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Épisode 23 – Laure Gasparotto, journaliste au Monde

Pour ce 23 épisode du Wine Makers Show, Vin sur Vin part à la rencontre de Laure Gasparotto : auteur et journaliste au Monde. Elle revient sur sa carrière et sur le lien entre le vin et l’écriture. Si cet épisode vous plait, je vous invite à lui laisser la note de cinq étoiles sur Apple Podcast. Bonne écoute !

Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Je m’appelle Laure Gasparotto. J’écris sur le vin depuis 25 ans. J’ai commencé en tant qu’historienne en Bourgogne. J’ai commencé par les greniers des maisons de vin en Bourgogne : chez Bouchard Père et Fils et chez Louis Latour. Je dis toujours que j’ai commencé par le grenier pour finir rat de cave. À l’époque, j’étais étudiante en histoire à la Sorbonne et le vin m’a beaucoup plu. Je me suis rendu compte que j’avais une vraie mémoire gustative. Il faut dire qu’il y a 25 ans, c’était très facile de reconnaitre les vins à l’aveugle. Quand tu buvais un vin avec des arômes exotiques, tu pouvais tout de suite identifier le Viognier et donc du Condrieu. Dès que tu goutais un vin qui ressemble à une Syrah mais pas tout à fait Français, tu pouvais savoir que c’était un vin australien. Je me suis prise au jeu de la dégustation et j’ai commencé à écrire pour des guides de vin. J’ai fait des vendanges, j’ai rencontré des gens qui font du vin. J’ai toujours aimé écrire : le vin et l’écriture ont toujours été liés dans ma carrière. Ce n’était pas forcément voulu mais ça s’est passé comme ça.

Je n’ai pas fini mon doctorat d’histoire sur la Bourgogne au Moyen Âge. Je suis devenue correspondante pour le Figaro Vin en Bourgogne. J’avais élu cette région comme ma première région viticole. Bien comprendre la Bourgogne m’a donné les clés pour bien comprendre tous les vignobles de France. Aujourd’hui, je suis journaliste au Monde, je suis passé par Le Point. Ça fait presque 10 ans que je travaille pour le Monde. Depuis 5 ans, on écrit 12 à 32 pages par mois sur le vin et j’ai du écrire une douzaine de livres sur le vin. Mon best seller est l’atlas des vins de France. Ce matin, on est au mois de Juillet 2020, et j’ai signé le contrat de mon prochain livre chez Grasset sur la Bourgogne au Moyen Âge.

Comment découvres tu le monde du vin ?

C’était en faisant des vendanges. J’avais dû avoir tous mes examens en Juin et l’université ne reprenait qu’en Octobre. J’étais en Bourgogne et mes parents m’avaient dit « plutôt que de ne rien faire, fais les vendanges ». J’ai trouvé un domaine. J’ai découvert une cuverie. Il y a beaucoup plus d’évolution dans la vinification ces dernières années qu’entre le Moyen-Âge et le moment où j’ai commencé à vinifier. La chimie n’était pas encore entrée dans les cuveries, on entrait en slip dans les cuves pour piger le vin. Aujourd’hui on met des harnais, on se protège, ce qui est très bien, mais il y avait une facilité aux choses d’évidence. J’ai eu beaucoup de chance de découvrir le vin avant que l’oenologie s’accapare le gout du vin. La Bourgogne était très rurale et paysanne.

Je pense que quand on est jeune, la meilleure façon de découvrir le vin est de faire des vendanges. Une fois que tu es au domaine, tu sympathises avec un vigneron. Lui va t’emmener voir plein de monde. Et comme ça tu te crées ton carnet d’adresses locales. Je trouve ça très bien de découvrir le vin par une approche locale. Tu apprends le gout du vin de l’intérieur, pas par des cavistes.

