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#57 – Michel Barraud – Président de la cave des Terres Secrètes

La cave des terres secrètes : voilà une coopérative qui m’intriguais et le moins qu’on puisse dire c’est que je n’ai pas été déçu. J’étais ravi de faire cette rencontre pendant mon déplacement sur le vin en Bourgogne, d’échanger avec Michel, de comprendre son parcours et de discuter de la coopérative. J’espère que cet épisode vous plaira et qu’il vous donnera envie de prendre quelques bouteilles des terres secrètes pour votre cave à vin.


Antoine : Bonjour Michel.

Michel : Bonjour.

Antoine : Merci beaucoup de nous accueillir ici. Alors on est juste au-dessus du magasin de la coopérative, même du siège de la coopérative.

Michel : Oui, exactement. On est dans une petite salle de dégustation qui est juste au-dessus du magasin de la coopérative, juste à côté de la salle de réunion où se réunit le conseil d’administration. On est au cœur de la coopérative.

Au cœur du réacteur des Terres Secrètes. On va parler évidemment de beaucoup de choses aujourd’hui mais avant est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Michel : Michel Barraud, je suis vigneron depuis presque toujours puisque je me suis installé en 1989 en sortant de l’école de viticulture de Beaune. C’est une exploitation familiale que mes parents tenaient déjà et que mes grands-parents tenaient avant eux, une suite de plusieurs générations.

Tu as vraiment baigné dans le monde du vin depuis toujours du coup ?

Michel : Complètement, baigné dans le monde du vin et puis dans cette région en fait fantastique, dans ce Mâconnais fabuleux avec ces paysages formidables. Oui je crois, enraciné, attaché à ce terroir, à ces vins que l’on produit et à toute l’histoire qui va avec.

Comment s’est passée pour toi cette découverte du vin, ces premiers pas ? Est-ce que tu te souviens du premier moment où tu as goûté du vin ?

Michel : Ce n’est pas de goûter le vin qui m’a accroché, attaché à ce métier-là, c’est vraiment la nature, et la vigne en fait. Forcément que, enfant, mes parents m’emmenaient à la vigne tout petit et c’est comme ça que j’ai commencé à tremper dedans et donc c’est plus une accroche par le terroir, par le vignoble, par le travail manuel, par le travail de la vigne qui m’a accroché à ce métier.

C’est quoi les souvenirs un peu jeunes justement que tu peux avoir comme ça de tes premiers pas, est-ce qu’il y a eu un déclic ? Par exemple, entre le moment où tu t’es dit : « C’est sympa, j’aime bien aller à la vigne et le moment où tu te dis je vais vraiment en faire mon métier », comment ça s’est passé pour toi ?

 Michel : J’ai un souvenir vraiment enfant, j’avais 5 ou 6 ans, mon père avait encore un cheval. Il n’y avait pas de tracteur enjambeur. Donc c’était dans les années 72, 73, et je me souviens qu’ il allait à la vigne il labourait et me mettait sur le cheval et j’allais à la vigne avec lui, ça c’est un souvenir qui m’a marqué.

Ce n’est pas à cet âge-là que j’ai décidé d’être viticulteur mais quand j’ai eu 14 ou 15 ans je me suis dit c’est là où je suis bien, c’est là où je me sens bien et c’est ce que je veux faire.

À 14-15 ans, et à ce moment-là c’était parti, tu as fait le lycée viticole ?

Michel : Exactement, enfin le parcours classique, le lycée viticole de Beaune, de la seconde jusqu’au BTS donc cinq années à Beaune, cinq très belles années où j’ai rencontré plein de monde et dont je garde beaucoup de beaux souvenirs et surtout de bons camarades.

Antoine : Je me doute que dans ta classe il devait y avoir des gens très sympas et que vous devez tous être encore en contact un peu aujourd’hui.

Michel : Toujours, oui.

Quand tu fais ce lycée viticole, il n’y a pas un moment où tu hésites dans cette partie-là ? Il n’y a aucun moment entre le début du lycée et la fin du BTS en question où tu te dis : « Est-ce que j’ai vraiment envie de faire du vin, est-ce que j’ai vraiment envie de faire ça ? ». Pour toi, c’était fait ?

Michel : Non, je n’ai jamais eu de doute. Dès l’instant où je me suis engagé en seconde je n’avais qu’une envie, qu’une attente, c’était de terminer ce parcours scolaire pour vraiment m’engager dans le métier. Je n’ai pas eu de doute dans toute cette période-là.

Qu’est-ce qu’il se passe du coup au moment où tu sors du BTS ?

Michel : Quand je sors du BTS, mes parents ont donc une petite exploitation viticole mâconnaise, là je me suis installé en 1989. On était encore dans des exploitations où il y avait de la polyculture où il y avait aussi un peu d’élevage puisse que l’on n’est pas très loin du massif charolais.

J’avais vraiment la volonté de me lancer dans le métier de viticulteur à part entière. J’ai travaillé avec mes parents pendant quelques années. On a développé l’exploitation ensemble. Il y a eu une belle transmission qui s’est faite entre mes parents et moi dans l’apprentissage du métier, bien complémentaire à ce que sont les études et tout aussi important. Après le parcours a suivi son cours.

Qu’est-ce que tu retiens de ces moments ? S’il y avait un conseil à donner à de jeunes vignerons qui s’installent ou quelque chose comme ça, qu’est-ce que tu retiens d’important ?

Michel : Ce que je retiens surtout d’important c’est vraiment avoir le sentiment que l’on va aimer ce que l’on va faire, ça c’est vraiment important.

Il faut observer, beaucoup, il faut écouter et puis apprendre en fait, apprendre des autres, tirer des enseignements. Il faut être en éveil permanent, écouter, regarder, apprendre continuellement. C’est tous les jours ou presque qu’il faut écouter et apprendre.

Là on est en, tu m’as dit en 1989, quand tu sors du BTS ?

Michel : Oui, exactement, c’est ça.

Tu me dis que tu as fait 4 ou 5 ans en compagnie de tes parents pour continuer à apprendre, donc on est en 1995 ?

Michel : Un petit peu plus, jusqu’en 2001 avec mes parents et puis après j’ai continué seul sur l’exploitation familiale en la développant, bien sûr avec des salariés, et mon père qui est toujours là, avec toujours un œil attentif sur l’exploitation, il donne toujours un coup de main. Même s’il a 82 ans il est toujours là, il est toujours de bon conseil aussi et j’aime toujours échanger et confronter les points de vue, même s’il a 82 ans.

Antoine : Oui, super précieux comme moments, effectivement.

Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant ces vingt années pour toi, donc de 2001 à aujourd’hui ? Tu as parlé de développer l’exploitation et on va venir après évidemment aux Terres Secrètes, qu’est-ce qu’il s’est passé pour toi sur cette exploitation ? Comment tu l’as fait grandir ? Tout à l’heure, tu disais à l’époque on était encore en polyculture, est-ce que c’est encore le cas aujourd’hui ? Comment tu as senti un peu les évolutions ?

