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Épisode #41 – Pauline Bich et Philippe Chandon Moet, Château de Ferrand à Saint Emilion

Pour le 41e épisode du Wine Makers Show, nous sommes partis à la rencontre de Pauline Bich et Philippe Chandon-Moët au Château de Ferrand. Voici la première interview en couple pour un duo à la tête d’une aventure extraordinaire à Saint Emilion. Je vous souhaite une excellente écoute et une superbe découverte du Château de Ferrand.

Antoine : Bonjour Pauline, Merci beaucoup de m’accueillir ici au Château de Ferrand. Pour les personnes qui nous écoutent, on est arrivés hier en fin de journée après un périple à Saint-Emilion dans le Bordelais. On a diné ensemble et on a passé la nuit ici et on se retrouve juste après le petit-déjeuner avec un soleil magnifique à l’extérieur pour enregistrer cet épisode. Je suis vraiment ravie de faire votre connaissance et d’en savoir un peu plus sur vous. On va parler de beaucoup de choses dans cet épisode parce que vous avez une histoire riche et vous avez assez de choses à nous raconter sur ce que vous faites ici au Château de Ferrand.

Avant de plonger dans tous ces éléments, est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter ?

Pauline : Rebonjour Antoine, c’est une joie de vous accueillir à Château de Ferrand qui est un Grand Cru Classé de Saint-Emilion ; joie parce que vous incarnez aussi les nouvelles technologies, l’avenir de la jeunesse et de l’entrepreneuriat de la jeunesse. Je suis fille d’industriel, dixième de onze enfants. Mon parcours professionnel m’a amené pendant de nombreuses années dans des fonctions opérationnelles au sein du Groupe BIC, tendant la Logistique dans l’immobilier. J’ai eu la chance enfin de pouvoir vivre une époque où un moment très particulier dans la vie d’hommes d’affaires et d’entrepreneur visionnaire qu’était mon père le Baron Bic, lorsque en 1978 il a acquis Château de Ferrand en changeant son eau en vin. Je vous en dirai un peu plus.

Philippe : Rebonjour Antoine, moi je suis Philippe Chandon-Moët, j’ai 58 ans et mon parcours est beaucoup plus dans la passion. La passion de plusieurs activités, le monde tout d’abord de la finance, j’ai commencé très tôt à apprendre tout ce qui était les règles de la bourse. J’ai créé des clubs d’investissement à l’âge de 18 ans et j’ai eu la chance de pouvoir gagner un prix en 1982 d’un Hebdomadaire qui s’appelle « La vie française » qui n’existe plus aujourd’hui. Cela m’a permis de continuer mon expérience professionnelle à travers des stages puis des jobs aux Etats-Unis, en Angleterre. Je suis moi-même issu d’une famille établie en Champagne puis que Moët-Chandon est la maison de Champagne qui a été créée par mes aïeux en 1743. Mon père ne travaillait pas pour cette entreprise, mon grand-père avant décidé que c’était une personne et une seule par génération, donc c’était son frère aîné Jean-Rémi Chandon-Moët qui était Président Directeur Général de Moët-Chandon ; mon père était Banquier, j’ai suivi un peu ses traces. La deuxième passion, c’est le monde du parfum où je souhaitais rentrer dans ce monde et tout ce qui était olfactif avec des essences. Ensuite, j’ai été à Londres pendant 5 ans et mon grand-oncle Frédéric Chandon de Briailles m’a appelé pour que je puisse travailler au sein de Moët-Chandon dans les années 90. A ce moment-là, Mr Arnaud avait déjà commencé à acheter des actions de Moët Hennessy et de la fusion avec LV et en 1993-1994, j’ai dû quitter le groupe et je me suis remis en selle dans la finance avant de perdre mon père assez jeune à l’âge de 56 ans. Je me suis occupé après de la propriété familiale à Hautvillers où j’ai pu avoir la chance d’hériter de mon père de quelques parcelles de vignes qui m’a permis d’être vigneron. L’expérience de la vigne et celle de Moët-Chandon m’a conduit avec Pauline de rejoindre ce parcours de vie que nous menons ensemble depuis 2005.

Antoine : J’aimerai en savoir un peu plus : Pauline, c’est votre père qui a acheté le Château de Ferrand en 1978, c’est bien cela ?

Pauline : C’est exact !

Comment ça s’est passé pour vous ? À ce moment-là, vous étiez la dixième de onze enfants, est-ce que vous veniez ici pour passer du temps, comment était cette époque-là pour vous ?

