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Épisode 42 – Benoît Trocard, Clos Dubreuil

Pour ce 42e épisode du Wine Makers Show, votre podcast sur le vin, nous partons à la rencontre de Benoit Trocard à la tête du Clos Dubrueil à Saint Emilion. Benoit revient sur son histoire et sur l’histoire du Clos Dubrueil avant d’en aborder les plus grandes ambitions.

On va sûrement parler de beaucoup de choses mais est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Benoît : Bien sûr. Je m’appelle Benoît Trocard. Je suis issu d’une famille de vignerons de la rive droite de Bordeaux qui remonte à peu près à 1620. Les plus vieux parchemins que l’on retrouve dans la famille qui justifient de la possession de terres viticoles sont signés chez le notaire en 1620. On ne peut pas dire qu’à cette époque- là on faisait du vin mais on sait qu’il y avait des vignes dans la famille. J’ai pris la succession de mes parents maintenant depuis 2 ans. Je travaille avec eux depuis 2001.

Quand je me suis retrouvé avec le bac en poche, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. Je suis donc parti faire une école de commerce post-bac et je m’y suis éclaté. Et puis j’ai vraiment trouvé ma voie dans le marketing, dans la finance, dans toutes ces choses-là. Comme je ne me sentais pas bosser, les soirées étudiantes me plaisaient beaucoup. Donc j’ai poursuivi avec une école de commerce à Reims qui s’appelle l’ESC Reims, désormais Neoma Business School. Très bonne école. Je ne m’y suis pas autant amusé qu’à Bordeaux parce qu’à Bordeaux, il y a ce côté sud-ouest. J’avais une super bande de copains. J’avoue que la diagonale Bordeaux – Champagne est plutôt très sympa. Un bon repas arrosé d’un bon vin de Bordeaux et précédé d’un champagne de vigneron c’est toujours très sympa.

Je suis parti ensuite faire une année à l’étranger après Reims, à Dublin en Irlande. J’ai fait un master of business study, donc un MBS en e-commerce. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’étais dit que je voulais apprendre un peu plus l’anglais. A la fin de ce master je suis rentré à la propriété, donc en juin ou juillet 2001 et je me suis posé là. Je m’étais dit : « Tiens, je vais faire les vendanges avec les parents, ça va être sympa. », comme un retour aux sources. Et je ne suis plus jamais parti.

Je m’étais rendu compte quand j’habitais à Dublin, que c’était la première fois que je ne me retrouvais pas sur le domaine familial pendant les vendanges.  J’avais ma chambre, au-dessus du chai. Je sentais ces effluves de fermentation de raisins et cette odeur m’a vraiment manqué.

Ça a été un peu un déclic. Je me suis dit je vais rentrer à la propriété, je vais faire les vendanges. J’ai fait les vendanges. C’était génial. Et puis en 2001, gros millésime à Bordeaux. Superbe millésime avec beaucoup de finesse, un peu moins coté au départ que les 2000, mais qui se révèle aujourd’hui absolument extraordinaire. Je me suis dit : « Je ne vais plus partir. ». J’ai bossé un peu avec mon père et mon grand-père qui était tjs en activité.

Qu’est-ce que tu fais à ce moment-là ?

Benoît : Je m’occupe du marketing. Il n’y en avait pas dans la boîte. Pendant les vendanges j’étais dans le chai, comme depuis que e suis gamin. On a toujours passé les vendanges dans le chai à vinifier, à trier les raisins sur les tables de tri. Je ressens une vraie passion pour ça. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas bosser en famille. Je suis parti début 2002 en Australie pour faire un millésime. Je m’y éclate et je convaincs mon père de m’aider à y investir sur un domaine. Mon grand-père retourne avec moi pour voir un peu ce qui se passait et puis du coup crise du dollar australien donc dépréciation des coûts.

Mon père m’a dit : « Ecoute, viens voir un peu, il y a un petit domaine qui se vend ici à côté de l’une de nos parcelles. Viens voir si ça ne peut pas t’intéresser, puis en même temps je ne te le demande pas c’est comme ça et pas autrement. Je ne mettrai pas 1 centime en Australie tant que tu ne seras pas venu voir. »

Je suis arrivé sur cette colline du Clos Dubreuil, à Saint-Christophe-des-Bardes. Et je n’en suis plus jamais parti. J’ai dégusté le vin qui était fait à l’époque, ici dans un pavillon des années 70. Littéralement la maison d’habitation au-dessus dans le dénivelé de la colline. On aurait presque pu faire la gravité déjà à l’époque, et pas de thermorégulation enfin assez vétuste. Le vin était pour autant sublime, donc une vraie révélation. C’est donc le début de l’aventure. Je me lance en vinificateur et propriétaire. Donc pas œnologue, mais avec un savoir-faire familial et un père et un grand-père qui me suivent de près. Me voilà autodidacte finalement, mais pas si autodidacte que ça, il y a une base familiale qui est là.

Ça a été un peu un apprentissage de tous les jours pour toi ?

Benoît : Je compare souvent ce que je suis aujourd’hui à un grand chef de cuisine à qui on demande à quelle école de cuisine il a été formé. Les chefs comme Alain Ducasse par exemple sont des grands chefs qui ont appris dans les cuisines de leur grand-mère ou de leur mère et qui se sont lancés en tant que chef mais sans nécessairement passer par l’école de cuisine.

Comment ça se passe quand tu arrives ici ?

Benoît : Je me dis, si on arrive à faire un vin aussi bon avec un équipement aussi modeste c’est que le potentiel de la propriété et du terroir sont assez exceptionnels. Je crois qu’à l’époque je ne réalisais pas du tout où on était situés. Pour moi, on est à Saint-Christophe-des-Bardes, je ne réalise pas vraiment qu’on est sur ce plateau calcaire. Je goûte juste un vin que je trouve sublime. Je me dis : « Le mec est bon parce que il fait ça sans table de tri, sans thermorégulation, il a un vieux pressoir à plateau rouillé. Il est bon et en plus je crois qu’il y a quelque chose qui se passe dans ce sol qui est absolument extraordinaire. ».