Michel : L’évolution s’est faite petit à petit en fait, elle s’est développée vraiment progressivement. Il n’y a jamais eu de gros à coups. Ce que l’on a fait tout de suite c’est que l’on s’est vraiment consacrés uniquement à la vigne et le développement s’est fait par des plantations et par des reprises aussi de surfaces complémentaires, mais vraiment très progressivement.

Je n’ai jamais fait de bonds importants et c’est chaque année quelques plantations, quelques reprises qui ont fait que l’exploitation s’est développée de 8 hectares en 89 à aujourd’hui, on est à 30 hectares avec un projet de développement avec l’installation de mes fils qui arrive.

Ils ont quel âge ?

Michel : Les deux qui s’installent ont 23 et 28 ans.

Et pareil, tu leur as transmis la passion du métier ?

Michel : J’espère la leur avoir transmise. J’espère que l’on va pouvoir justement partager beaucoup de choses ensemble.

Antoine : C’est super intéressant comme moments je pense pour eux, cette installation et tout, c’est des moments assez privilégiés.

Michel : Oui, c’est sûr. Je les savoure moi, même si parfois les relations sont un peu tendues entre générations.

Antoine : C’est normal.

Michel : Moi je les ai vécues donc moi je les vivrai aussi maintenant, c’est logique. Mais oui, ce sont vraiment des moments privilégiés dont il faut profiter.

Je ne sais pas si c’est en parallèle ou pas mais comment, est-ce que l’on peut partir du début sur les Terres Secrètes ou est-ce que tu peux me raconter ? Ici on est juste au-dessus du magasin des Terres Secrètes, à côté de la salle du conseil d’administration. Donc c’est une grande coopérative ici dans le Mâconnais, est-ce que tu peux m’en dire un peu plus sur ce sujet-là pour une personne qui découvrirait ?

Michel : Il n’y a pas de parallèle entre mon exploitation et Terres Secrètes. C’est vraiment une continuité en fait, puisque donc je suis vigneron et vigneron coopérateur. Je suis adhérent à la cave des Terres Secrètes depuis toujours puisque mes parents l’étaient déjà et à ce moment-là, au moment où je me suis installé la question s’est posée aussi. Est-ce que le choix s’oriente sur la coopérative ou est-ce qu’il s’oriente sur un chai indépendant, une vinification indépendante ?

Voilà, on a un esprit coopératif aussi très marqué. On mesure aussi toute la force de travailler ensemble. Je me suis naturellement impliqué petit à petit au sein de la coopérative en étant adhérant au début. Mon père était lui-même aussi très impliqué et j’ai intégré le conseil d’administration en 2001 et le bureau ensuite. Je suis devenu président du conseil d’administration de cette cave en 2007, et je le suis toujours aujourd’hui.

Je n’ai fait qu’une seule interview dans une cave coopérative pour l’instant. C’était à Plaimont. Je ne sais pas si tu les connais ?

Michel : Oui, je les connais.

Antoine : C’était super sympa, on s’était régalés là-bas. On a dégusté leur blanc. Je ne sais plus comment il s’appelle, mais ils sortent un blanc en primeur assez souvent.

Michel : Un muscadet.

Antoine : Je ne sais plus, on retrouvera. Mais c’est un modèle coopératif.

Est-ce que tu peux justement nous expliquer ce qu’est une coopérative, comment ça fonctionne ? Ensuite on plongera un peu dans l’histoire de Terres Secrètes mais déjà, pour que l’on comprenne bien, qu’est-ce qu’une coopérative dans le monde du vin ?

Michel : Une coopérative c’est forcément un groupement de viticulteurs qui s’unissent pour, dans notre cas, vinifier et commercialiser ensemble. C’est-à-dire que chaque viticulteur est adhérent. Il est détenteur de parts sociales au sein de la coopérative.

Comme je le disais tout à l’heure, la coopérative est vraiment le prolongement de l’exploitation. En aucun cas, dans la compréhension parfois, on imagine qu’une coopérative achète la vendange au viticulteur, pas du tout en fait. On vinifie, on commercialise ensemble et on partage le fruit du résultat de notre coopérative, d’où tout l’intérêt qu’elle soit la plus efficiente possible et pour cela que les viticulteurs qui adhèrent soient le plus impliqués possible avec des équipes de salariés bien sûr, très performantes.

L’idée c’est vraiment de dire : « On met en commun des moyens pour être en capacité de faire les vinifications et pour regrouper un appareil qui peut parfois coûter cher à titre individuel ou qui peut ne pas être utilisé de manière la plus efficace quand on est tout seul et mettre en commun la commercialisation, le marketing pour aller chercher des parts de marché. C’est un modèle qui est super intéressant parce ce qu’il est un peu entre rester tout seul et à l’inverse se faire racheter ou avoir un énorme domaine et je trouve ça plutôt intéressant d’avoir cet entre-deux des coopératives.

Michel : Oui, c’est sûr. C’est vraiment prendre sa destinée en mains mais collectivement en étant conscient qu’ensemble, on est plus forts, que l’on peut débloquer des choses que l’on ne pourrait pas débloquer seul, avoir une force de frappe plus importante, une offre commerciale déjà plus importante et puis après une organisation qui nous permet de commercer un peu partout dans le monde aujourd’hui.

Antoine : Oui, ça c’est aussi incroyable. C’est vrai que la distribution et la commercialisation, c’est assez fou.

Est-ce que tu peux nous parler de l’histoire justement de Terres Secrètes ? Comment ça s’est créé et comment ça s’est développé jusqu’à aujourd’hui ?

Michel : La coopération dans le Mâconnais a débuté dans les années 1925. La première coopérative  est celle de Saint-Gengoux-de-Scissé dans le Nord Mâconnais. Ensuite, sur une dizaine d’années sont nées des coopératives dans beaucoup de villages du Mâconnais. Il y a presque une coopérative par village pour imager les choses.

Elles sont nées forcément dans une période de crise, de grande difficulté. À la Fin des années 20, c’était très compliqué de produire et de vendre du vin et c’est né de cette façon-là.

La cave coopérative de Prissé à l’origine est née en 1928, celle de Verzé en 1928 également et celle de Sologny en 1951. Alors je vous parle de trois caves parce que ce sont trois caves qui sont situées à 7 km les unes des autres, qui sont restées indépendantes jusqu’en 1998 et qui se sont regroupées à ce moment-là pour former la cave des vignerons des Terres Secrètes où nous sommes aujourd’hui.

