigeage, nous on le fait soit au pigeou, donc avec un manche à balai et une espèce d’entonnoir rond d’une vingtaine de centimètres de diamètre. Autrement, nous, on fait beaucoup ça, c’est qu’on rentre avec le corps, avec les jambes dans la cuve et puis on vient enfoncer le raisin dans le jus. On appelle ça le pigeage.

Il y a deux écoles. Il y a ceux qui font ça en début de fermentation, même à froid. C’est plutôt mon cas. On va extraire des tanins assez souples, assez soyeux. En fin de fermentation, on va être sur des températures un peu plus élevées autour de 28 ou 30 degrés. Et là, si on pige trop, on va extraire des tanins un peu secs, un peu fermes. Il faut faire attention à cette période-là.

Le fait de piger, c’est quand on a le jus de raisin pour ainsi dire, il y a toutes les peaux et les pépins aussi je pense qui remontent.

Paul : Il y a tout le raisin qui remonte sous le phénomène de poussée du dioxyde de carbone et on vient enfoncer ce chapeau.

Antoine: Pour faire un peu comme un sachet de thé, quand le fond du mug, ça infuse.

Paul : Exactement. On vient aussi écraser les peaux. Mais c’est vrai que c’est exactement ça. On parle souvent d’infusion dans les vinifications.

Alors du coup, pour reprendre sur le Clos des Épeneaux, tu nous as dit 9 hectares ?

Paul : Sur le domaine.

Antoine : Sur le domaine, oui

Paul : Sur le domaine le Clos des Épeneaux, le Monopole fait 5 hectares 23. Ça, c’est la vigne de Pommard premier cru, Clos des Épeneaux Monopole. Et après, on est sur un domaine qui fait 9 hectares.

On est sur des appellations Pommard, bien sûr, sur le Clos des Épeneaux. Après on sur Volnay Village et Volnay premier cru. Donc, le Volnay Village, on l’a dans le verre. Volnay premier cru, les Fremiets. Une petite parcelle de 45 ares. Ensuite, on est sûr Auxey-Duresses donc Auxey-Duresses Blanc. Sur la commune on peut faire du blanc, mais on en a fait il y a quelques années mais maintenant on a arrêté et on fait donc un Auxey-Duresses Village et un Auxey-Duresses premier cru, l’aligoté et le chardonnay.

Antoine : L’aligoté et le chardonnay.

Paul : Il y a cinq rouges et deux blancs.

Où est-ce qu’on peut les trouver?

Paul : Chez tous les bons disquaires. Non, on a des distributeurs, des cavistes. On a un souci aujourd’hui, c’est que la demande de vin est très importante. On fait 80 à 85% d’export, donc c’est quand même assez conséquent mais on ne peut pas être présents partout, on n’a pas des volumes énormes. Et on fait autour de 45.000 bouteilles par an au total. Donc on trouve, oui, chez les cavistes, chez Lavinia à Paris, dans les restaurants, dans les beaux établissements, on essaye quoi.

Antoine : On a fait un épisode de ce podcast avec Édouard Margain de Lavinia. On a fait un épisode ensemble, ça tombe bien que tu cites Lavinia, si vous ne l’avez pas encore écouté…

Paul: Allez-y, oui.

Antoine : En parlant de distribution, tu nous as parlé un peu plus tôt la Burgundy Week à Londres, qui est un événement que je dois avouer ne pas connaître puisque je suis encore un jeune novice de la Bourgogne. Dans ce podcast, on a beaucoup fait Bordeaux parce qu’on a de la famille à proximité. Donc c’est assez facile d’avoir un point de chute. On n’a pas de famille en Bourgogne, donc ça a été un peu plus difficile.

Paul : Et puis, nous on est fermés nous en plus.

Antoine : Et puis oui, c’est un peu plus dur.

Paul : C’est vrai ?

Antoine : Non, je ne sais pas, je rigole.

Paul : On parle de Bordeaux aussi ?