Le moulin se met en route. Je m’occupe de toute la partie marketing évidemment et puis de la partie technique que je maîtrise quand même quand je bossais en famille. J’avais vu l’évolution de toutes ces techniques, donc pour fixer la table de tri, la thermorégulation etc… Pour le premier millésime en 2003, toujours sans thermorégulation, mais comme j’avais 23 ans je crois, j’avais une énergie de dingue. J’ai réussi à le refroidir en le mettant dans des cubitainers. Ce sont des conteneurs en plastique dans lesquels on met des outres à vin. On mettait de l’eau dedans et puis dans les congélateurs de mes grands-parents. J’allais les chercher, les faire tourner tous les jours pour refroidir les mous, puisqu’en 2003 on s’en souvient, il faisait très chaud.

Le vin de 2003 restera pour moi peut-être pas le meilleur, mais le plus grand millésime, le premier. Je ne sais pas si on peut demander à des parents lequel ils préfèrent et s’ils peuvent dire l’aîné, je crois que ça ne marche pas comme ça. Mais en tout cas dans ce monde, enfin dans cette sensation au vin, cette approche, ouais ce millésime 2003 restera gravé à jamais.

On a été un peu vite sur ton arrivée ici. Avant ça tu as toujours su que tu voulais faire du vin ?

Benoît : Non pas du tout, c’est ce que je disais, c’est une révélation. Je ne voulais surtout pas faire du vin. Quand j’étais en Irlande que je me suis rendu compte que j’avais un manque absolu de ces odeurs de fermentation assez particulières. C’est un peu levuré, c’est un peu comme le pain de boulanger. Alors ce n’est pas du pain de boulanger mais on a cet arôme fermentaire dans le vin qui est assez particulier, qui est absolument enivrant. Qui est peut-être dangereux en même temps parce que c’est du gaz carbonique en réalité, mais voilà, et j’aime vraiment ça.

Antoine : C’est super intéressant.

Benoît : Je ne peux pas l’expliquer plus que ça, c’est ce manque-là. Puis le fait d’arriver après avec les parents devant l’entreprise fonctionner avec un regard de quelqu’un qui a fait 5 années d’études. On se dit j’ai appris tant de choses dans la gestion dans le marketing pourquoi pas les mettre en même temps au service d’une entreprise familiale plutôt que d’aller apporter des compétences et de l’énergie à d’autres grands groupes. Alors j’aurais certainement adoré, mais l’envie de mettre mes compétences au service de l’entreprise familiale et en plus, ce manque lié absence des chais pendant la vinification a été plus fort. Pendant mes études je revenais toujours en septembre. On avait toujours un peu de temps pendant les vendanges, c’était l’avantage d’être étudiant. Tout ça mis bout à bout m’a donné envie de faire du vin.

Quelle a été la réaction de tes parents à ce moment-là ?

Benoît : D’abord, j’ai 5 frères et sœurs et nous avons eu la chance que nos parents ne nous ont jamais forcés à reprendre la propriété. Ça a été vraiment un luxe j’ai envie de dire, parce qu’ils auraient pu. Ils en avaient probablement envie mais il n’y a jamais eu de pression à ce niveau-là. Je crois que pour mon père, qui aujourd’hui est à la retraite depuis 2 ans, c’est une forme de fierté.

Il ne l’a pas vraiment communiqué à l’époque mais il s’est dit : « Là, je sais qu’il y a quelqu’un qui reprendra le domaine. ». Parce que pour ces vieux domaines familiaux, aussi prestigieux, petits ou grands soient-ils, on a toujours peur, on se pose toujours la question de quelle va être la génération qui ne va pas aller au bout. Je crois que quand il m’a vu revenir et prendre la direction il y a 2 ans, il s’est dit : « J’ai fait mon boulot, j’ai passé le flambeau. ». Maintenant la pression est sur moi.

Tu as des enfants ?

Benoît : Non mais j’ai encore 5 frères et sœurs, donc peut être qu’ils auront tout ce qu’il faut.

Antoine : Entre 2003, donc ta première vinification ici et aujourd’hui, pas mal de choses se sont passées.

Le domaine s’est un petit peu agrandi ?

Benoît : Le domaine quand il a été créé en 1996 il faisait 45 ares, donc 0,45 hectares. Au moment où moi, je l’ai acheté il faisait 1 hectare 45 et aujourd’hui il fait 8 hectares. Il m’aura fallu presque 20 ans pour arriver à ces 8 hectares. Parce que d’abord, on est en France mais dans la campagne. On n’achète pas les voisins comme on achète une pièce de viande chez le boucher. Ça prend du temps. On a affaire à des paysans qui ont voué leur vie, leur âme à leur propriété et qui transmettent avec le temps tous leurs sentiments dans cette bouteille de vin. Ils sont hyper attachés et ils préféreraient des fois vendre à un paysan du coin plutôt qu’à un gros investisseur. Ils veulent être sûrs que leurs vignes vont être traitées avec autant de passion.

Moi j’ai été bien avec les gens du village. Mon grand-père avait été élu ici en tant que conseiller général, toujours très respecté. Il a fait un énorme travail de proximité et ça a été je crois ma plus grande carte. D’être d’une vieille famille du coin, j’ai pu avoir accès petit à petit.  Ça s’est vraiment étalé sur 20 ans à racheter des morceaux de parcelles pour arriver à faire de Clos Dubreuil aujourd’hui cette propriété de 8 hectares.

Là on est dans le chai. La maison où je suis actuellement, appartenait au fils d’un vieux monsieur qui lui-même avait vendu la maison d’à côté à mon père. Il habitait encore jusqu’à il n’y a pas très longtemps dans la maison d’à côté.