Pauline : Non, nous ne passions pas de temps à Château de Ferrand, ça n’a jamais été un lieu de famille, il a toujours été considéré comme un lieu professionnel même si aujourd’hui nous considérons que Château de Ferrand est une propriété familiale. En parlant de ça, plusieurs de mes sœurs sont toutes aujourd’hui actionnaires de la propriété, la dimension familiale et de l’entrepreneuriat familial est très ancrée et très forte dans notre famille et chez nous. Mon père était visionnaire, il a reçu un dossier qui lui présentait la propriété Château de Ferrand. Il s’est déplacé et a acquis Ferrand. C’était le deuxième industriel à s’intéresser à la vigne et à la question de la vigne en 1978 après Marcel Dassault qui avait acheté Château la Couperie dans les années 50 et qui est devenu depuis Château Dassault. Mon père était épicurien, il aimait la nature et y puisait énormément d’enseignements et il était très heureux de cette acquisition. Il lui en a donné les moyens, il l’a restructuré et a fait de nombreux investissements au moment où il a acquis Ferrand ; qui a toujours été et qui était connu pour être une des propriétés les plus renommées de son appellation au début du XXième siècle.

Après elle a vécu des guerres et on sait combien la vigne a passé des moments difficiles même dans l’après-guerre. Pour moi, ce premier clin d’œil a été lors de ce déjeuner familial, parce que nous avions la chance d’avoir un père qui lorsqu’il n’était pas en voyage revenait à la maison pour déjeuner avec nous et il était très présent. Il nous a dit : j’ai changé mes enfants, j’ai changé mon eau en vin, c’est-à-dire qu’il avait cédé les actions qu’il détenait dans une maison d’eau minérale pour acquérir un vignoble à Saint-Emilion. Avec beaucoup d’humour, comme il en avait, il disait à mes frères : il n’y aura plus de bière à la maison seulement du vin rouge. Je pense qu’il avait largement très bien compris quel serait aujourd’hui le potentiel de ces propriétés viticoles. Il avait un profond amour pour le patrimoine et la conservation du savoir-faire. Comme il était très respecté du métier qu’il connaissait peu, il nous a tenus : nous ne parlions pas ou ne faisions pas ce que nous ne connaissions pas. Donc, à sa mort, la propriété est revenue à ma mère, à mes frères et sœurs. Ayant épousé un Champenois en 1997, j’ai décidé en 2005 de ré embrasser la vocation entrepreneuriale. Je suis allée voir ma mère et mes petits frères en leur expliquant que nous étions prêts à faire de Ferrand un projet de vie avec eux. Et l’aventure a re débuté en 2005 avec une très belle équipe et dans un très beau lieu. Ferrand étant une propriété de 42 hectares d’un seul tenant avec un Château du 18ième des grottes et un terroir vu que notre cœur de métier est le vin et rien que le vin. Nous avons un terroir qui est remarquable qui ne demande qu’à s’exprimer et à continuer de progresser parce que nous ne serons malgré tout qu’un maillon dans une longue chaine.

Château de Ferrand Saint Emilion grand cru classé

Très bien ! Merci beaucoup pour ces histoires. Philippe, que s’est-il passé entre votre mariage et 2005 pour que vous preniez cette décision tous les deux de faire de Ferrand un projet de vie et y passer beaucoup plus de temps ?

Philippe : Je crois que c’est le principal fait de ne pouvoir conduire une propriété, d’élaborer des vins, de les présenter à l’amateur du vin et de représenter également ces vins à l’étranger. J’ai eu la chance à cette époque de me dire que le métier de banquier était peut-être à l’aube d’évolutions et qu’aujourd’hui, je revenais à mes passions antérieures, c’est-à-dire tout ce qui est olfactif puis la dégustation, l’assemblage et parler du vin à nos amis, aux personnes qui sont les plus centrées sur ce métier parce qu’il faut être très humble. La nature nous gâte mais de temps en temps elle peut être aussi grincheuse et il faut qu’on puisse élaborer ce que la nature nous donne. On a la chance comme dit Pauline d’avoir un exceptionnel terroir, cette propriété de 42 hectares dont 32 plantés donc il reste 10 hectares de bois qui est la ceinture de cette propriété et donne un écosystème assez exceptionnel. Il faut savoir la prendre pour bon et en faire un travail exceptionnel, ce que nous essayons de faire et d’améliorer chaque année.