Je ne connaissais pas du tout cette Burgundy Week. Évidemment, je connais les primeurs. Je ne peux pas dire comme ma poche parce que c’est loin d’être vrai encore, mais en tout cas, je les connais beaucoup plus. Mais est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur cette Burgundy Week ?

Paul : Tous les importateurs, enfin beaucoup d’importateurs en Angleterre, qui est un gros marché historique, les Anglais sont des acheteurs de vins depuis très longtemps, se sont mis d’accord pour organiser ça pendant une semaine. Ça tombe souvent la première, la deuxième semaine de janvier. C’est une semaine avec des testings. Nous, on envoie nos vins en primeur, soit tirés sur fût, soit en cuve ou mis en bouteille. Mais en général, c’est sur le millésime en cours, donc c’est des vins qui sont toujours en cours d’élevage.

On envoie les vins-là bas et on va présenter les vins. Par exemple, j’ai six différents importateurs en Angleterre. J’ai cinq dégustations du lundi ou vendredi dans différents endroits. Et voilà, il y a beaucoup de vignerons bourguignons qui y vont. On se retrouve tous là-bas, on travaille beaucoup. Mais on profite aussi du moment parce que ce sont des moments où on se retrouve en tant que vignerons. On a l’impression que la Bourgogne, c’est petit, mais il y a plein de gens qu’on ne voit qu’à ces moments-là parce qu’on ne peut pas être partout.

Antoine : Ce n’est pas très grand mais c’est très étiré la Bourgogne.

Paul : Oui, c’est assez étiré. Dijon, alors c’est principalement la Côte de Nuits, Côte de Beaune, Côte Chalonnaise, voilà, ça s’arrête là. Un peu de beaujolais aussi, mais très peu. On n’a pas le temps de se voir en dehors de ces moments-là. On se retrouve là-bas une semaine, on fait goûter nos vins. En tout cas, en général, ce sont des vins qui sont déjà confirmés, parce qu’on travaille par allocations. On alloue les vins en général avant cette semaine-là aux importateurs anglais. Eux, ils ont un volume on va dire à proposer à leurs clients. Le client final, que ce soit pro ou particulier, goûte nos vins, et après ça ils font des achats.

Antoine : Ils confirment ?

Paul : Ils confirment.

Antoine : Pour toi, ça doit être top aussi de voir justement ces clients, les personnes qui boivent le vin.

Paul : Je pense que c’est très important. On a loupé une année, on a tendance à dire deux ans. Je suis un peu perdu avec le confinement etc.

Antoine : On l’est tous. Je n’arrive pas à savoir.

Paul : J’ai l’impression que c’était il y a dix ans. On a fait une année et demie compliquée. En tout cas, on n’a plus pu trop bougé. Je pense que le client final a besoin de nous voir. L’acheteur, en tout cas, celui qui consomme nos vins. Nous, on a besoin d’avoir aussi un feedback par rapport à ça. Les gens, on les revoit chaque année. Ils achètent nos vins depuis très longtemps. Je pense qu’aujourd’hui, on n’a pas de problème pour la vente de nos vins bourguignons. Il ne faut pas oublier le client et il ne faut pas faut pas snober non plus tout ça, tout simplement.

Antoine : Il faut l’écouter, discuter avec lui.

Paul : Oui, échanger. Il va te poser des questions sur telle ou telle bouteille qu’il a ouverte, je ne sais, pas un millésime il y a 10 ans, 15 ans. Il va nous nous dire : « Qu’est-ce que tu en penses ». Et puis nous, ça nous fait du bien de voir des gens qui aiment nos vins. On a vite tendance à être enfermé dans nos caves et dans nos vignes, en Bourgogne.

L’hiver est parfois long en Bourgogne, donc il faut qu’on bouge. Le business et les gens ont besoin de nous voir. Je pense que c’est important. L’importateur aussi, c’est lui qui achète nos vins, il voit qu’on se bouge aussi. Ce n’est pas qu’un échange de mails. En général, ils viennent goûter les vins quand même ici, les acheteurs et les importateurs. Mais il faut se bouger.