Ce qui est dommage aujourd’hui, c’est que les jeunes découvrent le vin par l’intermédiaire des cavistes. J’ai beaucoup d’amis cavistes mais c’est la profession la plus facile dans le monde du vin. On voit des avocats ou des financiers qui en ont marre de leurs dossiers et qui veulent faire de leurs vins un métier. Ils ouvrent une cave. J’en connais beaucoup qui ont ouvert une cave mais qui ont fermé car il ne suffit pas d’avoir une passion, il faut vendre le vin. Souvent, je trouve, les cavistes ont un goût un peu homogène entre eux. Là on va surtout sur des vins natures. La jeunesse citadine découvre le vin via des boissons qui ne sont pas dans la culture du vin comme moi je l’aime.

C’est quoi la culture du vin dans ce cas ?

Ce que j’aime dans le vin c’est aussi l’histoire et la géographie. Ce qui est à la mode en ce moment ce sont les vins de France. Je n’ai rien contre les vins de France parce qu’on peut avoir du vin de France à côté d’un Gevrey Chambertin pour avoir un peu de liberté qu’une appellation ne nous donne pas. Il y a parfois des cavistes qui ne veulent faire que du Vin de France et pour moi c’est nier l’origine. La culture du vin c’est le lieu et l’origine. Nier l’origine du vin et son histoire c’est nier la culture du vin. Quand on va vers des vins natures ou des vins de table on annihile tout ça et on peut compromettre la pérennité de certains domaines. Pour avoir eu un vignoble moi même, j’ai compris combien s’inscrire dans une famille de vignerons est important. Même quand on est néo-vigneron, il est important de s’inscrire dans des lieux qui nous parlent. Il faut des liens forts : c’est une vie le vin.

J’étais en Corse dernièrement et on arrive à une aberration. Le vignoble Corse connait une renaissance extraordinaire. D’abord, pour moi, c’est un des plus beaux vignobles de France et il donne des vins parmi les meilleurs de France. Il y a de très bons vignerons et les terroirs sont superbes. Cela fait une vingtaine d’années qu’ils sont partis à la recherche de cépages qu’ils avaient oubliés. Aujourd’hui, les plus grands vins corses sont en vin de France car ils ont des cépages qui n’étaient pas présents dans les cahiers des charges tels qu’ils étaient rédigés dans les années 1950. Il n’y a rien de plus corses que ces vins avec des gens qui véhiculent l’histoire de leur région. C’est une aberration très étrange. Peut être que l’INAO va prendre ce dossier en main. Entre les expériences et la qualité du produit, il peut y avoir des années qui passent.

Ces vrais vins de France véhiculent un lieu et d’autres sont des chardonnay qui peuvent venir de partout. Tu peux avoir un bon produit, souvent accessible, mais ce n’est pas, pour moi, la vraie culture du vin. Le meilleur conseil que je peux donner aux jeunes c’est « allez faire les vendanges ». En plus tu peux sentir le millésime et comprendre toute la notion sensorielle qui peut en sortir. Quand j’ai découvert ces odeurs et ce toucher, j’avais l’histoire de la Bourgogne vivante. Tu peux enfermer une carte postale dans une bouteille et l’âme des gens qui ont fait ce vin. Quand tu ouvres un vin 100 ans après son élaboration, tu peux gouter l’époque. Le goût du vin ça peut te transporter dans l’histoire.

Une des meilleures dégustations que j’ai faite c’était pour les 100 ans de Château Talbot, il y a deux ans. On avait fait une dégustation depuis l’achat de la famille Cordier en 1979 jusqu’à 2018. On a gouté 2/3 millésimes de chaque décennie. C’était un moment incroyable de voir cette évolution du vin au cours des années. D’ailleurs, Stéphane Derenoncourt avec qui j’ai fait cette dégustation m’a dit qu’il avait compris beaucoup de choses au delà de ce qu’il connaissait déjà. Ça lui avait donné des axes de travail nouveaux. Par exemple, 1919 n’était pas vieux. Il avait de jolies notes de roses fanées. Il y avait quelque chose de vivant, d’une élégance et d’une finesse incroyable. On a envie de prendre son temps pour découvrir ça. On a gouté 1945. C’était un vin d’une exubérance et d’une joie incroyables. C’était très aromatique et éloquent. J’ai envie de dire que c’était un vin victorieux et il n’était pas vieux. Je pense que dans 10 ans on peut encore boire ce 1945. Il y a une énergie dans les vins qui peuvent transparaitre 30 ou 40 ans plus tard.