L’objectif de ce regroupement à l’époque ce n’était pas de la difficulté en 1998, c’était vraiment un véritable projet d’envergure, un projet commercial. Chaque cave à l’époque vendait essentiellement son vin au négoce bourguignon. L’idée c’était justement de se regrouper pour avoir une offre plus importante, se doter de moyens supplémentaires pour gagner en autonomie et vendre davantage en bouteilles, ce que l’on a fait en une petite vingtaine d’années.

Comment est venu ce nom des Terres Secrètes ? C’est super sympa.

Michel : Oui c’est sympa, c’est poétique, évocateur, ça intrigue. Je parlais tout à l’heure d’un regroupement en 1998. A l’époque quand on a regroupé les trois caves il fallait garder l’esprit aussi du clocher, rassembler tout le monde parce que forcément à chaque fois tout ce que l’on fait implique forcément l’humain, les hommes et il faut ménager tout le monde pour avancer.

On s’est appelés « Groupement de Producteurs de Prissé-Sologny-Verzé » pendant quelques années pour garder le nom de chaque village.

Je pense que vous auriez pu faire un peu plus long.

Michel : Oui, on l’aurait fait si on avait pu mais on s’est limité à ça. On était bien conscients que ça n’avait pas forcément une connotation très agréable et très commerciale. On a cherché aussi à évoluer et on avait une marque, Terres Secrètes, qu’on utilisait déjà dans la restauration qui fonctionnait bien et puis on a fait tout un tas de recherches et finalement on est revenus sur cette marque qui nous correspondait bien.

Il y a toujours la question que tu vas sûrement me poser : « Pourquoi Terres Secrètes ? ». Voilà j’enchaîne tout seul. Donc Terres Secrètes, parce que c’est vrai que le Mâconnais c’est un vignoble très particulier. On a fait un tour tout à l’heure au cœur du paysage. On a vu la diversité du terroir. C’est vraiment un terroir très chahuté avec une multitude de facettes et de coteaux différents.

Déjà une multitude de terroirs à découvrir et puis c’est un vignoble qui reste un petit peu à l’ombre aussi de nos prestigieux bourgognes de Côte d’Or, d’où ce nom de Terres Secrètes. Le but ce n’est pas de rester secrets justement mais c’est de faire comprendre aux consommateurs, à nos clients, à nos amis que l’on a une multitude de secrets à révéler par la diversité de ce terroir et par la diversité des cuvées que l’on produit aujourd’hui.

Est-ce que l’on peut entrer dans la production des Terres Secrètes ? Est-ce que tu peux nous dire un peu le type de vins que vous avez, qu’est-ce que vous faites ? Tu me disais tout à l’heure, quand on faisait un tour qu’il y a cent vignerons à l’intérieur de tout ça, ça représente combien d’hectares, quels types de vins est-ce que vous faites, est-ce que tu peux m’en dire un peu plus sur tout ça ?

Michel : Alors en chiffres rapides, oui, c’est une centaine de vignerons qui sont associés au sein de la cave. Ils regroupent à eux tous 900 hectares de vignes et dans ces 900 hectares de vignes on en produit à peu près 85% de vin blanc et 15% de vin rouge.

Alors dans les blancs, bien sûr c’est le cépage Chardonnay qui est le cépage roi en Mâconnais avec toutes nos appellations blanches en commençant par les Mâcon Village, avec toutes les sélections après de communes à l’intérieur comme des Mâcons Milly-Lamartine, Mâcon Verzé, Mâcon La Roche-Vineuse, entre autres pour nous, pour ce qui nous concerne.

Ensuite, on passe sur les appellations communales, donc on a le cru Saint-Véran qui est un cru qui a une côte qui monte régulièrement. Il y a 230 hectares de Saint-Véran au sein de la cave, ce qui représente un tiers de l’appellation Saint-Véran. C’est le fleuron de la cave et c’est vraiment un vin très important pour nous, qui contribue à notre notoriété.

Ensuite, on a le Pouilly-Fuissé également puisqu’on est très proches des roches de Solutré et Vergisson, donc on a des adhérents qui produisent du Pouilly-Fuissé. Voilà pour les appellations blanches essentiellement. On a un deuxième cépage qui est le Bourgogne aligoté qui est un petit peu plus marginal mais qui donne donc l’appellation Bourgogne aligoté du même nom.

Et après, sur les 15 pour cent de rouge restants, ils se décomposent sur l’appellation mâcon rouge qui est issue du cépage gamay et l’appellation Bourgogne rouge issue du cépage pinot noir et bien sûr du crémant de Bourgogne aussi, non négligeable. Voilà rapidement brossée la production.

Ça fait combien de vins, d’étiquettes différentes, de références ?

Michel  : On a 70 cuvées différentes à peu près. Près de 70 sélections différentes puisque le gros travail qui a été lancé déjà depuis 20 ou 30 ans, c’est justement un travail de connaissance de plus en plus précise de ces terroirs et puis un travail de sélection parcellaire qui s’affine d’année en année.

Tu commences un peu à en voir les résultats ? Est-ce que vous avez créé des choses un peu différentes, des choses un peu nouvelles avec ce travail d’identification ?

Michel : Oui. On n’a pas créé, on a mis en valeur ce qui existait en fait par cette connaissance des terroirs et justement du sol, de l’exposition, de la connaissance des vignerons. Et puis, forcément du personnel que l’on a au sein de la cave aussi qui maîtrise bien le travail puisque l’on a une responsable vignoble qui connait parfaitement le territoire de la cave et les vignerons.

On a identifié au fil du temps des terroirs privilégiés et ça a conduit à une multitude de cuvées. Je parlais de 70 sections parcellaires tout à l’heure. C’est vraiment la transformation de notre cave et des caves coopératives en général.

C’est-à-dire que, je parlais des années 1928, où on était dans la création des caves où les gens se regroupaient pour vinifier, mutualiser au maximum les moyens et puis arriver à commercialiser. Les caves étaient souvent situées au bord des voies ferrées, c’est le cas de Prissé, par exemple, et au fil du temps on est passé de ce travail-là vraiment à un travail minutieux, de plus en plus minutieux qui nous permet de sortir des cuvées très haut de gamme.

On a sur la table, le premier vin que l’on va déguster. C’est un Mâcon Milly-Lamartine, c’est déjà une commune de l’appellation Mâcon Village et à l’intérieur de cette commune on a identifié une parcelle spécifique qui s’appelle Le Clos du Four. C’est une parcelle d’un hectare qui nous donne un vin superbe qui est issu d’une exploitation. C’est une jeune viticultrice en fait qui s’est installée il y a 4 ou 5 ans et donc ça provient uniquement de son exploitation. Ce travail-là nous permet d’avoir le Milly-Lamartine, une exploitation sur un Mâcon Verzé Croix-Jarrier, on aura 4 ou 5 exploitations qui vont constituer la cuvée. On part à chaque fois sur une sélection de terroirs. À ce moment-là les cuvées sont composées du travail de plusieurs vignerons ou d’un seul.