Il faut peut-être repenser les déplacements parce qu’il y a beaucoup de déplacements qui ne sont peut-être pas tout le temps utiles. Et puis aujourd’hui, voilà l’empreinte carbone et tout ça. On reparlera tout à l’heure de la bio, mais la bio pour moi, c’est sur les vignes, mais c’est un ensemble, c’est la gestion de tout ça, du conditionnement, du transport… Il faut penser à tout ça. Aujourd’hui, on a des moyens techniques qui nous permettent de faire des Zoom, des choses comme ça. Je ne suis pas fan de Zoom, mais c’est peut-être quelque chose qui peut remplacer parfois des voyages. Envoyer les vins pourquoi pas, et puis derrière être là.

Antoine : Ça peut éviter certains aller-retour inutiles. Aller une semaine à Londres pour le coup, je pense que si tu fais une semaine, que tu as cinq rendez vous, que tu vois du monde…

Paul : Ça, c’est très important.

Antoine : Si tu fais l’aller-retour sur la journée

Paul : On y va en train.

Antoine : Pour une dégustation, clairement ça ne sert pas à grand chose.

Paul : Mais d’aller faire deux jours à Singapour, je pense que ce n’est pas nécessaire.

Antoine : Oui, c’est clair.

Paul : Même si c’est sympa.

Tu as prononcé un mot tout à l’heure qui est intéressant, pour les personnes qui découvrent la Bourgogne ou qui veulent aller un peu plus loin. C’est le mot « allocation ». C’est quelque chose qui est relativement propre à la Bourgogne, puisque c’est justement des petits volumes, c’est quelque chose qui est un peu moins présent dans les autres régions. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu ce que c’est et comment ça marche?

Paul : Le système d’allocation, c’est qu’on alloue des vins qui ne sont pas encore en bouteilles, pas encore sur le circuit ou le marché. Au mois de novembre, je vais envoyer des allocations, donc des propositions à nos importateurs anglais et américains en premier, parce que c’est eux qui veulent les prix en premier, enfin, les disponibilités et les prix.

Donc l’allocation, ça comprend les volumes de vin, les volumes de bouteilles et les prix aussi. On peut faire évoluer le prix ou pas, ça dépend. Nous, on marche beaucoup comme ça avec nos importateurs et même avec nos particuliers, nos restaurateurs, agents. On vend nos vins par allocation.

En fait, tu envoies un fichier  qui dit cette année, on a X bouteilles à tel prix ?

Paul : Voilà, moi je décide du nombre de bouteilles qu’on va proposer à un tel ou un tel. Et en général, c’est au prorata. Pendant des années, on fait moins de vingt pour cent, ce sera au prorata. Il faut respecter le client même si il y a les très bons clients qui prennent plus. C’est comme ça, tout le monde est logé à la même enseigne. Et c’est vrai que c’est propre à la Bourgogne. Tous les domaines ne fonctionnent pas comme ça, c’est une chance aussi de pouvoir le faire. Et oui, c’est attendu. Après il y a un boulot de vente et de proposition. Les importateurs font quand même du travail.

Antoine : Ce n’est pas qu’un intermédiaire.

Paul : Ce n’est pas qu’un intermédiaire. L’importateur a beaucoup de sens aujourd’hui encore dans le monde du vin. On parle souvent des intermédiaires et les gens qui disent : « Il y a beaucoup d’intermédiaires. ». Sur certains marchés, il y peut-être un peu trop, mais dans l’ensemble, ils ont leur importance. Aujourd’hui les vins de Bourgogne se vendent très bien, on peut parler des prix, les vins bourguignons sont très chers. Si demain, on a plus de mal à les vendre, on sera content d’avoir ces gens-là derrière.

Je pense que ça peut aussi dépendre beaucoup de la taille de ta structure en fait.

Paul : Bien sûr.

Antoine : Effectivement, si tu as une grande maison au sens large et avec beaucoup de personnes, c’est potentiellement facile de dire je vais être mon propre importateur aux États-Unis ou en Angleterre et je me débrouille parce qu’en fait tu peux.

Paul : Tu peux.