Allez faire les vendanges, c’est un moment très intense et vous apprendrez beaucoup. On ne fait le vin qu’une fois par an, ce n’est pas comme en cuisine. J’admire les chefs qui remettent le couvert tous les jours. Mais quand tu es vigneron c’est une fois par an. Quand tu as fait les vendanges d’un millésime, tu comprends beaucoup de choses.

Tu finis ces vendanges et tu redeviens étudiante. Qu’est-ce qu’il se passe à ce moment là pour toi ?

Quand je suis revenue de mes premières vendanges, j’ai appelé mon maitre de maitrise. Je voulais changer mon sujet de doctorat et je voulais faire l’histoire du vin au Moyen-Âge. Il a refusé. C’était une grande frustration pour moi. J’ai continué à étudier mais ce n’était pas le sujet que je voulais faire. J’ai trouvé d’autres façons d’écrire sur le vin. Il y avait un autre magazine qui se créait : Bourgogne Aujourd’hui, qui existe toujours. C’était Pascal Marchand au clos des Épeneaux à Pommard à l’époque, maintenant il est en Côte de Nuits. C’était ma chance d’écrire sur le vin. J’ai écrit dès le numéro 1 de Bourgogne Aujourd’hui et mon article était sur les contenants du vin. C’est surement mon meilleur article car j’ai mis trois mois à l’écrire. J’ai fini par être embauchée par Bourgogne Aujourd’hui à mi temps et je suis allée vivre à Beaune. Bien sûr, ça ne me suffisait pas donc je suis allée voir le journal local qui s’appelait le Bien Public à Dijon. J’ai proposé spontanément de faire une page hebdomadaire sur le vin. Le directeur de l’époque m’a dit « banco ». Grâce à ça, j’ai travaillé pendant 4 ans et je me suis beaucoup formée. J’ai plaqué mon maitre de doctorat mais je savais que je voulais écrire sur le vin. Tous les jeudi, je devais remplir une page d’un quotidien alors que je ne connaissais rien au vin et rien à la presse. Ces quatre années là m’ont permis de bien connaitre les deux. Quand on est journaliste, la chance qu’on a c’est que toutes les portes s’ouvrent. J’ai pu découvrir toute la Bourgogne, jusqu’aux tonneliers, les recherches. Il y avait le groupement des jeunes professionnels de la vigne et ils faisaient beaucoup de recherches. Il y avait quelque chose de très collectif.

Après mes vendanges, je me suis dit qu’il fallait que je fasse mes vendanges dans le plus grand domaine de Bourgogne. Je suis donc allé faire les vendanges à la Romanée Conti et c’est comme ça qu’Aubert de Villaine est devenu un ami. Faire des vendanges, c’est entrer dans un réseau très solide.

Tu commences à écrire à ce moment là pendant quatre ans ?

Oui et c’est comme ça que je rencontre Joseph Henriot qui venait de racheter Bouchard Père et fils. Il m’a demandé de faire l’audit de ses archives. Et Louis Latour était venu chez Bouchard me rencontrer. J’étais parmi les premières à travailler dans les archives des maisons de vin. C’est comme ça que j’ai écrit mon premier livre chez Louis Latour. Là, le maire de Meursault entend parler de moi. Il vient me voir et il me dit « je viens vous voir car je crois que Meursault n’a pas d’histoire ». Forcément, je lui réponds que ça m’étonnerait. Il me propose d’écrire un livre sur l’histoire de Meursault. C’est comme ça que j’ai pu avoir toutes les archives d’ouvertes.