Et donc on a réussi à reconstituer le clos d’origine. Cette propriété c’est un clos parce qu’elle est entourée d’un muret de pierre. On a vraiment la maison qui va être terminée et qui va être enclavée dans ce muret de pierre. On a réuni les 2 parcelles d’origine de la propriété, qui ne s’appelait pas clos Dubreuil évidemment à l’époque mais qui appartenait à ce même monsieur. C’est assez passionnant d’avoir réussi à faire ça.

Ce n’est pas un peu une tannée de devoir chercher la terre, discuter avec chaque personne et négocier ?

Benoît : Quand on est à la recherche de cela, on ne négocie pas. J’ai envie de dire que ce n’est même pas une recherche. C’est plutôt beaucoup d’empathie, d’écoute et de considération. Je vois aujourd’hui trop de gens arriver dans la région penser qu’avec l’argent on achète tout. Et je crois que c’est d’avoir oublié la vraie vérité des gens alors, je suis désolé du pléonasme.

On a ici dans les campagnes et partout en France d’ailleurs des gens qui pourraient mourir pour leurs terres. Certains le sont. Il est d’une importance capitale que quand je reprends en main un morceau de terre je ne reprends pas comme morceau, je reprends une partie de l’histoire des gens. J’essaie de l’intégrer du mieux que je peux à Clos Dubreuil, dans cette philosophie qui m’est propre puisque je pense que chaque vigneron inconsciemment à son propre style. Donc non ce n’est pas du tout une tannée ; c’est au contraire une véritable passion. Et c’est un honneur que ces gens me font quand ils acceptent de me laisser travailler leurs terres.

Tu as parlé de ton style. Comment tu le définirais ?

Benoît : C’est toujours une question hyper difficile. Déjà, il y a quelque chose que j’essaie de sublimer c’est le sol sur lequel est planté Clos Dubreuil. J’allais dire le terroir mais je me suis rectifié parce que le terroir par définition, c’est une combinaison de plusieurs choses. C’est le sol, l’homme et l’environnement ou la nature, ou les aléas climatiques.

Donc vraiment là, on est sur un plateau calcaire. On a vu des photos tout à l’heure, on a la roche mère à moins de 20 centimètres. C’est un terroir qui est absolument magique. La roche calcaire est chargée de minéraux. La première étape quand je fais un vin, c’est d’essayer que quand on goûte le vin on se dise : « Là on est sur du calcaire. ».

Ça c’est la première étape, donc ça passe par l’écoute de la vigne, un style de maturité et une extraction en douceur. En revanche, après moi j’aime les vins qui sont riches, capiteux, charnus. Attention quand je dis cela, ça ne veut pas dire que ce sont des vins puissants ou hyper tanniques. On peut avoir des vins charnus, veloutés, riches mais qui en même temps peuvent avoir une grande finesse aux tannins. Je n’aime pas les vins qui sont trop acides. J’aime un équilibre parfait entre acidité, alcool et richesse.

Pour les vins du clos Dubreuil, mais on pourrait le retrouver sur tous les vins familiaux que je vinifie de la même façon, j’aime des vins qui sont précis, purs, où l’expression du fruit est à son maximum. Je travaille énormément sur l’élevage entre la réduction et l’oxydation. J’essaie de m’auto situer au parfait équilibre de ces deux modèles. La réduction poussée à l’extrême ça va être l’H2S, donc l’œuf pourri et l’oxydation. On va être sur des côtés un peu Porto, donc avec des fruits qui ne sont plus très frais. J’essaie d’avoir vraiment un fruit qui est entre noir et rouge plus que pruneaux.

C’est l’objectif, des vins qui sont riches, équilibrés et qui ont beaucoup de fraîcheur en final. J’aime les vins qui sont appétant, identitaires de leur région et de leur terroir et qui en même temps ont une belle maturité avec beaucoup de richesse, beaucoup de finesse et de profondeur et avec une finale encore plus sur la fraîcheur. C’est certainement le côté salin du plateau calcaire qu’on va retrouver qui donne le goût. Un verre en appelle un autre, je crois que c’est la clé de notre métier. On produit du vin tous les ans, sinon on aurait quelques soucis à distribuer nos vins.

Antoine : Alors justement parlons de la distribution de témoin puisque c’est un élément qui est assez particulier chez toi ou pour quelqu’un qui est une marque d’originalité à Bordeaux.

Tu ne passes pas du tout par le négoce bordelais, par la place de Bordeaux ?

Benoît : Non. J’ai essayé mais ma famille a toujours travaillé en direct. On y travaille un tout petit peu, quelquefois avec les vins familiaux sur une opération bien particulière. Mais depuis toujours on a un fichier client de particuliers en France. On est en contact direct avec nos importateurs. Je sais exactement dans quel restaurant Clos Dubreuil était distribué à New York, quelle quantité ils ont achetée, de quel millésime. J’ai des clients américains qui achètent en direct à la propriété, donc on arrive à exporter et c’est une clé aujourd’hui. Je crois que derrière le mot vigneron, il n’y a pas que le mec qui fait le vin, il y a le mec qui vend aussi.

Je crois que Bordeaux a un modèle de distribution certainement extraordinaire que le monde nous envie, pour des très grands crus classés ou des marques de très forte notoriété. En revanche pour le vigneron que je suis, et beaucoup d’autres vignerons dans la région, ce n’est pas un système de distribution qui est proche du client. Ça nous apporte aujourd’hui en tout cas de façon globale les foudres de certains acheteurs et de certains consommateurs.

Mais je me bats tous les jours pour faire comprendre qu’il y a encore des vignerons à Bordeaux qui font le vin, qui le vendent et qui sont proches du consommateur. Quand il y a une visite ici, dans la mesure du possible, c’est moi qui la fait. Si je développais les visites, je ne pourrais pas toutes les faire. C’est vraiment un choix de distribution en direct, auprès des consommateurs. C’est moi qui vais faire les Wine diner à l’étranger ou même en France.