Mais en fait ton importateur à toi aux U.S.A. ou au Royaume-Uni, il a toi comme client et il en a sûrement 30 autres. Mais du coup, les coûts qu’il t’impute à toi c’est un trentième de ce que tu aurais dû payer si tu le faisais tout seul.

Paul : Tout à fait. Non, c’est ça.

Antoine : Ça dépend.

Paul : C’est important.

On a des sujets à évoquer, tu nous as amené deux autres bouteilles. Est-ce que tu veux qu’on les déguste maintenant? Ou on attend un peu ?

Paul : On va le faire. Là c’est un Pommard premier cru Clos des Épeneaux 2019. Donc pareil mise en bouteille fin juin, début juillet. C’est vraiment un bébé. Issu de la parcelle de Clos des Épeneaux, le Monopole qu’on évoquait tout à l’heure. Une parcelle de 5 hectares 23, donc un très gros monopole sur la côte. On fait partie des plus gros monopoles en premiers crus, grands crus.

Antoine : C’est un bébé, mais c’est déjà très beau quand même.

Paul : Oui, mais je suis assez fan de C-19, du millésime en général sur le bourgogne. Ça a engendré des très beaux rouges et des très beaux blancs aussi. On a cet équilibre et un côté appétant, salivant qui est intéressant. On a les épices qui ressortent bien, une belle longueur, un touché de tanins qui est assez soyeux, je trouve. Je dis souvent que c’est très facile de faire des monstres sur le Clos des Épeneaux, sur Pommard en tout cas. Sur cette parcelle-là, on est sur une parcelle où il y a beaucoup d’argile dans certains coins. Il faut faire attention, travailler assez doucement. La vinification, l’extraction, essayer de faire attention aussi parce que parce qu’on peut vite basculer sur la dureté de tanins et tout ça et faire des Pommard, comme beaucoup de gens peuvent penser, des Pommard assez durs, assez rustiques.

Alors qu’aujourd’hui, il y a une nouvelle génération sur Pommard depuis quelques années, ce n’est pas nouveau. Mais on peut faire des Pommard très fins et c’est un bel exemple je trouve avec une capacité de garde et un potentiel qui sont là.

Aujourd’hui faire des vins de grande garde, c’est important. Il faut pas changer de cap non plus. On a maintenant aussi une façon de boire les vins qui est différente. Les vins se gardent un peu moins, les gens ont plus de mal à les garder. Les prix ne sont plus les mêmes aussi. Il y a 20 ans avoir acheté des vins de Bourgogne, c’était plus facile. Aujourd’hui, c’est un peu plus compliqué.

Antoine : Malheureusement. J’étais encore un peu jeune il y a 20 ans.

Paul : Je pense que moi aussi donc je n’en ai pas beaucoup en cave. Donc faire des vins qui peuvent avoir ce potentiel, cette capacité d’ouverture dans les cinq ou sept ans, et pareil, qu’on peut par contre emmener très loin.

Je suis un peu effaré aujourd’hui de voir sur les réseaux sociaux, sur Instagram et tout ça, des gens qui, je vais peut être paraître vieux con, mais qui se montrent avec des millésimes de grands crus ou de très beaux domaines de vins, pas que Bourguignon, c’est un ensemble, très jeunes. Ouvrir des 18 aujourd’hui sur des grands crus, c’est un peu dommage. Mais bon, c’est comme ça, ce n’est pas la fin du monde. Je pense qu’on peut passer à côté de plein de choses et surtout sur des Pinot et sur des grands terroirs comme ça.

Antoine : C’est clair, sauf s’ils en ont 12 en cave.

Paul : Après s’ils en ouvrent une par an pour voir. C’est ce que je dis souvent aux clients, si vous en avez beaucoup, vous en ouvrez une de temps en temps et puis vous voyez. Après, il y a des gens qui aiment les vins très jeunes. Je le respecte, mais je pense qu’il y a quand même un minimum d’attente sans basculer sur des vins vieux, sur des arômes tertiaires. Mais c’est comme pour, on a du mal à attendre aujourd’hui. Ça fait vieux con, ça.