Je te propose que l’on déguste. C’est une nouvelle chronique dans ce podcast. Tu es la troisième personne avec qui je déguste en parlant. Pour les personnes qui nous écoutent, on m’a fait la remarque, je ne sais pas si je dois le dire mais donc à consommer avec modération évidemment. De toute façon si vous écoutez un podcast sur le vin et que vous en êtes encore à la vingt-et-unième minute et qu’à priori vous consommez avec modération, donc je ne me fais pas de soucis, et donc tu vas me dire ce que l’on déguste.

Michel : On va déguster le Mâcon Milly-Lamartine Clos du Four dont je parlais à l’instant. C’est un 2018, bien sûr un terroir argilo-calcaire puisque c’est la base du Mâconnais. On est sur des éboulis vraiment caillouteux de la montagne de Cra qui est située sur la commune de Mâcon Milly-Lamartine essentiellement.

Et ce Mâconnais, toute cette zone vraiment géologiquement est très intéressante puisque l’on a toute une série d’éperons rocheux qui est très caractéristique et que tout le monde connait bien, la roche de Vergisson, la roche de Solutré, le Monsard, où on était tout à l’heure, la roche Coche à Berzé la Ville. Tout ce chaînon donne des éboulis formidables avec des sols très différents d’un coteaux à l’autre, donc est sur ce Milly-Lamartine.

C’est une cuvée qui a souvent un côté très floral. C’est souvent marqué par beaucoup de légèreté, beaucoup de finesse. En bouche on retrouve tout de suite la minéralité caractéristique de beaucoup de nos vins et un petit côté aussi épicé en fin de bouche que l’on retrouve, une belle longueur. On a une partie de la cuvée qui est aussi élevée en fût. On a une belle longueur en élevage long en fût qui nous permet d’avoir un vin qui est gras, riche et équilibré.

Je fais une auto dégustation mais après voilà je crois que dans une dégustation le principal c’est de se faire plaisir. Il ne faut pas l’intellectualiser. Un vin doit procurer du plaisir. On doit l’apprécier même si on doit  consommer avec modération quand on en a bu une gorgée on doit avoir envie d’en boire une deuxième, voire une troisième et après je m’arrêterai.

Je suis à 100% d’accord et clairement un vin doit, peut ne pas être intellectualisé et il n’y a aucun complexe. J’ai beaucoup de potes qui s’intéressent moyennement au vin mais que j’essaie de forcer à s’y intéresser ou en tout cas quand ils viennent à la maison j’essaie de leur faire déguster des belles bouteilles, des choses que je trouve sympas etcétéra parce que c’est la meilleure manière de mettre le pied à l’étrier de quelqu’un c’est de lui faire déguster quelque chose de bon. Souvent ils me disent qu’ils ne savent pas en parler ou toi dis-nous ce qu’il y a dedans. La question ce n’est pas ça. C’est est-ce que tu ressens quelque chose au moment de la dégustation, est-ce que ça te rappelle quelque chose, est-ce que tu aimes ou pas, quelles sont les sensations que tu peux avoir dans la bouche. Donc oui, je suis complètement d’accord avec toi. Et j’espère que, pour les personnes qui écoutent ce podcast, vous êtes sensibles à cet argument, et que notre dégustation vous donne aussi envie d’aller découvrir Terres Secrètes.

Michel : On espère.

C’est intéressant ce que tu disais sur ce vin, parce que donc ça c’est la production d’une seule vigneronne ?

Michel : Oui, c’est ça.

J’ai une question qui est un peu provoc, mais pourquoi elle le fait avec vous et pas toute seule puisqu’en fait cette bouteille-là c’est juste elle ? En soi elle pourrait aussi le faire.

Michel : C’est une partie de son exploitation aussi et toutes ces sélections comme je disais tout à l’heure ça peut être une exploitation ou plusieurs, mais à chaque fois ça fait partie d’une offre globale et on sélectionne le meilleur de ce que l’on a et encore une fois la richesse du collectif fait que ça nous permet d’avoir une offre commerciale très large.

Donc Violaine, qui produit ce Mâcon Milly-Lamartine Clos du Four, c’est un atout supplémentaire dans la gamme. Par exemple, elle ne produit pas de Saint-Véran Croix de Montceau ou de Saint-Véran les Cras, qui sont des cuvées prestigieuses que d’autres collègues vont produire.

Ça nous permet vraiment d’avoir une offre complète très et riche. Et la règle aussi de notre coopérative c’est d’engager la totalité de son exploitation au sein de la cave. C’est quelque chose qui est important pour nous parce que vraiment les viticulteurs sont impliqués et souhaitent aller au bout de leur métier.

C’est aussi ce qui donne beaucoup d’intérêt au métier de vigneron et de vigneron coopérateur parce que l’on a beaucoup d’identification et beaucoup de fierté aussi à pouvoir proposer des cuvées qui sont issues de notre exploitation ou de l’exploitation du collègue.

Tu as parlé de la distribution et de la force commerciale que vous pouvez avoir. C’est clair que c’est un des atouts d’une coopérative sans aucun doute. Est-ce que tu peux nous dire un peu où est-ce que l’on peut trouver des bouteilles de Terres Secrètes ?

Michel : Alors, on peut en trouver presque partout, il suffit de bien chercher mais on est forcément très diversifiés dans la distribution. On a une part de vente directe qui est importante puisque l’on a un caveau qui est plutôt bien passé et accueillant.

Il faut vraiment faire la démarche de venir mais comme je te l’expliquais déjà tout à l’heure, le Mâconnais a vraiment une situation géographique très privilégiée. On est sur l’axe nord-sud et sur l’axe est-ouest avec la route centre Europe Atlantique. On a le TGV qui est à deux pas, on est très bien placés donc on a beaucoup de passage. Donc, une part de vente directe. On a forcément beaucoup de ventes dans le réseau traditionnel, c’est-à-dire cafés, hôtels, restaurants, cavistes, grossistes, ça c’est aussi très important.

On travaille aussi en grande distribution, bien évidemment. La grande distribution fait partie de nos clients et on est contents de les avoir. On le fait en France et à l’export, puisque l’on fait à l’export le circuit traditionnel et la grande distribution. Bon an mal an, on commercialise entre 5 et 6 millions de bouteilles qui sont, qui représentent 85% à peu près de notre production le reste est vendu à des collègues négociants Bourguignons. Sur ces 5 à 6 millions de bouteilles 40% sont vendus à l’export.

C’est pas mal, et sur des pays en priorité ?

Michel : Alors oui il y a des pays traditionnels sur les vins de Bourgogne et sur les vins blancs du Mâconnais en particulier, on a l’Angleterre qui est quand même notre plus gros client. On a aussi beaucoup les pays nordiques Norvège, Suède, beaucoup sur l’Europe. La Belgique est aussi un très bon client sur les Saint-Véran, les Mâcon Village, les Pouilly Fuissé et puis forcément on commercialise aussi sur les États-Unis, l’Asie et de nombreux pays mais parfois dans des très petites quantités.