Je veux garder impérativement ce contact avec la clientèle professionnelle mais également celle de particuliers. Parce que si on perd tout ça, on peut complètement se fourvoyer dans un monde où l’on croit que tout est facile. Non ce n’est pas facile. Faire un vin c’est beaucoup d’énergie, c’est beaucoup de passion, c’est beaucoup de précision. Mais le vendre, c’est encore une autre étape.

Je crois qu’on ne peut pas prendre la conscience du vin que l’on fait si on n’a pas en face le retour d’un consommateur en direct. C’est hyper important de s’entendre dire des choses qui peuvent vexer quelquefois mais qui sont vraies en réalité. C’est-à-dire qu’il y a des clients, il y a des gens qui payent une bouteille à un certain prix. Ils ont le droit d’avoir un avis et on peut ne pas les écouter ou on peut écouter et ne pas y prêter attention. Mais je trouve que c’est vraiment la clé d’écouter. Je crois que le vrai vigneron à mes yeux est une personne qui sait travailler la terre, sait faire son vin, mais sait également le vendre.

Ça ne te prend pas un temps démesuré de faire ça ?

Benoît : Si, mais c’est le métier que j’ai choisi. Je crois que ce n’est même pas un métier c’est une vie même. C’est au-delà de la passion. C’est à dire que parfois on lâche les bras, enfin on est comme tout le monde. Puis je n’ai plus 20 ans surtout. Je crois que c’est un accouchement tous les ans en vin donc du coup on le porte jusqu’au bout. Moi le garder en stock ici dans la cave ça n’a pas d’intérêt.

Je vais être hyper honnête, l’avantage du Covid c’est qu’il m’a permis de rester pendant presque un an ici en France sans bouger. Sincèrement c’est dingue, ça ne m’a pas manqué.

Il faut le faire parce que on n’a pas le choix, mais je suis tellement mieux ici, sur le domaine à m’occuper des vins, et avoir tous mes week-ends. Ça, ça ne m’était jamais arrivé en 20 ans. Après tout ça va reprendre mais je pense que cette situation actuelle aura eu en tout cas le mérite de nous apprendre à regarder les choses un peu différemment. On était tout le temps à droite, à gauche à essayer de vendre le vin. C’est un des projets que je monte aujourd’hui, c’est plutôt de faire venir un maximum de personnes à la propriété, ce qui m’éviterait peut-être d’aller encore plus loin pour faire la promotion.

Est-ce que tu peux nous parler un peu plus du projet que tu vas mener ?

Benoît : Évidemment. Maintenant que j’ai atteint à peu près la superficie que je voulais avoir sur le Clos Dubreuil, je voulais aller plus loin dans le projet. Je crois qu’en terme de vin, on peut toujours faire mieux. Mais je pense que je suis arrivé à un niveau qui me satisfait tout en recherchant tous les ans à aller un petit peu plus loin. Je voulais faire venir plus de monde à la propriété. Pour moi, le vin c’est un grand moment qui se partage avec plusieurs personnes. Si on veut créer quelque chose de plus autour du vin pour en faire un produit non pas de luxe, mais plutôt indispensable, il faut lui rajouter une dimension culturelle et sportive.

Je veux que le Clos Dubreuil devienne une destination pour des amateurs de vin, pour des sportifs, pour des épicuriens. Que ce soit un lieu qui rassemble. C’est pour ça que je suis en train de créer un peu une forme de place de village. Quand les gens vont venir en visite à Saint-Émilion, à Bordeaux, ou en France, ils aient un endroit où ils ont envie de se promener en se disant : « Je vais pouvoir passer, je vais voir le cheval travailler dans les vignes. Je vais voir le propriétaire sortir son chai pendant les vendanges ». Parce qu’on travaille tout le domaine au cheval, les vignes sont autour du clos.

Souvent dans les propriétés on cache un peu toutes ces parties-là. Dans les villages à l’époque, le cordonnier travaillait sur la place du village et le boulanger faisait la même chose. Je veux que les gens qui viennent ici pendant les vendanges, les primeurs ou quoi que ce soit aient un lieu où ils puissent se sentir à l’aise et voir les gens travailler à l’extérieur.

C’est un lieu qui aura une salle de réception, une petite boutique, certainement quelque chose d’éphémère pour l’été pour donner encore plus l’envie de venir. Il y aura également quelques logements, et je veux que tout ça puisse cohabiter. Il n’y aura pas de restriction à venir au Clos Dubreuil.

Je ne veux pas que ce soit une question d’élitisme. C’est vraiment un endroit où les gens doivent se mélanger et se croiser. Tout ça en plus avec un axe sportif, parce que je trouve trop souvent qu’on déconnecte le vin du sport. Moi qui adore le sport je veux montrer et dire haut et fort que sport et vin c’est loin d’être incompatible. On peut aimer le sport, faire du sport et même être un sportif de haut niveau et pour autant être un épicurien.

Comme dans le vin, c’est une recherche d’équilibre. On peut aimer manger et boire des bons vins et aimer faire du sport. Comme dans le vin, on peut avoir et des tanins et de l’alcool et de l’acidité et avoir un équilibre parfait

Tout ce complexe sera présent ici au Clos Dubreuil. C’est plusieurs suites que tu m’as montrées, autour d’une place avec une autre bâtisse, où il y aura la salle de réception. C’est plutôt grand.

Benoît : Oui ça va, ce sera un grand village. Non pas un grand village, c’est tout petit, c’est un petit hameau en fait. Pour l’instant il est comme ça. Peut être qu’il se développera, j’ai plein d’idées en tête on verra, plein d’envies surtout. J’ai envie d’aller un peu plus loin. Mon grand-père maternel était boulanger. J’ai toujours eu un four à pain sur la propriété donc j’en reconstruis un parce qu’on a dû le changer de place. J’aimerais peut-être un four à pain. Alors est-ce qu’il serait collectif au village, que les gens puissent venir faire cuire leur pain ou pourquoi pas installer un boulanger ?