Non, mais je suis assez d’accord. Il y a une cave chez nous. Ce qui m’embête, c’est qu’il y a de plus en plus de vins à l’intérieur pour lesquels j’ai vraiment envie d’attendre. Et donc je me dis toute cette partie-là je n’y touche pas. Et toute cette partie où je ne dois pas toucher, c’est devenu les trois quarts en fait. Du coup, je ne peux plus toucher à rien.

Paul : Il faut avoir une cave avec un roulement, soit des canons à boire, pas tous les jours. Mais c’est comme ça, c’est une évolution. C’est à prendre en considération. On a cette chance et cette malchance avec ce changement climatique qu’on voit tous les jours. Et puis on a la chance d’avoir des raisins plus mûrs et plus sains qu’avant. On a aussi une technique qui est meilleure qu’avant. Une technique aussi pour diminuer les doses dans les vignes, les doses de soufre, de cuivre et tout ça. Ça va dans le bon sens. Je trouve qu’on fait des vins qualitativement qui sont qui sont top. On n’a plus de mauvais millésimes, très peu en tout cas.

Avant, il y a 30 ou 40 ans, on pouvait passer à côté d’un millésime parce qu’on n’avait pas les techniques ou les moyens techniques qu’on a aujourd’hui. Le réchauffement, c’est un mal, mais c’est un bien pour le pinot. Et pour la qualité globale du vin.

Est-ce que tu veux aborder le sujet de la bio ? Est-ce tu peux un peu nous expliquer ta démarche ?

Paul : Oui, on peut en parler. La bio, c’est une démarche globale. Comme je disais tout à l’heure, après, tout le monde a sa façon de voir la bio. Il faut que ça soit résolu dans sa globalité, je le conçois comme ça. La vigne reste le plus important. C’est là où on va passer le plus de temps. C’est notre gagne-pain.

Mais après je parlais tout à l’heure des transports, d’essayer de raisonner tout, les matières sèches, les cartons, les déplacements. On englobe tout ça.

Nous, on est certifié Ecocert depuis quelques années maintenant, depuis plus de dix ans. On a un cahier des charges, on a un audit annuel qui est réalisé par l’organisme Ecocert. Voilà on est dedans, il n’y a pas de souci. Mais on avance, on ne reste pas sur la bio en se disant qu’on a ça et on s’en contente. Non, on essaie, on va essayer d’aller un peu plus loin et par exemple, sur le Clos des Épeneaux qui est cette parcelle phare du domaine et qui fait plus de 5 hectares avec les contours on a beaucoup plus que ça, mais c’est clos de murs, ça, c’est important aussi.

Ce sont des murs qui sont assez hauts. On a vraiment cette vigne qui est enfermée par les murs, les vieux murs qui datent du 18e siècle. Et dans cette vigne-là, j’ai replanté des arbres fruitiers il y a un an. Alors, on a planté une quinzaine d’arbres dans une partie. On a des abeilles, on fait du miel. Je te filerai un petit pot de miel du Clos.

Antoine : Avec grand plaisir, j’adore le miel.

Paul : Millésimé 2021, d’ailleurs. On a remis des haies mellifères, on va essayer de recréer un peu une biodiversité qui est là, mais qui n’est pas forcément très présente. Puis, on a remis il y a quelques années des cabanes à chauves souris. Après on s’est rendu compte que la chauve souris n’a pas besoin de nous pour nicher dans les murs et tout ça.

J’avais regardé à un moment donné de mettre des nichoirs aussi à oiseaux, on est en confusion sexuelle. Je pense qu’aujourd’hui, on a les moyens encore une fois techniques et aussi financiers d’aller dans ce sens-là et d’aller un peu plus loin. Et ça, moi, ça me plaît énormément de continuer à prolonger cette partie bio et biodynamique qui a été instaurée par Pascal Marchand et par Benjamin Leroux on va dire mi 1980 jusqu’à maintenant.