Vous avez mentionné la biodiversité, la dimension environnementale avec ces 32 hectares plantés et ces 10 hectares de bois qui vous entourent, le Château de Ferrand est inscrit dans une vraie démarche environnementale, ce que vous me disiez hier, alors il semble que vous avez des labels qui y sont attachés, une vraie démarche ?

Philippe : Oui on a toujours voulu réduire l’usage de pesticides, quand nous avons repris ce Château qui est était Grand Cru et qui est devenu Grand Cru Classé en 2012, je dirai que nous avons fait un effort énorme sur le travail de la vigne elle-même avec une restructuration et on a aujourd’hui 3 labels : Terra Vitis, HVO 3 et puis ISO 14001. Nous sommes aujourd’hui en phase de transformation en bio, donc à partir de l’abandon 2021 avec une certification espérons-le en 2023, c’est pour nous une étape très importante. Comme je vous l’ai dit, cette ceinture boisée est généreuse, elle nous donne énormément de qualifications pour nous permettre d’avancer et nous le faisons parce que c’est dans les gènes de la propriété de pouvoir présenter un vin au regard de la biodiversité.

Pauline : Je complèterai cela en disant que l’environnement a toujours été une dimension, un ADN familial, nous avons toujours été très proches de la nature, élevés avec la nature. Dès 1978, tous les poteaux électriques avaient déjà été déterrés donc il n’y a aucune pollution visuelle dans la propriété dès le début des années 80. Hormis cela, le fait que la propriété fasse 42 hectares et seulement 32 plantés révèle véritablement une volonté de conservation de ce patrimoine, de cet écosystème et la tentation aurait pu être grande d’utiliser et de convertir une partie de ces hectares en plantation. Mais ce n’est pas le cas parce que nous sommes aussi convaincus que cette propriété viticole est un tout et cette conservation de son patrimoine dans son ensemble est un atout, une différence et un respect aussi pour les anciens et pour les générations futures.

Parc arbres Château de Ferrand

Depuis 2005 que vous vous occupez beaucoup du Château de Ferrand, vous avez changé pas mal de choses, vous avez repris non seulement la propriété mais insufflé sûrement un nouveau souffle ici. Quelles sont les transformations principales que vous avez faites ces quinze dernières années ?

Pauline : Vous me voyez sourire parce que l’aventure suscite une joie. Avec mes sœurs et l’équipe de Ferrand, notre premier objectif en 2005 a été de nous occuper de la vigne et du vin. Nous l’avons mené dans un premier temps et nous continuons d’ailleurs à le poursuivre parce que c’est la durée et comme le disait Philippe il faut beaucoup d’humilité mais surtout beaucoup de patience. Donc nous avons entrepris une première restructuration du vignoble dès 2006. Nous avons rénové l’outil de production c’est-à-dire les chais afin de vinifier et d’élever les vins avec plus de précision et d’élégance, un travail que nous poursuivons toujours aujourd’hui parce que comme je le disais tantôt, c’est une question de génération. Après cette première rénovation des chais qui s’est terminée en 2010, nous nous sommes attachés à construire, ouvrir une première salle qui est l’oenotourisme, qui permettait au professionnel et à l’amateur du vin de venir déguster Ferrand dans son lieu, à la propriété. Nous étions assez attentifs ou baissés par l’ADN Champenois et le développement du réceptif qui avait lieu depuis plusieurs générations pour comprendre l’importance qui nous est offerte d’avoir la possibilité d’accueillir nos professionnels et leurs clients mais aussi des amateurs du vin qui viennent du monde entier pour connaître et apprendre nos savoir-faire et nos patrimoines. Nous avions confié cette activité à un sommelier qui est pour nous la personne parce qu’il faut dire la vérité, il faut savoir parler terroir et vin, il faut savoir aussi recevoir y compris le weekend et savoir accueillir. Nous étions taxés avant-gardistes à Saint-Emilion sous cette thématique puisqu’aujourd’hui nous sommes souvent qualifiés comme locomotives donc ce qui est devenu non plus l’oenotourisme uniquement mais aussi l’hospitalité. Arrivés à ce niveau, nous nous sommes préparés et présentés au classement de Saint-Emilion en 2012, la propriété ayant 300 ans d’histoire avec le terroir que nous connaissons, nous estimions que nous avions nos chances et nous avons eu la grande récompense d’être nommés Grand Cru Classé.