Ce sont des idées, il n’y a rien de réalisé pour l’instant. Mais on a un potager, des ruches, on fait déjà du miel. Presque un petit hameau qui vivrait en autarcie autour d’une activité locale assez précise. Mais d’abord pour tous ceux qui sont un peu amoureux du vin, il y a pain, vin, fromage, donc c’est déjà ça, ça peut suffire.

Antoine : Normalement c’est déjà pas mal effectivement.

Ce sera prêt pour quand ?

Benoît : On est en plein travaux. Si tout va bien, la partie orientée boutique, réception, jardin, sera j’espère pour cet été. Là on est en train de finir un peu les travaux. Toute la partie logement sera pour l’été 2022. Le hameau serait donc entièrement terminé pour l’été 2022.

Antoine : Super. N’hésitez pas à faire un petit passage au Clos Dubreuil du coup pour voir où ça en est et passer voir les travaux et voir à quoi ça ressemblera. Et dans le futur pour voir à quel point ce hameau se sera développé et transformé en mégalopole à proximité de Saint-Émilion.

Tu as grandi dans le vin. Comment est-ce que tu perçois l’évolution du monde du vin et à Bordeaux en général ?

Benoît : Oui j’ai grandi ici, j’ai quitté Bordeaux pendant trois ou quatre ans uniquement. Alors il y a plusieurs choses, il y a plusieurs réponses à ça dans le monde du vin en général entre quand j’étais gamin et aujourd’hui. D’abord la production mondiale du vin a explosé.

Quand j’étais gamin, Bordeaux avait le leadership, aujourd’hui on est loin de l’avoir. Et un leadership qui était qualitatif sur les grands vins mais qui était surtout distributif et de production.

Aujourd’hui on a la preuve qu’avec du travail on fait des bons vins partout. Il y a eu des investisseurs, des passionnés qui ont développé des grands domaines que ce soit en Chine aujourd’hui ou en Thaïlande. On fait même du vin au Japon, en Belgique, en Angleterre… Bordeaux s’est retrouvé face à ça et a perdu un peu de son de son énergie par rapport à toute cette compétition internationale. Cela a prouvé que ben on ne pouvait plus être moyen à Bordeaux, il fallait être grand. Ça c’est un constat.

Ensuite ce qui me désole en revanche aujourd’hui, c’est qu’il y a des vignerons à Bordeaux mais on est en train de les perdre. Je crois qu’à cause d’un mode de distribution ou de plusieurs, on est en train de perdre la diversité vigneronne de Bordeaux. C’est quelque chose qui me déçoit au plus haut point, qui m’attriste vraiment. On voit des grands groupes investir. C’est bien pour la région, il y a beaucoup d’argent qui arrive, il y a des emplois, mais on perd une diversité.

Prenons Saint-Émilion comme exemple. On avait à l’époque une mosaïque de petits vignerons qui faisaient des vins différents plus ou moins bons, grands, ou chers et aujourd’hui ça disparaît au profit de grands groupes. Malheureusement ils font monter les prix et du coup on voit les familles vendre. Ça me désole foncièrement. Je crois qu’on est en train de faire du vin avec de l’argent et pas de l’argent avec du vin. C’est quelque chose qui me détruit personnellement. Donc il est temps de changer ça et ça va être compliqué.

Comment faudrait-il faire pour changer ça ?

Benoît : Non, mais il n’y a pas moyen, c’est la mondialisation, c’est l’économie. Je n’en fais que l’amer constat. Moi je suis encore d’une vieille famille du coin. J’ai envie de dire à ces investisseurs si vous venez investir à Bordeaux : « Misez sur des jeunes de ces familles-là, aidez-les. Ils vous donneront tout parce que ce sont des gamins qui généralement sont plus que passionnés. ».

Plutôt que de racheter des grands domaines et de mettre des directeurs en place, est-ce qu’il ne vaut pas mieux maintenir la diversité et investir sur des jeunes de la région ? Sur de l’humain que plus sur du foncier, ce serait une belle façon de mettre les choses en place.

Antoine : Le message est passé. Si des personnes de grands groupes nous écoutent, vous savez désormais sur qui investir et comment créer votre prochaine stratégie pour les 10 ans à venir. Tu parlais tout à l’heure de la distribution de ton vin. Tu sais exactement où il est vendu et qui le consomme.

Est-ce que tu peux nous donner un peu justement le profil de ces personnes qui consomment ton vin et est-ce que ce profil a évolué ces 10 dernières années ?

Benoît : Je distribue en direct. Si on parle du consommateur final, il y a deux aspects. D’abord le prix du vin, qui est assez élevé et donc ne s’adresse pas forcément à toutes les bourses. C’est pour ça qu’il y a un second vin. Le nôtre s’appelle Anna. C’était le prénom de mon arrière-grand-mère. C’est un hommage à ces femmes qui ont fait le vin sur les propriétés familiales pendant la première guerre mondiale, quand tous les hommes qui étaient au front.

Chez Clos Dubreuil, la clientèle a un peu rajeuni. Je pense que c’est un petit peu lié à la communication avec tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’intéressent au vin.

Je rêve que quelqu’un vraiment passionné de vin mais qui n’en a pas les moyens viennent taper à la porte de la propriété et me dise : « Monsieur je n’ai pas les moyens d’acheter votre vin mais j’en ai tellement entendu parler que je rêverais le déguster. ». Pour ça, la porte sera toujours ouverte. C’est pour ça qu’on met un peu en en place ce bar à vin pour que des gens qui ne peuvent pas acheter une bouteille puissent aussi avoir accès à une dégustation. Je serais à prix coûtant sur les vins.

Je veux absolument que ça devienne un vin qui rassemble.

La clientèle a rajeuni, on est passé d’une clientèle qui avait peut-être je dirais 50 ans et plus à une clientèle qui a entre 34 et 45 ans aujourd’hui. Une clientèle de femmes. J’ai vu de plus en plus de femmes s’intéresser à Clos Dubreuil. Cela m’a été permis grâce au vin blanc que j’ai commencé à produire en 2013, le chardonnay. Cela m’a donné vraiment une ouverture vers un public féminin et plus jeune et qui du coup a suscité la curiosité.