Dans les années 80, commencer à travailler comme ça, ça devait être…

Paul : C’étaient les précurseurs, Pascal Marchand était un précurseur. Il y avait toute une génération de vignerons à cette époque-là qui ont été des avant-gardistes. Ça existait déjà bien avant. On sortait des années 70, qui étaient quand même des années où on utilisait des produits qui n’étaient pas forcément très clean. Et donc, il y a des nouvelles générations. On parlait tout à l’heure de Dominique Lafon, il en fait partie. Tous ces gens-là, c’étaient des grands pour ça.

Est-ce que tu sens une différence en menant ces actions ?

Paul : Au niveau de la vigne et du vivant, tu veux dire ?

Antoine : Oui.

Paul : Oui, on voit une différence. On voit déjà les sols. Le sol, c’est le support de la vigne. C’est ce qu’il y a de plus important. Le plus gros du travail est au niveau du sol. Après, si on a des sols qui répondent bien et qui sont de bonnes structures, avec des composés, des beaux équilibres, on va retrouver ces équilibres derrière dans les raisins et dans les vins. Donc, la base est là.

Tout  à l’heure je parlais de raisonnement, du passage de tracteurs à tout ça. C’est ça aussi, le tassement des sols et tout ça. Donc, la bio nous permet d’avoir des sols beaucoup plus vivants, la bio dynamie aussi. Et derrière, on a des résultats concrets.

On a créé un petit groupe de réflexion avec d’autres vignerons, c’est David Duband a créé ce petit groupe de réflexion sur l’agroforesterie avec des beaux domaines de la côte, côte de Nuits, côte de Beaune et un peu côte Chalonnaise. C’est pour aller dans ce sens-là, l’agroforesterie. Ça voudrait dire réinstaurer les arbres les contours, dans les vignes.

Ce n’est pas évident ici parce que, comme tu as pu le voir, les écartements sont assez faibles. On est sur du un mètre sur un mètre, à 10000, 12000  pieds par hectare donc ne peut pas faire ce qu’on veut. Mais on le fait pour la beauté. Je pense que tout ce qui est beau est meilleur, et on le fait parce que c’est important. On peut être considéré comme pollueurs parfois, mais on essaye. Il y a une augmentation des gens qui sont en bio ici, on est de plus en plus nombreux quand même.

Oui, enfin, c’est un peu bateau ce que je vais dire, mais je pense sur le long terme, ça ne peut que fonctionner.

Paul : Mais je pense qu’on n’aura pas le choix.

Antoine : Il ne peut rien t’arriver de mal à mettre un arbre en plus.

Paul : Non, là-dessus, c’est clair. Mais tu vois, un millésime comme 2021 qui était un millésime merdique, je parle de la saison, je ne parle pas du vin et de la qualité finale, mais compliqué avec le gel au mois d’avril. Après, on a eu beaucoup de pluie, des cumuls assez importants. On a décroché sur deux, trois maladies. On a eu pas mal du mildiou et de l’oïdium aussi.

C’est compliqué de faire du bio dans ces années-là. Je pense qu’il ne faut pas lâcher. Après il y a aussi un aspect économique. On n’a pas tous les mêmes problématiques. Chacun fait comme il peut dans son domaine, mais la tendance est quand même d’aller dans ce sens-là et je pense que c’est important. Et on n’aura pas le choix plus tard peut-être.

On parle du dernier ?

Paul : Oui. On va continuer sur le Clos des Épeneaux. C’est un 2017 maintenant. Clos des Épeneaux de 2017, que je vais servir de ce pas.

Antoine : J’espère que ce format de dégustation plait à nos auditeurs, c’est la deuxième fois que je le fais comme ça.

Paul: C’est sympa, non ? Ça permet de parler de choses concrètes. Et puis on boit du vin, c’est bien.

Antoine : C’est pas mal. Alors, je rassure les personnes qui nous écoutent, je ne sais pas si vous l’entendez, mais on recrache absolument tout.

Paul : Évidemment, bien sûr. Non, mais c’est sûr, il faut consommer avec modération. Tu dois le dire ça ou pas ?

Antoine : Je ne sais pas. Dans tous les cas, les personnes qui font une heure de podcast sur le vin, normalement consomment avec modération.