Nous sommes partis de là avec la faveur de tout ce travail que nous avons fait, le travail que nous poursuivons sur les vinifications, les élevages, nos vins ont été présentés, redégustés lors des primeurs, ce qui n’avait pas été le cas depuis 1982. C’est purement une erreur de la propriété et nous avons vu depuis nos notes évoluées. Aujourd’hui Château de Ferrand est une propriété qui est notée par les grands critiques français et internationaux entre 92 et 96 sur 100, c’est une reconnaissance. Finalement, moi ce qu’on ne m’avait pas dit, ce que je n’avais pas réalisé quand je suis partie dans cette aventure c’est que c’est un travail de chaque instant. Philippe parlait d’années moi je parle de jours parce que c’est le détail de chaque jour qui nous permet de progresser, de mener ce merveilleux travail dans l’excellence avec toute l’équipe et avec le Directeur de la propriété. Nous sommes en 2014, nous voyons bien le dynamisme qui s’est opéré à Bordeaux et nous commençons déjà à réfléchir à comment porter Château de Ferrand dans le XXIième siècle. C’est là où nous avons fait appel et réfléchi avec trois architectes différents un bordelais, un italien et un français pour finalement choisir Patrick Jouin et son associé Sanjit Manku avec Arnaud Boulard qui est un architecte d’exécution bordelaise et associés pour réaliser la totalité de la rénovation du Château et de ses dépendances. Donc nous ne sommes pas encore là maintenant, c’est un travail qui continue. Les travaux étaient terminés en 2019, nous continuons et poursuivons l’excellence dans le travail minutieux que nous faisons dans la vigne. Nous sommes occupés actuellement et principalement nous allons rentrer dans la période des primeurs, c’est une période où nous présentons les vins à l’ensemble de la profession et des dégustateurs. Nous sommes aussi très occupés sur les questions environnementales, de conversion du vignoble en bio et de certification ISO 14001.

Vignes au Châtea de Ferrand à Saint Emilion

Antoine : C’est une vraie démarche que vous portez à la vigne et qui se retranscrit aussi au Château puis que vous avez également cette promotion d’une dimension d’art de vivre. Est-ce ainsi ?

Philippe : Oui tout à fait ! Nous avons la chance d’avoir cet écrin, d’abord l’exposition elle-même des vignes, on en a peu parlé mais avec les vignes on est sur les hauts du Plateau de Saint-Hyppolite Sud-Ouest de Saint-Emilion. L’avantage des vignes, c’est qu’elles sont plantées entre 80 et 101 mètres au-dessus de la mer. Cette pente nous permet de bénéficier de tous les environnements climatiques et je prendrai l’exemple de 2017 qui a été pour Saint-Emilion cruel parce que beaucoup de propriétés de nos confrères et amis n’ont malheureusement pas pu présenter de vins. La propriété de Château de Ferrand avait cette joie de pouvoir présenter un millésime 2017 qui se déguste agréablement bien. Le fait est que les vignes n’ont pas été gelées ou l’ont été très peu et c’est l’exposition elle-même du terroir en adéquation avec la biodiversité que je vous ai énoncé tout à l’heure. Q nous avons repris cette propriété en 2005, nous avions droit à ces parts dominantes Merlot à plus de 75%, une dizaine de pour cent de Cabernet Franc, et le reste en Cabernet Sauvignon. Au fur et à mesure que nous nous sommes penchés sur la restructuration du vignoble, en augmentant le nombre de pieds en faveur, sur le travail des sols, nous nous sommes aperçus qu’une partie du terroir de Ferrand était froide et les vins étaient un peu durs à la dégustation. Nous sommes orientés très sérieusement à changer l’équilibre de cette vinification et ces cépages. Nous avons grâce à ces deux restructurations portant du vignoble éliminer petit à petit le Cabernet Sauvignon au profit de cabane et fonds et aujourd’hui dans l’assemblage de nos millésimes, nous sommes à plus de 80% de Merlot et 20% de Cabernet Franc avec un maximum de 1% de Cabernet Sauvignon. On voudrait donc retrouver l’élégance, un style très ciselé et reprenant le terroir de Ferrand qui est sur une minéralité qui permet au vin de pouvoir s’exprimer à travers le vers et donner des tanins très soigneux et fins à l’amateur de vin.

Antoine : Magnifique, ça donne envie de réaliser une bonne dégustation. Après avoir parlé du vin et du terroir, du vignoble qui est ici, j’aimerais qu’on revienne sur tous vos projets architecturaux.

Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur tout ce travail et toute cette démarche ? Sur ce salon aussi dans lequel on est, c’est assez spectaculaire, le salon Bic dans lequel l’intégralité des murs a été décorée grâce à un stylo Bic avec un paysage de 4 saisons au château de Ferrand. Pouvez-vous nous en dire plus sur tous ces projets pour donner envie aux auditeurs de venir vous voir, de visiter le château de Ferrand pendant leur passage à Saint-Emilion ?

Pauline : Il y a beaucoup de choses à dire Antoine, parce que c’est une véritable passion ; c’est un fait, une vie, un regard, un amour des vieilles pierres, un amour du design qui nous mène là où nous sommes. Je pense avoir beaucoup vu ma mère qui au cours de sa vie a rénové de nombreuses maisons qui ont été des maisons familiales pour nous ; avec des corps de métier qui étaient attentifs à faire de belles choses. C’est également une expérience pour moi comme je vous le disais j’ai travaillé dans la société Bic pendant plusieurs années pour le parc immobilier représentant la société. J’ai acquis une certaine expérience sur la fonctionnalité des lieux et sur l’importance du design pour traduire une marque et surtout apporter un bien-être à ceux qui y vivent une partie de leur journée. Comme je vous le disais Antoine, la première partie de ces travaux a été de rénover les chais, là il fallait avoir de la fonction et de l’esthétisme. Nous avons choisi là de ne rien faire passer à l’extérieur puisque rien n’avait bougé et n’a bougé en 300 ans d’histoire mais tout se passe à l’intérieur. Première chose, la toiture des chais et la charpente a été rehaussée afin d’accueillir cette première salle de dégustation que nous appelons salle du chai et qui permet de voir la propriété à 360°, ce que la nature donne à l’homme et ce que l’homme rend à la nature. En effet, lorsque vous êtes dans cet endroit vous avez la possibilité de déguster les vins de la propriété face aux vignes tout en ayant une vue sur le cuvier, le chai d’élevage et le stockage qui est assez unique et agréable pour un citadin ou pour toute personne qui aime ce métier ou a découvert cela. La rencontre qui a été faite avec Patrick Jouin s’est faite un matin à 08h30. Je retrouve Patrick qui me dit : il s’est passé quelque chose, une révélation ; révélation parce qu’il a été conquis par ce lieu. Il m’a dit également nous avons quelque chose qui nous lie ; pour moi le stylo à bille Bic cristal a toujours été l’objet avec lequel je dessinais depuis mon enfance. Nous avons tout de suite compris et vu dans le projet qu’a présenté Patrick qu’il y avait un intérêt sur la pureté du design mais plus exactement réalisé par des artisans d’art et des compagnons.

Nous avons eu l’occasion de travailler sur cette restauration avec des meilleurs ouvriers de France tant en matière du travail du bois, des charpentes que du mobilier, de la fonderie aussi puisque le manteau de la cheminée du salon du château est une perspective de la propriété est un objet d’un seul tenant. Ce qui est assez remarquable, notamment aussi le mobilier de l’orangerie a été dessiné par Patrick Jouin et fabriqué par une entreprise italienne pour les tables ; l’ensemble du mobilier par contre a été fabriqué par un meilleur d’ouvrier de France. C’est assez extraordinaire, ce travail pour la rénovation du château et de l’orangerie a pris quasiment 5 ans. Chaque chose, chaque lieu et chaque couleur a été étudié pour satisfaire, donner une envie à l’amateur du vin, se sentir accueilli dans un lieu beau mais aussi fonctionnel et qui va traverser les temps, parce qu’il s’agissait là d’avoir beaucoup de goût. Comme je vous le dis, nous ne sommes qu’un maillon d’une chaine et il était important que cette rénovation ait lieu. Quand vous avez un patrimoine comme celui-ci qui forge le respect puisse aussi attirer et conserver ce respect pour les générations qui suivent. Nous arrivons dans la salle de la dégustation Bic qui est au cœur du château et qui est un lieu très important puisque c’est un lieu où les vins de la propriété sont dégustés ; c’est également un lieu qui pour nous devait être qualifié d’identité du lieu et des propriétaires. Nous avons donc choisi de faire dessiner ce panoramique sur les murs de cette salle de dégustation avec un stylo à bille Bic. Cette réalisation est unique puisqu’elle décrit le paysage de la propriété aux différentes saisons. Mais la technique du dessin au stylo à bille est connue parce qu’elle s’inscrit dans un premier mouvement qui date des années 60 qui s’appelle l’Arte Povera qui était un mouvement italien. Aujourd’hui notre famille et la société Bic a une collection d’art qui est qualifié de Bic-Arts et qui est constitué de dessins par des artistes reconnus et plus jeunes artistes uniquement au stylo à bille Bic. Je vous invite à le voir, parce que cela requiert énormément de beauté et de précision dans le dessin.