C’est marrant cet attrait de l’Angleterre pour les vins de Bourgogne. Tu sais d’où ça vient, tu as une explication ?

Michel : Non, je ne me souviens pas ou je n’ai pas cherché d’explication principale. C’est surtout des gens qui aiment les bonnes choses et qui aiment se faire plaisir et puis voilà qui sont sensibles aussi au cépage Chardonnay, qui aiment ce cépage Chardonnay parce que c’est les instants de consommation très variés mais qui peuvent aller de l’apéritif parce que voilà on est sur le Mâcon que l’on déguste maintenant est parfait à l’apéritif. La preuve, c’est l’heure là, on est bien en situation.

Et puis il ira très bien pour se marier avec de nombreux plats pour aller jusqu’au fromage parce qu’un Chardonnay, comme d’autres cépages blancs bien sûr, se marie très bien avec les fromages.

Antoine : J’étais en train de réfléchir justement à ce que j’allais manger avec cette bouteille, j’étais en pleine réflexion.

Qu’est-ce que ça veut dire être président du conseil d’administration d’une coopérative ? Ton boulot dans la coopérative, qu’est-ce que c’est ?

Michel : Mon boulot, c’est d’assumer les responsabilités et c’est surtout d’animer un conseil d’administration. C’est de faire vivre un conseil d’administration, orienter forcément les décisions, avec des décisions collectives toujours, mais amener des idées et faire fructifier toutes celles que les collègues ont. C’est vraiment animer ce conseil et après organiser les choses pour que l’on arrive à définir une ligne de conduite qui soit claire, avec des projets clairs, partagés, portés par l’ensemble. Ça c’est important on n’avance jamais si le collectif n’est pas soudé ou si les idées sont trop partagées. Ça passe forcément par un temps d’explications nécessaires, de compréhension de l’ensemble avant d’avancer mais une fois que tout est en ligne on avance et comme ça tout le monde peut porter le projet.

C’est quoi les principaux projets en cours en ce moment ?

Michel : Les gros projets en cours sont liés à ce que j’ai expliqué tout à l’heure, toutes ces sélections parcellaires nombreuses qui ont été faites au fil des ans et qui continuent de se faire.

Forcément, on était aussi dans un goulot d’étranglement en termes de technique parce que ça nécessite aussi des équipements particuliers, des cuveries plus adaptées avec des cuves plus petites et tout ça.

Sur trois ans on a un gros programme de travaux. On est passés tout à l’heure dans la cave à fûts qui vient d’être rénovée, donc qui est opérationnelle aujourd’hui.

L’année prochaine on aura toute une cuverie parcellaire qui sera mise en place en lien avec cette cave à fûts, jusque à proximité, qui nous permettra d’avoir 6000 hectolitres de cuveries de toutes petites capacités justement pour ces sélections parcellaires.

En amont de tout ça, un site de réception de la vendange vraiment dédié encore une fois à ces sélections parcellaires avec un respect plus important de la vendange et un pressurage encore plus adapté et plus fin.

C’est super excitant cette cuverie pour des petits parcellaires. Potentiellement ça va inaugurer une gamme encore plus étendue chez vous ou des travaux encore plus précis.

Michel : Oui c’est excitant, très motivant. C’est un projet très fédérateur, c’est important. Ce sont des investissements importants, mais que tout le monde fait vraiment avec beaucoup d’envie, beaucoup de plaisir parce que l’on sait que l’on mesure la finalité. Tout le monde est très impatient que l’on arrive au bout de cet investissement qui nous permettra encore de mettre plus en valeur nos terroirs Mâconnais et surtout ceux de Terres Secrètes.

On en a parlé un petit peu tout à l’heure quand on se baladait, tu me disais qu’ici vous êtes au centre de pas mal d’axes, que c’est assez desservi et facile. Il me semble que vous avez un gîte aussi juste derrière. C’est à la fois possible de venir vous voir mais aussi que c’est quelque chose que je suppose vous essayer de développer dans la coopérative.

Michel : Oui c’est un volet que l’on essaie de développer, ce volet oenotouristique dont on parle dans bien des régions. Tout le monde a à cœur de coupler le tourisme au vin et forcément quand on est dans une région viticole, la viticulture est un attrait touristique très important.

Le gîte que l’on a n’est pas tout récent puisqu’il a été transformé en 2000, au tout début des années 2000. C’est un gîte de groupe qui permet d’accueillir jusqu’à 34 couchages, 34 personnes. C’est vraiment important.

On travaille beaucoup l’oenotourisme par beaucoup d’activités et d’actions tout au long de l’année. On a eu toute une période où l’on faisait des concerts l’été devant la cave d’ailleurs. On a accueilli par exemple Ibrahim Malouf, pour citer un nom, important. Il était moins connu qu’aujourd’hui, mais on est fiers de l’avoir accueilli chez nous.

C’est vous qui l’avez découvert.

Michel : C’est nous qui l’avons découvert exactement, c’est nous qui l’avons lancé, mais je n’osais pas le dire. Et donc beaucoup aussi de découverte des terroirs par le biais de marches-dégustations. Ça c’est quelque chose que l’on fait depuis très longtemps, depuis 20 ans aussi. Ou on organise des circuits dans les vignes avec des points de dégustation associés à des mets aussi forcément.

Beaucoup de portes ouvertes d’accueil aussi pour faire découvrir et ouvrir les portes de la cave pour faire comprendre ce que l’on fait. C’est un volet que l’on continue de développer et que l’on cherche à développer. Tout notre projet actuel de sélections parcellaires, de cave à fûts, de réception de vendanges qui est située autour du magasin de vente, c’est forcément une idée de projet oeno touristique. Ça nous permettra d’avoir un circuit de visite très simple, très facile, assez rapide où on pourra faire découvrir vraiment le métier et l’aboutissement. C’est important, on a un gros travail en permanence à faire de communication auprès de nos clients mais aussi auprès de nos voisins et des citoyens en général.

Tu ressens qu’il y a des personnes qui ne comprennent pas forcément ce que c’est ?

Michel : Oui, on a toujours besoin d’échanger. La société est comme ça où on oppose les gens. Donc oui, ça passe toujours par le dialogue et accueillir les gens, faire comprendre ce que l’on fait, c’est la meilleure des solutions.

Antoine : En tout cas il y a une gare TGV qui s’appelle Mâcon-Loché qui est à proximité. J’ai pris le train une fois là-bas et je reviendrai pour le faire. C’est facile, ultra rapide, il n’y a pas d’excuses pour ne pas venir vous voir et vous pouvez venir jusqu’à 34, normalement il y a un peu de place.