En revanche, le second vin lui est un vin de gens qui sont plus dans le rapport qualité prix, qui sont moins en recherche de l’exception. Ils sont en recherche d’un très bon vin rapport qualité prix. On a une tranche de consommateurs qui est un peu plus jeune, je dirais entre 25 et 40 ans. Des gens qui sont adeptes de la consommation plus régulière. Clos Dubreuil reste quand même malgré tout un vin qu’on consomme un peu moins souvent.

En terme de nationalité, est-ce que tu as vu une évolution ?

Benoît : En termes de nationalité, ce n’est pas compliqué. Les marchés où je vends le plus aujourd’hui, c’est Luxembourg, Belgique, Suisse, Allemagne, France et sur l’Europe. Ensuite à l’export ça va être Thaïlande, Chine, Taïwan, Corée du Sud et Etats-Unis.

Antoine : Donc c’est très tourné vers l’Asie et un peu moins vers les Etats-Unis comparé à d’autres domaines où c’est généralement l’inverse.

Benoît : J’aurais pu me tourner plus facilement vers les Etats-Unis surtout quand Robert Parker notait très bien la propriété. Mais avec mon père, ça fait 25 ans qu’on investi sur le marché asiatique avec une personne qui s’occupe de notre distribution là-bas, qui est rattachée à l’entreprise familiale, et c’est l’explication. Je viens de m’attaquer au marché américain plus sérieusement donc du coup on devrait voir les ventes évoluer sur ce marché. Après sincèrement c’est une production, le grand vin c’est 15.000 bouteilles par an donc je n’ai pas non plus la capacité d’attaquer tous les marchés et vendre partout.

Tu n’as pas forcément intérêt non plus à disperser ton énergie à passer du temps sur 10.000 choses, à faire des dîners partout dans le monde alors que tu n’as que 15.000 bouteilles.

Benoît : Mon rêve c’est que tout se vende à la propriété de la main à la main, et ce serait extraordinaire.

Est-ce que tu as un lien avec tes parents encore aujourd’hui ?

Benoît : Complètement.

Antoine : Ils passent un peu à la propriété, voir ce que tu fais ?

Benoît : Alors mon père un peu moins, mais je l’ai tous les jours au téléphone. Il s’occupe toujours des marchés asiatiques pour la famille. Ma mère passe tous les jours, je déjeune avec elle tous les jours à la propriété et avec mon petit frère. C’est chouette. Pour eux ça a été une vie, et puis du jour au lendemain passer de 7 jours sur 7, à plus du tout je crois que ce n’est pas possible. Il y a des particuliers qui appellent tous les jours qui demandent à parler à mes parents, donc elle est là 2 à 3 heures par jour.

Ta mère parle avec des clients au téléphone ?

Benoît : Oui bien sûr, le vin c’est un lien. C’est un produit qui est tellement impliquant. Quand on ouvre une bouteille de vin à des copains on livre une partie de soi-même, c’est-à-dire que les gens qui font confiance dans un vin, dans une bouteille, dans une marque ou dans une famille ont l’impression de mettre une partie d’eux sur la table. Si le vin n’est pas bon et que leur copain ne l’aime pas ils sont complètement attristés, apeurés. Donc maintenir ce lien avec ces gens-là c’est les rassurer et, je ne dis pas qu’on est ami avec nos clients, mais on a des liens assez forts.

Tu as des clients que tu connais depuis très longtemps ?

Benoît : Je crois que c’est ça qui est génial. J’ai des clients qui achètent tous les ans depuis 40 ans la même commande sur les mêmes vins tous les ans. Ils qui ont des caves, je pense notamment à un client en Champagne qui s’appelle la famille Primo et je crois qu’ils ont tous les millésimes de tous les Châteaux depuis le début des années 60.

Ça disparaît un peu ces gens-là. On est venu à une consommation beaucoup plus éclectique, moi le premier. Et on n’est plus trop fidèle à un domaine. On en rachète de temps en temps mais on va chez le caviste du coin pour le dîner du soir. Parfois on a quelques vins qui vieillissent en cave. Moi j’aime beaucoup ces vieilles familles françaises, vieilles pas par l’âge mais par la tradition. Elles avaient un vigneron à Bordeaux, un vigneron en Champagne, un vigneron en Bourgogne et tous les ans achetaient des vins assez vieux.

Antoine : On a parlé un peu tout à l’heure quand on était dans les vignes du rapport à l’environnement et au changement climatique de manière générale.

Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur l’impact que changement climatique peut avoir ici ?

Benoît : A la propriété depuis le départ, on fait attention à ce qu’on fait en terme environnemental. J’ai arrêté les désherbages chimiques depuis 2005. On a donc pendant très longtemps travaillé sous le rang avec un tracteur à enlever l’herbe mécaniquement.

Depuis 2012 on avait une partie du domaine au cheval. Et depuis 2015 on travaille à 100 pourcents au cheval sous le rang. On a encore les tracteurs pour tout ce qui est rognage. Je suis certifié avec un label environnemental depuis 2015 qui s’appelle Terra Vitis, et qui depuis 2018 a une équivalence HVE 3, donc Haute Valeur Environnementale de niveau 3.

Si on parle un peu d’environnement, je crois que c’est un sujet majeur aujourd’hui qui ne concerne pas que la viticulture mais tout le monde dans son quotidien à la maison ou l’industrie. Je crois que ça fait partie des sujets qui sont aujourd’hui incompressibles.

Je me suis arrêté à Terra Vitis mais pas que. Le travail au cheval ne rentre pas dans le cahier des charges. On a aussi nos propres ruches, on fait notre propre miel. Si on utilisait trop de pesticides tout le monde sait pertinemment que les abeilles y sont tellement sensibles, et qu’elles seraient mortes aujourd’hui ou ne produiraient pas de miel.