Lustre château de ferrand Saint Emilion

Magnifique ! Effectivement, je suis dans cette salle et je suis vraiment très admiratif de ces murs qui sont très jolis. Qu’est-ce que vous nous réservez dans le futur ?

Philippe : Beaucoup de choses, on a beaucoup de projets ! Je ne sais pas si Pauline vous a parlé des grottes du Château de Ferrand. Le Château a été construit en 1701 par Elie de Bétoulaud, en honneur de Louis XIV. Il y a à côté du Château ces grottes qui sont ouvertes. Il y a une partie historique puisqu’on y retrouve Mlle de Scudéry, précieuse ridicule qui venait à la propriété ; lui-même Elie de Bétoulaud avait un surnom Damon. Cette partie historique pour nous est importante, elle recèle une histoire qui englobe la propriété. On parlait d’écrin tout à l’heure, si je peux résumer je dirais qu’on a le Château lui-même ; ensuite les pièces qui ont été dessinées, élaborées par Patrick Jouin qui sont uniques ; il y a également le terroir lui-même qui regorge énormément de richesse qui s’améliore chaque année ; on a le parc qui est classé avec ces arbres tricentenaires. Pour répondre à votre question, je dirai qu’avec Pauline et toute l’équipe de Château de Ferrand nous avons réalisé beaucoup de choses. Nous avançons vers l’excellence et c’est notre souhait : apporter une bouteille finale aux consommateurs, à l’amateur de vin et aux professionnels puissent revenir avec des étoiles qui sont le bénéfice de l’environnement du Château de Ferrand.

Pauline : Moi je parlerai de cœur joyeux parce que le vin est un instant de partage (doit être consommé avec modération) mais la dimension humaine est le partage en accord autour d’un verre de vin et qui dans un beau lieu est une expérience unique ; cela doit rester une expérience qui rend heureux.

Et c’est souvent le cas, je ne pourrais pas vous contredire là-dessus. Comment aujourd’hui le Château de Ferrand occupe une place considérable dans votre vie à tous les deux ? Y-a-t-il des moments où vous arrivez à parler d’autres choses entre vous que du Château de Ferrand, ou bien c’est difficile ?

Philippe : Nous avons une famille composée de trois enfants, c’est également l’éducation de nos enfants, qu’ils puissent mener à terme leurs études qui sont très différentes des uns des autres. Pouvoir transmettre à terme cette propriété, qu’elle reste ancrée dans les familles. Il y a l’autre région où on s’est peu exprimés, c’est la région champenoise ; nous avons la chance d’avoir gardé cette propriété de famille près d’Hautvillers le cœur du vignoble champenois. Nos enfants sont bercés avec la notion du travail, avoir faim. C’est important qu’aujourd’hui nos enfants puissent rayonner dans leur vie par eux-mêmes. On leur a donné tout ce bagage culturel de sens, un sens de devoir, de responsabilité et d’amusement. Il y a d’autres activités ; moi-même je suis passionné par le domaine des parfums et tout ce qui est olfactif ; j’essaie de parcourir les magazines, acheter des parfums, découvrir ce qui sort. Le groupe LVMH en produit énormément donc c’est fantastique de pouvoir profiter de ces grandes maisons de parfums. Nous aimons aussi beaucoup la montagne, aller marcher et se laisser porter par les paysages des montagnes soit en été soit en hiver et la nature nous gâte beaucoup aujourd’hui.

Vous n’avez jamais voulu créer votre propre parfum au Château de Ferrand ?

Philippe : Non, non, non ! Je laisse ça à ces grandes maisons ; ces jus qui sont exceptionnels ; le nez n’est pas donné à tout le monde. Je dirai qu’il faut rester à sa place et profiter si on a l’occasion de tirer profit de cette essence qu’on trouve à travers le parc du Château de Ferrand. C’est un milieu extrêmement favorable à la pensée et au bien-être !