Dans le monde viticole, il y a souvent des changements de générations, ou en tout cas c’est des choses qui sont marquantes. On en a parlé un peu ensemble mais à un moment où un enfant reprend l’exploitation de ses parents etcétéra, mais donc du coup je suppose que c’est aussi quelque chose que vous devez voir au sein de la coopérative.

Je ne sais pas si vous faites des assemblées générales, mais que ce soit au sein d’une assemblée générale ou au sein d’un bureau ou des choses comme ça, il doit y avoir des générations différentes à l’intérieur. Est-ce que c’est le cas et comment ça se passe un peu entre les générations ? Je suppose que c’est super mais comment tu constates un peu cette évolution de générations dans la coopérative ?

Michel : Déjà on a beaucoup d’installations. On a eu un creux il y a une dizaine années mais depuis 5 ou 6 ans on a beaucoup d’installations qui se font que ce soit dans le cadre familial ou hors du cadre familial puisque c’est aussi une des possibilités, une des facilités d’être en coopérative parce que ça nécessite des investissements beaucoup moins importants.

J’ai plusieurs exemples de jeunes qui se sont installés dernièrement qui n’étaient pas issus du milieu viticole. C’est une grande satisfaction de notre coopérative et de la coopération en général parce que c’est une possibilité qui est offerte. On a beaucoup de jeunes qui se sont installés.

A côté de nous tout à l’heure dans la salle de réunion il y avait le groupe « jeunes » qui était là. Ils sont en train de préparer une dégustation le 4 novembre pour faire découvrir la cuvée Révélis qui est une cuvée de Saint-Véran très haut de gamme qu’ils ont conçue eux-mêmes avec une sélection de terroirs, avec un élevage, une vinification très particuliers.

Donc ils sont en train de préparer une soirée le 4 novembre pour la faire découvrir. Ces jeunes sont très présents et très impliqués. C’est la richesse de la coopérative, c’est le volet vraiment important, c’est la transmission. C’est un moment important. Il faut le vivre et il faut que ce soit concret dans toutes nos entreprises, que ce soit les exploitations ou dans nos caves. Une cave en bonne santé, c’est une cave où il y a des jeunes ou des jeunes générations, quand il y a des idées neuves et quand les idées se confrontent, ce qui est le cas aujourd’hui.

Je ne ressens pas particulièrement de conflits de générations. Je crois que tout le monde profite des compétences et de l’originalité des uns et des autres. Et la force du groupe, c’est ça, c’est de pouvoir composer avec l’ensemble et justement tirer le meilleur de tous.

L’opposition est nécessaire parce qu’il faut confronter les idées, les points de vue. Il faut qu’il y ait débat, dialogue. Comme je le disais tout à l’heure, il faut qu’il y ait dialogue au sein de la coopérative mais ça aboutit toujours à un consensus qui, voilà, qui convient à tous.

Le point que tu mentionnais sur la coopérative qui peut faciliter l’installation de nouvelles personnes non issues du monde vigneron, viticole avant, ou dans les générations précédentes, je n’y avais pas pensé mais c’est ultra intéressant parce qu’effectivement il y a moins d’investissements, ça peut aller beaucoup plus vite. C’est quelque chose que tu vois beaucoup justement, des jeunes qui arrivent, qui s’installent ?

Michel : Je pensais à Mathieu, qui s’est installé l’an dernier. C’est un jeune qui n’était pas du tout issu du monde viticole. Par contre il habitait à côté d’une exploitation viticole et depuis tout gamin il était passionné par le travail de Dominique qui justement lui est viticulteur, qui a 55 ans.

Il l’a toujours accueilli, lui a toujours montré quel était le métier et puis voilà, il s’est installé sur les vignes que Dominique lui a laissées en fermage. Ils se sont entendus sur le matériel parce que la coopération ça passe aussi par l’utilisation du matériel en commun. Ça se gère au niveau des exploitations, ce qui a permis à Mathieu de s’installer. C’est un jeune ultra motivé qui est présent au sein du groupe « jeunes », qui a toujours plein d’idées et est toujours « moteur ».

Antoine : Très belle histoire.

Michel : C’est une belle histoire, oui.

Antoine : On l’embrasse s’il écoute ce podcast.

Michel : Il le mérite.

Antoine : Il le mérite, oui. On a hâte de découvrir ce qu’il va faire de cette parcelle.

Une des forces de la coopérative telle que j’ai pu voir jusqu’à présent, c’est aussi de pouvoir accompagner les différentes pratiques viticoles et de justement fournir de l’expertise, permettre à chacun d’essayer de monter encore en qualité à la vigne, sur l’exploitation. Est-ce que c’est aussi quelque chose que vous faites ? Comment ça se passe ?

Michel : Oui, bien sûr, c’est forcément un travail important et encore une fois c’est le collectif qui crée l’émulation au sein de la cave. Je vais parler forcément des viticulteurs. Au conseil d’administration on est 28 viticulteurs, mais on a aussi toute une équipe de salariés avec un directeur général qui est chargé de faire fonctionner la cave au quotidien.

Sur la partie vignoble aussi, on a un responsable vignoble qui suit les adhérents plus particulièrement et qui connait bien les terroirs, comme je le disais tout à l’heure.

L’accompagnement, l’évolution des pratiques est un sujet constant et on le pratique au quotidien. Ça passe par plein de choses, forcément des réunions d’informations, des visites techniques, des formations aussi. L’an dernier par exemple, on a fait une formation sur la fertilité biologique du sol, sur les couverts végétaux. Ce sont des choses importantes qui font que le groupe permet d’évoluer et de faire évoluer presque tout le monde.

Antoine : C’est ultra intéressant de permettre aux personnes qui sont adhérentes justement d’aller plus loin et d’utiliser cette force de la coopérative.

Est-ce que tu as des homologues étrangers et est-ce que la coopérative c’est un modèle qui existe dans d’autres pays ?

Michel : Oui, bien sûr. La coopération existe dans beaucoup de pays. Je pense à l’Italie, l’Espagne en particulier. C’est vraiment nos voisins, nos cousins et la coopération est aussi très présente dans ces pays-là.

Je n’ai pas de contacts avec des coopérateurs ou des présidents de coopératives de ces pays-là mais oui, c’est aussi quelque chose qui existe et qui vit toujours très bien.

Je pense que l’on a en tout cas intérêt à y réfléchir. J’écoutais un podcast il n’y a pas longtemps alors qui n’est pas du tout dans le domaine du vin, sur une coopérative qui s’appelle : « C’est qui le patron ? ». Je ne sais pas si ça te dit quelque chose ?

Michel : Oui, en fait c’est la marque d’une coopérative laitière qui a créé cette marque dans une période où forcément vendre du lait c’est compliqué et à la grande distribution en particulier. C’est une marque qui a été déposée par une coopérative et qui a percé en très peu de temps.