Je récupère les eaux de pluie. Elles sont traitées pour arroser le jardin ou pulvériser les produits de traitement quand il y en a besoin. C’est en dehors de toutes ces certifications. Ce qu’il faut retenir de l’effort de la propriété c’est un regard global sur l’environnement. Ce n’est pas simplement un regard bio qui va ne regarder que les résidus dans la bouteille. Je fais beaucoup de choses mais j’ai encore tellement de choses à faire avant d’être bio.

C’est un peu à la mode de dire : « Je suis bio ». On en oublie de regarder l’environnement et l’impact global.

En viticulture biologique, on a des doses de cuivre à respecter. Comme ce sont des produits de contact dès qu’il pleut, ils sont lessivés. Il faut retraiter. Par exemple, le millésime de l’année dernière. Les passages au tracteur pour traiter les vignes en bio ont été absolument phénoménaux. On a eu un tassement des sols qui va à l’encontre de ce qu’on cherche à faire qui tue la vie micro bactérienne et animale en surface.

Il y a l »utilisation de carburants qui polluent l’environnement. Alors certes ça ne se retrouve pas dans les vins. Le cuivre qui ne retrouve pas dans les vins mais vient polluer les nappes phréatiques. Cela coûte de l’argent et de l’énergie carbone pour traiter ces eaux. Je crois que peu importe le label que l’on choisisse, peu importe qu’on soit bio, pas bio. Ce qu’il faut regarder, c’est son impact global sur l’environnement. J’ai fait ce choix de Terra Vitis qui va très loin dans l’approche de la propriété sur l’impact environnemental, sur le bien-être des animaux et des employés dans les vignes. Tout est contrôlé au niveau des achats CCP etc.

Donc de la gestion des déchets jusqu’à la mise en bouteille, au résidu dans la bouteille puisqu’on fait des analyses tous les ans sur le vin, nous on est certifié que pour une année donc tous les ans chaque millésime est remis en cause. Je fais hyper attention tous les ans dans la mesure du possible de rajouter le traitement des eaux de pluie, et de faire un maximum de petits détails mais qui viennent s’ajouter à un regard global sur l’environnement.

C’est intéressant d’avoir justement cette approche globale et pas juste de se dire je rentre dans les clous d’une certification ou je fais une seule chose.

Benoît : C’est vraiment ça, je crois que tout le monde peut être bio chez soi. Il suffit d’avoir un peu d’intelligence. Je préfère quelqu’un qui est locavore que quelqu’un qui va manger du bio d’Argentine. On peut s’enfermer derrière des labels alors que c’est simplement du bon sens. C’est de la bonne réflexion.

Antoine : Oui, c’est clair il vaut mieux manger une belle entrecôte d’une vache qui habite à côté.

Benoît : Et qui a été abattue dans des conditions respectables. Je serai un grand défenseur des animaux jusqu’au bout et je déteste tout ce qu’on peut voir sur la condition animale.

Antoine : Tu es végétarien ?

Benoît : Non, je ne suis pas végétarien mais je sais à qui j’achète ma viande et je préfère ne pas en manger que ne pas savoir qui s’en est occupé. Je ne peux pas travailler avec un cheval dans les vignes, avoir le chien que j’ai et être amoureux des animaux et accepter cette maltraitance animale. Je trouve ça absolument scandaleux.

Tu m’as déjà un peu répondu, mais pourquoi le cheval ?

Benoît : Alors plusieurs raisons. J’ai été cavalier pendant très longtemps. Moi j’adorais l’équitation, mais j’ai dû faire le choix entre une carrière équestre ou de faire des études à un moment donné. Mes parents m’ont fortement conseillé de faire des études et je pense que je ne le regrette pas aujourd’hui. Mais j’ai un amour pour l’animal qui est évident.

La deuxième raison qui certainement est la plus importante parce que c’est celle qui est la plus technique, c’est que le cheval travaille vraiment avec l’homme. C’est vraiment un duo, c’est une équipe. L’homme n’est pas aussi passif que sur un tracteur. D’abord on est derrière l’animal, donc on contrôle tout ce qui se passe. Quand on est sur un tracteur tout est derrière. Dans 80% des cas on va trouver des exemples où ça peut être devant donc surtout sur des jeunes vignes ou sur le travail du sol on peut régler la profondeur manuellement. On abime beaucoup moins les jeunes pieds de vigne. Je trouve ça hyper intéressant et assez précis comme travail.

Je trouve que dans cet esprit un peu environnemental de produire un grand vin, d’avoir deux énergies ensemble qui sont l’homme et l’animal pour produire un grand raisin qui fera certainement un très grand vin, je trouve ça assez magique dans l’image. La prochaine fois, les travaux seront terminés et on boira un verre de vin sur la terrasse. On aura un cheval dans les vignes plutôt qu’un tracteur, on passera meilleur moment.

Antoine : Ça c’est clair, je veux bien le croire, je serai là pour en attester sans problème. Alors on est au début du mois de mars 2021 donc ça veut dire que tu as normalement une bonne première vision sur le millésime 2020.

Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur le millésime 2020 ?

Benoît : Ben déjà est-ce qu’ils vont vraiment avoir lieu cette année comme on a l’habitude, peut-être pas, mais on va quand même présenter.

Antoine : Tu vends en primeur ?

Benoît : Je vends en primeur, oui bien sûr.

Antoine : Directement chez toi du coup, il faut t’appeler ?

Benoît : Oui, au consommateur en direct. Je vends aussi à des revendeurs partout en Europe qui achètent en primeur et qui revendent eux à leurs clients particuliers. Donc pour le millésime 2020, je crois qu’on a une trilogie à Bordeaux. 18-19-20 est absolument remarquable. J’ai envie de dire qu’on pourrait même avoir un coup de tête puisque on a 15-16 qui sont extraordinaires. Je n’ose pas y mettre 2017, il n’a fait que geler et on a produit de très jolis vins, peut être un peu inférieurs en termes de maturité et de concentration. Mais 18-19-20 sont de sublimes millésimes.