Depuis, avec le père de mes enfants, on a acheté une maison à Meursault. Cette année, au 1er janvier 2020, il y avait un mot du maire qui offrait, vingt ans plus tard, un livre sur Meursault. Je ne savais pas et moi même il ne me restait qu’un seul exemplaire. Je suis allé à la Mairie pour prendre mon exemplaire. Quand tu écris, ça reste. Je voyais les gens repartir de la mairie avec un livre que j’avais écrit quand j’étais jeune. Je me suis aussi rendu compte que quand tu écris quelque chose en Bourgogne, ça reste aussi. La Bourgogne accepte toutes les strates de l’histoire. L’office de Tourisme de Meursault vend encore ces livres ou alors sur Amazon.

J’avais aussi écrit un polar qui se passait à Beaune : Hôtel d’yeux. Je me suis amusée avec ce livre. Les élèves de cinquième de Beaune ont étudié mon livre. Même si c’est une fiction je me suis basée sur des faits historiques et je décrivais les bâtiments de manière très précise. J’étais dans une classe de 5e et les enfants étaient étonnés qu’un auteur peut être vivant.

Après ces quatre ans, tu arrives au Figaro ?

J’avais entre temps travaillé avec le guide Florus des vins. Je me suis faite connaitre au Figaro. Ils m’ont proposé d’être leur correspondante sur la Bourgogne. Un jour ils m’ont complètement embauchée. J’avais une page hebdomadaire dans le Figaro. Au moment où j’ai commencé, il n’y avait pas autant de personnes qui écrivaient sur le vin. C’était assez excitant car tout était nouveau. J’ai toujours voulu travailler pour une presse généraliste. Je me disais que faire comprendre me permettrait de mieux savoir. Grâce au Figaro j’ai pu élargir mon horizon bourguignon. Je n’aime pas les chapelles et je voulais parler avec tout le monde.

Aujourd’hui la relation est différente. À l’époque, les vignerons n’avaient pas forcément besoin que l’on parle d’eux. À la limite, moins on parlait d’eux, mieux c’était. Aujourd’hui ce n’est pas pareil, il y a un véritable besoin de leur part. Il y a également d’autres manières de parler du vin comme avec ton podcast par exemple. J’aime les choses nouvelles pour communiquer sur le vin. Il n’y a pas qu’une manière de communiquer sur le vin. Là tu mets en scène une rencontre et c’est formidable car le vin c’est une rencontre.

Le spectacle de Sébastien Burrier sur les vins de Loire est autant prescripteur qu’un Robert Parker. C’est un spectacle extraordinaire que je te conseille de voir. Ça dure 7 heures mais il a réussi à trouver un format pour parler du vin vraiment incroyable. Il n’y a pas que écrire sur le vin. C’est ce qui est magique sur le vin. Là tu vois on ne boit même pas de vin et on arrive à en parler. Et on a toujours envie de boire même si on n’a pas soif. C’est incroyable de voir que chaque génération a son moyen de communication sur le vin.

Tu passes par le Point juste après

Jacques Dupont m’a proposé de le rejoindre. J’ai dit oui car j’aimais beaucoup sa façon de déguster. Je me suis dit que j’aurai beaucoup à apprendre de lui. J’aimais beaucoup sa manière très déontologique d’aborder le monde du vin. C’était une époque où on dormait à l’hôtel : on ne dormait même pas chez le vigneron. Pour préserver notre liberté, on devait être le moins lié possible. L’approche m’a séduite même s’il y a des limites. J’ai beaucoup aimé travailler avec Jacques.

Au bout de quatre ans, Didier Pourquery, le rédacteur en chef du magazine M, me contacte pour me proposer de rejoindre Le Monde. Moi je travaillais quand même dans l’ombre de Jacques. Je me suis dit que je pourrai être plus moi même et Le Monde me correspond vraiment. Ça fait maintenant depuis 2011 que je travaille pour Le Monde en écrivant à la fois pour le magazine et pour le quotidien. On a même constitué une équipe vin avec une collègue, Ophélie Neiman et mon rédacteur en chef Michel Guérin. Le Monde du Vin est établi depuis 5 ans et est bien établi dans le paysage médiatique du vin.

C’est quoi le travail du journaliste vin au monde ?

On a une politique dans laquelle on ne note pas les vins. Je préfère raconter des histoires et parler de culture. On a cette ligne éditoriale de ne pas noter.