Ça a vraiment été un coup de génie pour faire comprendre que, dans une production comme le lait, qui est mondiale, il faut aussi que le producteur ait sa part du gâteau et que ça ne soit pas toute la distribution qui la récupère.

C’est une bonne façon de se réapproprier le produit et de faire comprendre au consommateur que le producteur doit aussi dégager et garder de la valeur.

Ce sont des choses que toi tu vois parfois, ce genre de tensions un peu sur le prix ? Je suppose qu’il y a moins de vin que de lait.

Michel : Le vin c’est différent dans la mesure où dans notre secteur on est sur des zones en AOP, Appellation d’Origine Protégée, c’est vraiment une appellation importante.

Chaque vin est unique. La concurrence forcément existe entre régions, entre pays. Mais chaque vin par sa qualité d’origine est unique. Ça nous permet d’avoir plus de facilité. Puis on a une grande chance aussi en Mâconnais c’est de faire partie de la Bourgogne. La Bourgogne fait rêver bien du monde, bien des consommateurs, c’est une force, une chance.

On est toujours dans des relations commerciales et parfois elles sont tendues et selon le contexte, selon le volume de production sur le marché et selon le rapport entre l’offre et la demande, oui, forcément, il y a des moments de tensions plus ou moins importants. On le vit aussi.

Antoine : C’est la vie d’une entreprise.

Michel : Exactement. D’où l’intérêt pour nous de capitaliser davantage encore sur nos appellations d’origine, sur notre sélection parcellaire, sur notre marque, Terres Secrètes, qui sera, je l’espère, de plus en plus reconnaissable et qui prendra une place de plus en plus importante dans les yeux du consommateur.

Sur cette sélection parcellaire là, c’est le Clos du Four, est-ce que tu peux nous parler un peu des autres sélections qui peuvent exister et nous les décrire un peu ? Qui elles sont, comment elles sont faites ? À quoi est-ce que ça ressemble ?

Michel : Alors je crois qu’il faut que j’aille chercher d’autres bouteilles pour que l’on continue la dégustation.

Antoine : Faisons comme ça.

Michel : Allez, je vais chercher un autre vin.

Je meuble en attendant sur le sujet de la coopérative. On a fait un beau tour du sujet. Tout à l’heure effectivement on a essayé de faire un tour et de prendre un peu de hauteur pour voir tout ce paysage du Mâconnais mais il y avait beaucoup de brume alors on s’est promis de repasser et de pouvoir re-profiter de ce paysage. On mettra des photos je pense sur le compte Instagram ou ailleurs, mais à mon avis on n’aura pas beaucoup de succès cette fois-ci. Ce sera pour une prochaine fois. Venez le voir par vous-même aussi. Ce sera important, vous serez très bien accueilli et vous pourrez en profiter.

Michel : Alors dans les, on parlait du Mâcon Milly-Lamartine tout à l’heure. Dans les Mâcon, on a une multitude de sélections de communes. Chez nous on a le Mâcon Verzé Croix-Jarrier, qui est une belle cuvée aussi. On va être sur quelque chose encore de plus minéral vraiment, très marqué par le calcaire, qui sera quelque chose de plus tendu, de pointu.

Très belle cuvée également, on va avoir des Mâcon La Roche Vineuse aussi, les Morliones c’est un lieu-dit sur la commune de La Roche Vineuse. Ce sont deux hectares. Deux viticulteurs composent la cuvée, et c’est une cuvée que l’on a sortie en 2019, donc très bien. On n’a pas le temps de tout déguster, mais je parlais des Mâcon.

Maintenant je vais passer au Saint-Véran puisque forcément je le disais tout à l’heure, c’est le fleuron de la cave. C’est une très belle appellation communale du Mâconnais et dans cette appellation Saint-Véran on a aussi plusieurs terroirs, dont trois principaux que l’on commercialise au magasin,  donc Saint-Véran Croix de Montceau que l’on va déguster.

Crois de Montceau, c’est un lieu-dit qui est exposé plein sud, au nord de l’appellation Saint-Véran mais c’est un coteau très solaire, plein sud, des vignes que l’on vendange en tout début de vendange parce que l’on atteint très vite une très belle maturité. C’est un très beau coteau. C’est aussi un endroit qui était propriété d’Alfonse de Lamartine, on en a parlé tout à l’heure quand on faisait le tour du vignoble. Lamartine a marqué Milli puisqu’il est né à Milli. Il était propriétaire de vignes à  Milli mais il était propriétaire aussi de vigne sur cette zone Croix de Montceau.

On va commercer les Saint-Véran par ce Croix de Montceau 2019 que je disais très solaire, beaucoup de fraîcheur, un côté très agrume en premier nez et après une belle longueur, que j’espère. J’espère que vous allez retrouver tout ça.

Dans ces Saint-Véran, il y a un gros travail qui est effectué sur le terroir. L’appellation Saint-Véran est une appellation communale qui a été créée en 1971. Au départ, c’était une sélection qui avait été faite à l’intérieur de l’appellation Mâcon. Au fil du temps, on a pris de plus en plus conscience du potentiel de ce cru, de ces terroirs différents. Ça a abouti à une sélection de climats, une liste de climats assez importante dont ce Croix de Montceau. Aujourd’hui il y a un travail de délimitation en premier cru dans l’appellation Saint-Véran. D’ici quelques années, quand les travaux de l’INAO auront abouti, on aura certainement des Saint-Véran premier cru. Le Croix de Montceau devrait en être un.

C’est excellent. On sent effectivement ce que tu disais, beaucoup plus tendu, beaucoup plus d’acidité. On sent la minéralité qui est présente, c’est ultra agréable.

Michel : On est chauvins, forcément je ne vais pas dire le contraire. Mais oui je trouve que c’est beaucoup de finesse, beaucoup de longueur. Je crois qu’à chaque fois que l’on fait déguster on est toujours fiers de faire déguster nos vins.

Tous les viticulteurs, coopérateurs, sont beaucoup dans leurs vignes, c’est sûr, c’est le principe. C’est aussi une force, c’est de maîtriser les terroirs et puis la connaissance de la vigne et du métier de viticulteur mais ils sont aussi présents à la cave, beaucoup, pour vendre. À tour de rôle les week-ends les viticulteurs sont présents et rencontrent les clients qui viennent.

Il y a beaucoup de fierté toujours à présenter nos vins. On n’a pas d’inquiétude, jamais et ça c’est vraiment important. Quand on présente un vin avec un petit doute, que l’on n’est pas sûr, on se dit que ce n’est pas top mais ce n’est pas le cas.

Je pense que ce n’est pas du chauvinisme déplacé, je pense que c’est vraiment vrai, comme on dit dans le Mâconnais.

Antoine : Il est vraiment ultra intéressant, on vous le recommande. C’est validé par la rédaction.