Paul : On ne va pas sortir pompette. Donc, 2017, millésime après le gel de 2016, très impacté par le gel 2016. Les années après gel sont en général considérées comme des années assez productives. En général les années de gel, il n’y a pas de fruit. Il n’y a pas de raisin, pas de cerises, pas d’amande, il n’y a rien.

Les années d’après la nature reprends ses droits. Une année assez généreuse, mais sur des rendements autour de 30, 35 hecto hectares, ce qui reste assez bien géré, ce n’est pas des rendements de fou non plus.

On parle de ce millésime assez classique en Bourgogne, dans le bon sens du terme. Ça fait des vins assez équilibrés, assez fins. La finesse du pinot, on l’a bien. Moins exubérant que certains millésimes, peut-être comme 2019 qui sont un peu plus, un peu plus chauds et un peu plus costauds, avec un peu plus de volume de vin.

2017, c’est plus précis, plus fin, et c’est un vin qui a maintenant été mis en bouteille en 2019. Il a 2 ans de bouteille. Il commence à être un peu plus posé. Ce sont des vins qui ne sont pas filtrés, je ne filtre pas les rouges. Je pars du principe que si on fait des élevages assez longs, on n’a pas besoin de filtrer.

J’aime bien les vins qui sont assez limpides et brillants, c’est le cas là. On parle de turbidités qui sont assez basses. La filtration n’est pas nécessaire. Il y a des années où on peut le faire, mais bon, à voir. Chaque millésime est différent et on adapte les techniques à chaque millésime.

J’aime beaucoup ce qu’on fait. On va dire il parle de ses vins, forcément il aime. J’ai toujours une petite réserve là-dessus parce que je n’aime pas me mettre en avant non plus. Mais j’aime bien. C’est un millésime que j’ai eu du mal à faire goûter pendant tout le temps de l’élevage. C’est un millésime un peu fermé, un peu dur et maintenant je trouve que ça goûte bien.

Ce qui est impressionnant, c’est qu’il y a deux ans d’écart, sur ces deux millésimes différents. L’énergie, même le toucher, etc., ça n’a rien à voir. Ce sont deux millésimes différents. Il y a plein de conditions qui font que sur la personnalité en tant que telle je trouve que ça joue beaucoup.

Paul : C’est étonnant et je pense que c’est important de jouer cet effet millésime. On a des millésimes qui sont meilleurs que d’autres, c’est comme ça. Mais voilà, de lisser la qualité, ce n’est pas un truc qui est bourguignon. On essaie vraiment de faire des vins fins.

2021 sera encore différent, 2020 c’est différent. Le client est plutôt heureux de ça. Pour la partie technique, on égrappe tout, pas de grappes entières. L’assemblage final on a 30 à 35% de fûts neufs, c’est tout. Élevage de 18 à 20 mois, c’est classique, sur lit, pas de soutirage entre temps. Et voilà.

Antoine : Après direction la bouteille !

Paul : Et après, on met ça dedans et on attend. Je range les bouchons.

Antoine : Incroyable. Déjà merci pour cette dégustation.

Paul : De rien.

J’espère que les personnes ont apprécié. J’espère que ça vous a donné aussi envie de découvrir le Clos des Épeneaux chez tous les bons cavistes et les bons restaurants. C’était super intéressant. Évidemment, on peut venir te voir ici.

Paul : Oui, bien sûr, on peut me contacter sur le site et l’adresse mail. Je n’ai pas de caveau de réception, mais je peux faire goûter, il n’y a pas de problème. J’ai le temps. J’ai du mal à dire non, c’est un peu mon défaut. Donc oui, venez j’aurai du mal à dire non. Donc je vous dirai oui.

Antoine : Mais pas tous en même temps et pas quinze jours avant les vendanges.

Paul : Non, il y a des dates un peu phares. Les vendanges, il faut oublier. L’été, c’est un peu chaud. Juillet, ça va, mais avant, c’est un peu plus compliqué.