Antoine : Entendu !

Pauline : A l’équilibre !

Philippe : L’équilibre du couple bien sûr, du ménage !

Antoine : Pauline vous vouliez ajouter quelque chose ?

Pauline : J’ai trois casquettes : une épouse, une mère ; je laisse mon mari et mes enfants argumenter sur cette question, et des fonctions professionnelles. J’ai eu la chance aussi d’être administrateur de l’entreprise familiale de société Bic depuis une quinzaine d’années. Ces dimensions de conseils et d’accompagnement d’actionnariat familial font partie aussi de ma vie.

Est-ce qu’à un moment donné vous vous êtes dit : c’est dur d’être ici au Château de Ferrand, c’était vraiment quelque chose de difficile ou un défi profond presque décourageant ? Est-ce que ça a été le cas un jour ?

Pauline : Oui ! Il y a eu une nuit où le gel a été présent ; ces nuits 2017 où vous savez que la nature sera toujours plus forte que vous et vous partagez l’inquiétude. Ce qui peut être l’angoisse pour un ignorant de voir sa récolte être annulée. Il y a eu des moments de doute aussi, ça en fait partie ; ce qui est intéressant c’est d’avoir la possibilité d’échanger avec l’équipe, notamment avec Gonzague de Lambert le Directeur Général de la propriété, avec le Responsable Technique, le Responsable de l’Hospitalité et autres… même le Responsable Comptable Administratif pour réfléchir à trouver les bonnes solutions. La vie est faite également d’épreuves et de difficultés ; c’est quand même merveilleux de savoir qu’en ce moment on a pu trouver ensemble des solutions qu’elles soient justes ou fausses, on peut se tromper. Mais c’est aussi d’avoir la satisfaction de sortir de ces moments de doute. C’est aussi une des dimensions de l’entrepreneuriat ; je pense que si on est aidé, on a une bonne étoile. Il faut avoir confiance dans la vie, dans cette aventure, dans les hommes et les femmes également ! Comme aurait dit mon père, parce que j’entendais cette phrase tous les matins lorsqu’il partait de la maison à 7h40 il disait : Avanti Savoia ce qui signifie « en avant ». Chaque fois, tu remettras ton métier sur l’ouvrage.

Philippe, est-ce que pour vous à un moment donné ça a été difficile pour vous ?

Philippe : Il est certain que Bordeaux, depuis 15 ans, les propriétés aujourd’hui marchent vers l’excellence et nous souhaitons aller avec ces propriétés parce qu’on forme un tout. Il y a une appellation, c’est vrai qu’il y a une appellation à travers Bordeaux mais c’est les vins de Bordeaux que nous portons à travers le monde ! J’ai été nommé Jurade de Saint-Emilion en 2012, faire partie de la Jurade de Saint-Emilion c’est un honneur de parler pas seulement du Château de Ferrand, mais aussi des vins de Saint-Emilion, des vins de l’appellation de Bordeaux. Comme toute personne humaine, nous avons des moments plus faciles que d’autres, des moments d’émerveillements, de tristesse ; mais la vie c’est un escalier qui se monte petit à petit. Ce que Pauline et moi avons voulu vraiment faire, comme on vous en a parlé, c’est qu’en 2005 nous connaissions très peu de choses sur Bordeaux, et nous avons voulu découvrir ce qu’était le monde Bordelais et le monde de la propriété viticole. Donc avec ma courte expérience de Moët-Chandon intéressante et fructueuse et s’attaquer aux vignobles, qui est le corps de notre métier avec ces belles grappes que nous vendangeons avec minutie, et s’attaquer ensuite à la beauté du Château. C’est de pouvoir présenter à nos amis, à nos amateurs de vins, à ces professionnels qui parcourent le monde entre l’Asie, les Etats-Unis, l’Australie. Il y a eu des moments de découragements mais aussi des moments d’émerveillements, de satisfactions, de joies. On a voulu transmettre cela à nos enfants donc ils feront partie de l’identité de Château de Ferrand donc de nos familles.