Michel : On vous attend nombreux, au magasin.

Mais si vous pouvez le trouver, oui en magasin ici, ou dans des bons restaurants, je pense, non ?

Michel : Oui bien sûr, on trouve ça dans beaucoup de bons restaurants et chez des cavistes aussi également, comme je le disais tout à l’heure. C’est vraiment une gamme que l’on va réserver magasin, restauration, cavistes.

C’est très bon. Qui le fait celui-ci dans votre coopérative ?

Michel : Celui-ci Clément, qui est un jeune installé qui a commencé il y a deux ans et travaille avec sa maman, Christelle. C’est une famille aussi, avec une succession de générations. Je pense aussi à Thierry. Voilà, ils doivent être trois viticulteurs sur cette cuvée.

C’est ça qui est beau aussi dans le travail de la coopérative, et je pense que c’est un des piliers des travaux que vous essayer de faire aussi mais c’est montrer les visages humains qu’il y a derrière chacun des produits en fait. Ce n’est pas une bouteille de vin, c’est une bouteille de vin qui a été faite par des hommes et des femmes qui ont travaillé la terre, vendangé, fait le vin… C’est à la fois un collectif et un tout mais c’est aussi des vrais gens uniques.

Michel : Oui, ce que tu soulèves est vraiment important. C’est vraiment un volet que l’on a développé aussi au fil du temps. Je pense que les gens qui écoutent vont comprendre ce que je dis. Il y a souvent parfois une image péjorative de ce qu’est une coopérative.

On s’imagine que c’est une grosse entreprise avec un côté industriel. Mais non, effectivement c’est une addition d’hommes et de femmes qui travaillent ensemble et qui peuvent coproduire, comme ce que l’on déguste aujourd’hui, des sélections très méticuleuses.

Et les hommes, on les a vraiment remis, encore une fois c’est des belles phrases mais c’est une réalité, on a vraiment mis les hommes au cœur du projet.

Quand on refait notre magasin en 2009 on a fait une galerie de portraits de tous les viticulteurs et de tous les salariés de la cave. Quand on a lancé ça on s’est dit que les gens allaient peut-être être réticents, mais encore une fois, c’est un élément de fierté pas possible. Tout le monde a été pris en photo. On a fait des superbes photos en noir et blanc et on a vraiment utilisé ces visages et ces mains aussi, des hommes et des femmes qui travaillent la terre dans plein d’éléments de communication. Ça a vraiment apporté beaucoup de choses et beaucoup d’âme à ce que l’on fait.

C’est un des cœurs du vin, c’est les gens qui sont derrière.

Michel : C’est sûr.

D’où ce podcast pour essayer de rencontrer ces personnes qui sont derrière. Super intéressant. Ça fait déjà 53 minutes qu’on est ensemble.

Michel : Déjà. Le temps passe vite.

Antoine : Ça va à une vitesse incroyable. On a déjà fait un beau tour de tout ce que vous faites ici. Je pense que l’on a toutes les armes pour découvrir davantage cette coopérative et tous les différents travaux que vous pouvez mener, découvrir vos vins, découvrir aussi tous les projets qui vont avec.

J’ai trois questions qui sont toujours traditionnelles en fin d’épisode. La première c’est : est-ce que tu as un livre sur le vin à me recommander ?

Michel : J’ai parlé tout à l’heure de ce qui m’a accroché vraiment à ce métier, c’est la vigne et il y a un livre dont je me souviens, que l’on avait toujours quand on étudiait à Beaune en BTS, c’était : « Les éléments de physiologie de la vigne » de François Champagnol. C’est un livre qui m’a suivi depuis 87 quand j’étais à Beaune en BTS. Un livre dédié à la culture de la vigne, à la compréhension de la physiologie de la vigne.

Antoine : Super intéressant. J’ai encore dit super intéressant. Je vais aller le lire celui-ci.

Michel : Il est un peu technique mais quand on aime la culture de la vigne on aime comprendre ce qu’il s’y passe, à la fois dans la partie aérienne de la vigne comme dans le sol et le sous-sol.

Il faut vraiment que je progresse sur cette partie-là justement. Ça me fait vraiment envie de comprendre ce qu’il se passe derrière et aller au fond du sujet. C’est une pierre manquante à ma connaissance du vin et de ce qui peut aller avec, clairement important. Est-ce que tu as une dernière dégustation coup de cœur récente ?

Michel : Oui, j’en ai une, il n’y a pas très longtemps, il y a une dizaine de jours. J’ai fait une dégustation superbe, doublement superbe parce que c’était avec un de mes meilleurs amis, qui était à l’école avec moi à Beaune. Il est à Gevrey Chambertain. On est descendus dans sa cave et on a fait une superbe dégustation sur fût où voilà on a goûté des Gevrey, des premiers crus, des grands crus, en toute simplicité et avec beaucoup de plaisir.

Donc à la fois l’amitié, le lieu, la qualité des vins et l’histoire qui va avec. C’était une très belle dégustation, domaine Rossignol-Trapet, à Gevrey Chambertain

Antoine : On l’embrasse du coup.

Et enfin, qui devrait être la prochaine personne que j’interview dans ce podcast ?

Michel : Si tu veux remonter en Bourgogne du Nord, je viens de citer la maison Rossignol-Trapet, David Rossignol. C’est quelqu’un, un viticulteur passionné, amoureux de la Bourgogne aussi et des vins qu’il produit. Ça pourrait être une belle personne à rencontrer.

Ça marche, compte sur moi. Pour les personnes qui nous écoutent, restez à l’écoute de ce podcast puisque vous aurez peut-être la chance de découvrir, cette maison Rossignol-Trapet. Restez bien à l’écoute et je serai ravi de vous y emmener dans le futur.

Merci beaucoup pour ton temps aujourd’hui. C’était un plaisir d’être avec toi, de venir à ta rencontre.

Michel : Plaisir partagé. Un bel échange, espérant avoir fait mieux comprendre ce que sont les Terres Secrètes et les vignobles du Mâconnais. Il faut savoir que les gens ici sont accueillants. N’hésitez pas à venir et on sera ravis de vous recevoir.

Antoine : Exactement, le message est passé. Pour les personnes qui nous écoutent, si cet épisode vous a plu n’hésitez pas de venir à la rencontre de Terres Secrètes et de découvrir leurs vins. N’oubliez pas de noter ce podcast évidemment, cinq étoiles, ça l’aide à le faire découvrir sur les classements, etc. Suivez-vous sur Instagram, abonnez-vous à la newsletter. Bref, il y a plein de choses que vous pouvez faire tout de suite, donc faites-le.

Je vous remercie pour votre écoute. Vous êtes de plus en plus nombreux et nombreuses toutes les semaines. Ça me fait vraiment plaisir et je vous dis à dans deux semaines. Encore merci, et à très bientôt.

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