On est beaucoup sur le terrain. On a fait une série d’été sur les paysages et le vin. J’étais à Chinon récemment pour comprendre la géologie et parler des puys. Pour nos lecteurs, j’essaye de décrire le paysage, de comprendre les sols. J’ai rencontré plusieurs vignerons qui m’expliquent le microclimat. Je goute, je voyage et je rencontre. Mon fils me dit : « maman, ça a l’air pas mal ». Ensuite, il faut accepter de ne pas être tout le temps chez soi. Entre janvier et mai 2020 je n’ai pas beaucoup été chez moi et même pendant le confinement j’étais dans les terrasses du Larzac où j’ai été vigneronne et encore avant j’étais en Afrique du Sud pour un reportage, en Corse, en Savoie, en Auvergne, à Bordeaux, … Je suis l’actualité du vin et on ne peut pas me raconter n’importe quoi. Je peux juger de l’information qu’on me donne pour savoir si c’est un vrai événement ou pas. J’ai aussi un vrai réseau établi qui me fait confiance. Je peux donc recueillir des confidences pour vraiment comprendre ce qu’il se passe dans le monde du vin.

C’est comme ça que j’ai pu écrire, avec Lillian Bérillon, Le jour où il n’y aura plus de vin. J’ai compris qu’on m’avait caché des choses pendant 20 ans et qu’il y a une mortalité du vignoble en France dont personne ne parle. Pour vendre du vin, il faut faire rêver donc il ne faut pas parler des problèmes. Toutefois, il y a une espèce de Tsunami qui se présente.

Comment faire pour que la rédaction du Monde découvre un vin ?

Il y a pas mal d’agences de presse déjà. D’ailleurs, c’est marrant car beaucoup d’entre elles ont vingt ans cette année. Au début j’avais un peu de mal avec elles mais j’ai appris à travailler de manière intelligente avec elles. Je suis sur des réseaux comme Facebook, Instagram et je suis au monde. Les gens peuvent m’écrire pour me proposer une dégustation. Parfois j’en parle, parfois je n’en parle pas. Je fais un retour. Dans tous les cas, je ne pense qu’à mon lecteur.

Tu arrives à avoir un lien avec tes lecteurs ?

Le Monde a un lectorat très fidèle. Ce n’est pas notre journal, c’est le journal de nos lecteurs. On est au service de nos lecteurs et quelque chose de très intime s’est créé entre le journal et les lecteurs. On a un service du courrier qui me transmet les messages qui me sont destinés. Il y a parfois des personnes très contentes. Par exemple, une fois, j’avais fait un entretien avec Lambert Wilson. Le lecteur voulait absolument lui passer un message donc je me suis fait la messagère entre les deux. Une autre fois, je me suis fait taper sur les doigts car j’avais dit qu’un vin était en biodynamie et le lecteur pensait que j’étais sectaire. En général c’est quand même des choses gentilles. J’aime bien avoir des retours et même des vignerons quand on présente les vins.

Tu as aussi été vigneronne, comment ça s’est passé ?

J’ai écrit pendant des années sur le vin mais je me suis dit qu’à un moment donné je passais à coté du sujet. Je voulais passer de l’autre côté et vraiment comprendre les choses. Il y a quelque chose que je n’arrive pas à percer lors de mes rencontres car je suis journaliste. En 2014, je faisais chaque semaine pour le M, un banc d’essai d’une appellation. Pendant 4 ans j’ai fait ça. Je recevais une trentaine de bouteilles d’une appellation et j’en sélectionnais 5. Ça me donnait une photographie incroyable de chaque appellation. Dans ce contexte, j’ai gouté les vins de la Terrasse du Larzac qui n’était pas encore une appellation. Je ne connaissais pas. J’aimais leur grande fraicheur et leur minéralité. Je suis allée voir et je suis passée devant une vigne avec un écriteau « à vendre ». J’ai demandé au vigneron qui m’accompagnait à quel prix était la vigne. C’était 15000 euros l’hectare. J’ai réfléchi et je me suis dit que l’aventure pourrait être possible. J’ai envoyé un mail à quelques amis pour leur présenter le projet, c’était en 2011. En 2014, c’est devenu une appellation. Quand j’ai commencé, il devait y avoir à peine 50 déclarants, aujourd’hui ils sont 120. C’est une des appellations les plus dynamiques de ces dernières années. J’ai bien flairé les choses.