En 2020 on a eu a une grande sécheresse. Les rendements ont un peu baissé, on a une concentration un peu plus importante certainement qu’en 2019. Mais je crois qu’on a un millésime, en tout cas au Clos Dubreuil, qui va pourrait être l’un des plus beaux millésimes de la propriété. Il y a peu de volume, mais c’est un très beau millésime.

Antoine : Et bien c’est noté. Alors le rendez-vous est pris. Pour tous les amateurs, si vous avez écouté ce podcast avant les primeurs vous savez qu’il y a un très grand millésime qui vous attend. On a répondu à pas mal de mes questions, je pense qu’on a fait un tour plutôt sympathique.

Tu as l’air d’avoir un quotidien qui est très chargé entre ici et les différents travaux à la propriété. Tu tiens le coup ?

Benoît : J’ai l’air d’être fatigué ? Non, c’est une belle énergie et je ne me pose pas de questions. Je me lève tous les matins entre 4h30 et 5h00. Ensuite je fais une heure de sport, je prends un petit déjeuner, je vais bosser et je me couche tôt le soir. Je bois du vin tous les jours. Pour ceux que ça intéresse, c’est une belle hygiène de vie et ça fonctionne.

Après ce ne sont pas des quantités ! Mais j’aime aller à la cave quand je reste chez mes parents au domaine familial. Ici pour l’instant il n’y a plus de logement. J’aime ouvrir des vieux millésimes vinifiés par mon grand-père. J’aime voir un peu l’évolution, comment ça fonctionne, goûter des vins d’autres vignerons parce que ça reste très important et pas forcément de Bordeaux. Je crois qu’une bouteille doit faire 3-4 jours donc je suis plutôt raisonnable. Je ne parle pas des excès, ça arrive aussi.

Antoine : Dans tous les cas ça reste à consommer avec modération évidemment, il faut le préciser, c’est important. Merci beaucoup Benoît.

Il me reste 3 questions qui sont assez traditionnelles. La première c’est est-ce que tu as une dégustation coup de cœur récente ?

Benoit : Est-ce que j’ai une dégustation coup de cœur récente ? J’ai bu un un Château Larmande, donc c’est un vin de Saint- Emilion qui m’a vraiment bluffé. On était sur un millésime 89, c’est vrai que ce n’est pas un Château dont on parle souvent. Je l’ai goûté dans des millésimes plus récents. Je l’ai trouvé peut-être moins intéressant, mais en tous les cas ce 89 m’a arrêté.

Antoine : Entendu, le message est passé, donc si vous en avez dans votre cave à vin, n’hésitez pas potentiellement à l’ouvrir et à le déguster.

Est-ce que tu as un livre sur le vin à me recommander ?

Benoît : Oui j’en ai un qui s’appelle : « Trocard, vignerons et bordelais ». On a eu la chance de travailler sur l’écriture d’un bouquin sur l’histoire de la famille. C’est un super bouquin. Il explique comment des vignerons paysans à Bordeaux traversent le 16e siècle, début 17e et les époques. Il y a eu le phylloxéra, les deux guerres, les problèmes de génération et de mauvais millésimes. On apprend comment ils arrivent à se battre et avoir un domaine qui reste vigneron mais qui fait beaucoup plus de vin qu’ils n’en faisaient à l’époque.

Antoine : Formidable. Et bien écoute, c’est noté. C’est vendu à la propriété ?

Benoît : À la propriété et également en distribution. C’est un bouquin qui raconte bien l’histoire de Bordeaux en même temps. Au travers des yeux d’une famille modeste de vignerons paysans. Ils sont de ma famille mais je le recommande vraiment parce qu’il se lit très facilement. On apprend beaucoup de choses. Bordeaux est une richesse absolue de petits vignobles et de petits vignerons qui travaillent comme des dieux.

Antoine : Entendu, et bien si vous souhaitez vous le procurer, prenez contact avec Benoit ou envoyez un mail sur le site internet de Clos Dubreuil.

Et enfin, qui devrait être la prochaine personne à être interviewée dans ce podcast ?

Benoît : Il y en a tellement. J’aimerais aujourd’hui tirer mon chapeau à un jeune vigneron qui mérite d’être connu. C’est un de mes anciens stagiaires, donc je suis très fier de lui aujourd’hui. Il fait des vins qui sont absolument géniaux et qui vignerons en Champagne qui s’appelle Cédric Moussé.

Cédric a repris la propriété familiale de ses parents qui étaient des copains de mes grands parents. A cette époque on ne se fréquentait pas spécialement. Il fait un champagne extraordinaire qui mérite d’être connu. Je pense que c’est quelqu’un qui serait très bien à ma place aujourd’hui.

Antoine : Entendu et bien écoute, je ne manquerai pas de prendre contact avec lui et d’aller le voir cet été en Champagne. Merci beaucoup à toi pour ce temps. C’était un plaisir de venir à ta rencontre, de voir et de partager ici. Et également de déguster le clos Dubreuil qu’on a eu la chance d’ouvrir en 2010. C’était un pur délice. On s’est régalé. Merci pour ton accueil et à très bientôt j’espère.

Benoit : A bientôt, oui.

Je ne manquerai pas de revenir pour l’ouverture quand ce hameau sera prêt et merci pour ton temps. Aux personnes qui nous écoutent n’oubliez pas de partager ce podcast avec vos proches ou personnes qui aiment le vin.

Si vous êtes encore là, vous avez sûrement aimé ce podcast alors mettez lui la note de 5 étoiles. C’est important pour le faire remonter dans les classements et je vous dis à très bientôt. Benoît encore merci.

Benoît : Merci à toi, bonne journée.

Cet article a 2 commentaires

  1. Marc Perrier

    tres beau projet. tous mes bons voeux de réusite pour 2022

    1. Vinsurvin

      Bonjour Marc,
      Merci pour ce commentaire et à bientôt

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