Salon et cheminée château de ferrand saint emilion


Pauline :
Pour compléter cette réponse, je dois ajouter quelque chose d’important c’est que dans ces moments d’émerveillements ou de doutes, ma famille et les actionnaires du Château de Ferrand ont apporté un soutien essentiel. Dans le cadre du développement de cette propriété, c’est un développement où le soutien est essentiel parce que vous savez, lorsque vous avez une propriété familiale et que vous avez des frères et sœurs, des nouvelles nièces ; vous avez une responsabilité, vous avez la responsabilité de porter le cartable. Les sœurs au cours du développement de la propriété ont une éthique, l’importance de l’éthique dans ce que vous faites, vous entreprenez, dans ce qui sort du produit, dans le vin qui est le fruit de la terre et qui est le travail des hommes qui est élaboré. Je pense que nous sommes la plus grande victoire que nous ayons atteint un maillon et que cette propriété restera dans notre famille.

Est-ce qu’il y a une question que vous auriez aimé que je vous pose et que je ne vous ai pas posé ?

Philippe : Je dirai que nous avons la chance d’être interviewés par vos soins, vous avez pu participer à la visite des chais, du vignoble, du Château et vous avez pu être logé, vous avez dégusté nos vins. Cette merveille doit pouvoir permettre aux auditeurs de venir découvrir notre site, nos vins et la merveille du Château de Ferrand.

Antoine : Je vous invite à venir au Château de Ferrand si vous écoutez ce podcast. J’espère que ça vous a donné une grande envie de le faire. Pauline et Philippe, si vous êtes dans les parages je serai ravi d’accueillir les auditeurs et d’échanger avec eux au passage. Les portes sont grandes ouvertes, n’hésitez pas à venir vous serez très bien accueillis ici. Il me reste trois questions à vous poser, des questions traditionnelles dans ce podcast. Donc je vais les poser à tous les deux et vous pouvez tous les deux répondre à chacune de ces questions.

La première question : est-ce que vous avez une dégustation coup de cœur récente ?

Pauline : J’ai beaucoup d’admiration et un coup de cœur pour les vins Haut-Bailly et notamment le Millésime 2005 et je resterai une fidèle ambassadrice du Sauternes un vin élégant, c’est une joie.

Philippe : Moi je reviens à ma tradition, c’est le Champagne, celui qui l’a élaboré : Dom Pérignon. Alors vous avez différents Millésimes mais ceux de 2006, 2004 sont des millésimes extrêmement bien vinifiés, ciselé, charmeurs et ouvrir une bouteille Dom Pérignon n’est pas l’objet d’une dégustation comme les autres. C’est la magie de ce moine cellérier qui habitait la ville d’Hautvillers ces centaines millions de bulles dans cette belle bouteille format exceptionnel a été élaboré à Moët-Chandon.

Auriez-vous un livre sur le vin à me recommander ?

Pauline : Oui, dans ces temps que nous vivons, j’ai eu l’occasion de lire en anglais le livre « Wine & wars » qui retrace ce qu’a été les vies des viticoles françaises lors de la seconde guerre mondiale malgré les temps difficiles. C’est un grand message d’espoir puisque la vigne est quelque chose, un des éléments qui traverse les temps et qui pour moi forge un véritable respect pour les générations qui nous ont précédées.

Acheter Wine & Wars

Qui devrait être la prochaine personne que je devrais interviewer dans ce podcast ?

Pauline : : Antoine, je vous recommanderais d’interviewer Angélique de Lencquesaing !

Antoine : : C’est déjà fait !

Pauline : : Elle a été un des piliers mais ça ne m’étonne pas parce que c’est une femme avant-gardiste et qui a une merveilleuse connaissance de nos vins et des vins.

Antoine : : J’ai passé un excellent moment avec Angélique à l’époque et on avait beaucoup échangé sur la place du digital dans le monde du vin, le fonctionnement des ventes. Sachant qu’Idealwine a été créée 2000 ou 2001; ça n’a pas dû être une expérience facile.

Pauline : : Je n’ai pas bien fait mon travail de préparation jusqu’au bout et nous sommes restées très humbles aussi. A nouveau avez-vous eu l’occasion d’interroger Véronique Sanders ? C’est une grande dame du vin et qui mène ses propriétés avec immensément de talents. Je vous recommanderais bien volontiers de l’interviewer.

Antoine : C’est noté ! On fera tout notre possible pour faire sa rencontre dans les semaines et mois qui viennent. Ce sera avec un grand plaisir qu’on ira chez Haut-Bailly pour admirer leur travail. Merci beaucoup Pauline et Philippe pour le temps que vous m’avez accordé ce matin, pour votre accueil ici au Château de Ferrand et de manière général pour cette interview. J’ai pris beaucoup de plaisir à échanger avec vous et à réaliser ce podcast ici.

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