Antoine : Oui, c’est clair. Même pour moi. Je n’arrive pas à faire de podcast à ce moment-là donc je suis obligé d’avoir du stock au sinon ça ne va pas. Mais là ça va, je suis assez serein. Merci pour tout ça. Jai trois questions qui sont assez traditionnelles. Avant de les faire je pense, qu’on a fait un beau tour.

Paul : Je pense oui, on a balayé un peu tout ça, l’histoire.

J‘ai trois questions qui sont assez traditionnelles. La première, c’est est-ce que tu as un livre sur le vin à me recommander ?

Paul : Alors, j’ai essayé de réfléchir pendant cette petite heure. Un livre qui me vient en tête, c’est un livre d’un anglais, Jasper Morris, qui est assez connu dans le monde du vin et qui a travaillé pendant très longtemps pour Berry Brother qui est un importateur, Master of Wine et tout ça. Ça s’appelle Inside Burgundy. Jasper, c’est un amoureux de la Bourgogne qui vit en Bourgogne maintenant depuis très longtemps. Il y a une grande dame de la Bourgogne qui est partie il n’y a pas longtemps qui s’appelait Becky Wasserman et qui a fait beaucoup pour la Bourgogne, sur les États-Unis et ailleurs, et Jasper fait partie de cette trempe-là. Inside Burgundy, ça résume assez bien la Bourgogne et plein d’anecdotes sur le vin bien sûr, sur les domaines, sur les terroirs. Et tout ça. Donc, c’est un gros bouquin, mais qui est intéressant.

Acheter Inside Burgundy

Antoine : Ça marche, je l’ajoute sur ma liste de lecture et j’ajoute Jasper sur ma liste d’invités potentiels.

Paul : Il faudrait l’inviter un jour, c’est un érudit, très intéressant et très sympa.

Antoine : Entendu.

La deuxième question, c’est est-ce que tu as une dégustation coup de cœur récente ?

Paul : Très bonne question. Je n’en ai pas fait beaucoup ces derniers temps. J’étais un peu concentré ici, mais la dernière que j’ai faite, c’était chez Lafon, domaine des Comtes Lafon. C’était au mois de mai dernier, je crois. Je ne vais peut-être pas être très original, mais bon. Le domaine des Comtes Lafon reste une valeur sûre de Meursault, un grand domaine phare et des grands blancs, des grands rouges.

Antoine : Très bien, c’est noté et tout à fait accepté comme dégustation.

Paul : Ça va faire comte Armand, comte Lafon, on reste dans les comtes. Ça fait partie de mes domaines phares. Après il y en a d’autres, il y a beaucoup d’autres domaines.

Dernière question, qui est la prochaine personne que je devrais interviewer dans ce podcast ?

Paul : On va partir sur la nouvelle génération. Alors moi, je dirais on va partir sur une vigneronne allemande qui s’appelle Catharina Sadde, qui a monté un petit domaine, Domaine Les Horées, qui est aujourd’hui sur Beaune. Elle a racheté une cuvée à Beaune. Elle fait des vins tout en finesse, et c’est quelqu’un que j’apprécie énormément, elle a une belle personnalité aussi. Une future ou déjà grande dame de la Bourgogne, Domaine Les Horées, Catharina Sadde.

Antoine : Ok. Compte sur nous pour la contacter et pour revenir en Bourgogne pour faire cette interview, ce serait super. Merci beaucoup.

Paul : De rien, c’était top.

Antoine : C’était un plaisir. J’espère que ça t’a plu aussi d’être à ce micro.

Paul : C’est bien, c’est passé vite.

Antoine : C’est passé très vite, ça passe toujours très vite. J’espère que c’est également passé vite pour vous auditeurs et auditrices et que vous avez envie d’aller plus loin. Si c’est le cas, n’hésitez pas à, on va ouvrir une chaîne d’ASMR ensemble pour vous donner ces bruits de dégustation dans un autre podcast. On va faire de l’ASMR de dégustation de vin. Inscrivez-vous à la newsletter du Wine Maker Show, les liens sont dans la description et je vous enverrai ce nouveau podcast. Encore merci pour tout ça.

Paul : De rien, c’était sympa.

Antoine : À bientôt !

Laisser un commentaire