Ce que je voulais c’était faire moi même le vin. J’ai vinifié quatre années mais la question d’où est-ce que j’allais vivre se posait. J’ai eu une double vie pendant cinq ans, une semaine sur deux là bas et une semaine sur deux à Paris. Même si c’est un petit domaine, le prix de revient est élevé : surtout si tu veux bien travailler. Avoir la double casquette était fatigant et l’équilibre économique difficile. J’ai écrit un livre sur cette histoire et ça sort l’année prochaine chez Grasset. Ça s’appelle Vigneronne. L’écriture et le vin sont définitivement liés. Faire le vin m’a aidé à avoir d’autres angles.

J’ai compris avec cette expérience que chaque région a une structure mentale particulière. Pour comprendre ça j’ai beaucoup interviewé Olivier Julien du Mas Julien en terrasse du Larzac. Ça a donné un livre qu’on a fait ensemble : La Mécanique des Vins. Je me suis dit, en l’écoutant, que 30 ans en Languedoc c’était comme 200 ans en Bourgogne tellement ça va vite. J’ai compris pourquoi il n’y a pas de pérennité dans le Languedoc comme il peut y en avoir en Bourgogne. J’ai compris plein de paramètres qui entrent en compte dans la vie du vigneron et qui dépassent le vin en tant à proprement dit. La grande question, c’est comment le vigneron fait l’intersection entre sa vie d’homme et sa vie de vigneron. Ce que j’aime sentir dans le vin c’est l’intention du vigneron. Je pense que je peux reconnaitre la personnalité du vigneron aujourd’hui.

Est-ce que tu as une dégustation coup de coeur récente ?

Ça m’arrive très souvent. Ce n’est pas la dernière bouteille que j’ai goutée mais le Clos de la Dioterie à Chinon. Il avait une quinzaine d’années. J’ai aimé la texture de ce vin et son esprit.

Est-ce que tu as un livre sur le vin à me recommander ?

Dernièrement, j’ai beaucoup aimé Vignerons Essentiels de Jérémy Cukierman qui est Master Of Wines. Il est sorti en fin d’année dernière aux éditions La Martinière. C’est un des plus beaux livres sorti récemment sur le sujet. C’est un bel objet, le touché du livre est très beau, les photos sont signées Carlsson et les textes de Jérémy sont immenses. C’est profond et profondément instructif. Il y a des vignerons de toute la planète et le résultat est incroyable.

Acheter Vignerons Essentiels

Pour finir, qui devrait être mon prochain invité ?

Le vigneron qui a vraiment redonné au Viognier son élan c’est le domaine Vernay à Condrieu. Il est aujourd’hui tenu par Christine Vernay et sa fille a rejoint ses parents. Je te conseille d’aller rencontrer ces femmes vigneronnes. Ils sont très accueillants, le paysage du domaine est spectaculaire, la vigne est spectaculaire. Ces personnes, qui font des vins éblouissants, sont d’une simplicité et d’une gentillesse que j’adore. Ils portent leur lieu et ils le portent loin. Je te recommande donc vraiment d’aller les voir.

Cet article a 3 commentaires

  1. CATHY

    Merci pour ce podcast avec Laure Gasparotto , je vais animer des ateliers d’écritures sur le vin et j’aimerais beaucoup entrer en contact avec elle . Est il possible d’avoir son e mail ?

    1. Vinsurvin

      Bonjour Cathy,

      Merci pour votre message. Je lui ai fait suivre votre message et votre mail. Elle prendra donc potentiellement contact avec vous.

      Bonne journée,
      Antoine

  2. Gasparotto

    Bonjour Cathy,
    Je vous ai envoyé un mail il y a quelque temps. N’hésitez pas à me faire part de votre projet.

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