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Hors Série #1 – Les bières l’Instant

Pour la première fois de notre histoire, je vous propose un épisode hors série sur la bière. Nous partons donc à la rencontre de Cédric des bières l’Instant. Il revient sur le paysage de la bière en France et dans le monde, sur les raisons qui l’ont poussé, avec ses deux associés, à créer la brasserie et sur les développement à venir.

Les bières l’instant sont d’ailleurs en pleine campagne de crowdfunding pour se développer avec de nouvelles cuves. Vous pouvez donc les aider grandement (et recevoir de belles contreparties) en suivant ce lien.

Si ce genre de nouveaux épisodes vous plait, dites le moi en commentaire et je serai ravi de vous en présenter de nouveaux. D’ici là, bonne écoute.

Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Je m’appelle Cédric Brotier. Je suis à la tête, avec deux compères, de la brasserie l’Instant : une brasserie craft située en Ile-de-France. On a déménagé récemment à Pontault-Combault. On fait un travail brassicole sur le style de nos bières, on fait voyager le consommateur de bières. Ainsi, on s’adresse à deux types de publics : le connaisseur qui cherche une bière de qualité et l’amateur qui veut voyager et découvrir que la bière dépasse de loin la dénomination par la couleur.

Est-ce que tu peux nous en dire plus sur l’idée de créer l’Instant ?

On s’est créé officiellement en 2016 mais la production a vraiment commencé début 2017. Chez nous, il y avait une vraie quête de sens professionnel avec ce projet. On était trop colocataires à Sciences Po Dijon qui est un cycle qui dépend de Sciences Po Paris. On a rejoint Paris en Master. Après toutes ces études, j’ai atterri dans un job qui ne m’épanouissait pas d’un point de vue professionnel même si certains pouvaient le considérer comme enviable. Un de mes autres amis, Benoit Fleuret, voguait de job dans la musique à job dans la musique. Il était dans une agence de communication : c’était donc très immatériel. La bière est venue nous montrer qu’on pouvait travailler et s’épanouir au travail. Il y avait une lassitude dans notre parcours professionnel et la bière s’est inscrite comme ça. La rencontre de la passion et de la volonté de faire autre chose a donné l’Instant. L’idée est venue après une dégustation bières et fromages.

Comment se passent les premiers jours de l’Instant ?

Le paysage de la formation brassicole en France est un peu désoeuvré même s’il y a des gens qui essayent de le faire renaitre. La porte d’entrée naturelle pour beaucoup de gens est d’acheter un kit de brassage dans lequel il y a la recette et les ingrédients. Ça aurait été l’approche facile mais à l’époque où on s’est lancé c’était beaucoup moins accessible. On a alors lu un livre sur comment brasser sa bière en amateur et on a acheté le minimum de matériel qui nous paraissait nécessaire pour brasser nous même notre bière.

Le premier jour est apocalyptique. C’était chez Benoit, dans la cuisine de son appart dans le 15e arrondissement. C’était n’importe quoi mais plus on fait d’erreurs en commençant, moins on en fait plus tard. On était vraiment amateur à ce moment là, on n’avait pas du tout l’intention de vendre notre production. Cette première bière était à peu près buvable. Ça nous a donné envie d’en faire d’autres parce qu’on adore le processus de création d’une bière. On n’a plus jamais lâché ça.

Est-ce que tu peux nous dire un mot sur le paysage de la bière en France ?

C’est un marché assez complexe à appréhender. Il y a les bières que tout le monde connait qui sont les bières industrielles que tout le monde connait qu’on achète en supermarché. C’est très concentré dans de grandes entreprises qui sont les majors de la bière. C’est un produit très standardisé.

Ensuite, il y a deux types de bières artisanales. D’une part on trouve la bière artisanale traditionnelle avec des recettes classiques sans chercher l’innovation dans les recettes mais en travaillant le coté proximité. Enfin, il y a la part de marché qui est en grosse explosion et à laquelle l’Instant appartient. C’est le craft avec ce côté artisanal et en même temps en allant travailler des styles qui ne sont pas forcément connu du grand public. On y trouve des IPA, des Stout, des Berliner Weisse. Ce sont énormément de styles que le grand public ne connait pas encore beaucoup. La majorité des acteurs de ce marché a une croissance annuelle entre deux et trois chiffres.

Ce développement du marché de la bière a commencé plus tôt dans d’autres pays que la France. La France a le grand problème mais aussi le gros avantage d’avoir un secteur du vin très fort et très valorisé. Ça nous donne l’avantage d’avoir l’habitude de déguster, de s’interroger sur ce qu’on boit, d’essayer de marier le produit avec un plat. Ensuite ça freine un peu l’attrait pour d’autres produits de dégustation comme la bière. On pourrait voir les deux sur le même plan. Les Etats Unis ont connu une explosion de la scène craft depuis les années 1980 en renouvelant des vieux styles de bières.

La notion de terroir est importante dans la bière ?

Le terroir est une notion essentielle dans le vin car on travaille à partir d’une seule et unique matière première : le raisin. Pour la bière, on travaille sur quatre ingrédients différents : l’eau, le malt, la levure et le houblon. La notion de terroir dans la bière est importante pour chacun de ces éléments. En fonction de là où on se situe et où on se fournit, on n’aura pas la même eau, ni le même houblon.

Quand on achète une bouteille de vin, on sait de quel domaine viticole elle est issue et on peut connaitre l’origine précise du vin. Pour la bière, il y a à la fois les producteurs de matières premières puis le brasseur. Il y a un élément de plus dans la chaine donc on a une approche du terroir qui est différente car le brasseur est plus en aval dans la chaine de valeur.

Ce n’est pas obligatoire pour les gros industriels, mais nous on indique toujours là où c’est produit et dans quelle cuve. Sur l’origine des matières premières : on peut l’indiquer mais c’est parfois un peu compliqué. On peut indiquer une région mais il est souvent difficile d’aller plus loin sur l’étiquette.

Comment est-ce que je dois déguster une bière ? Dans le vin il y a un rituel sur comment boire le vin, est-ce qu’il y a un rituel similaire pour la bière ?

On va appliquer précisément le même rituel que pour le vin. On fait appel exactement aux mêmes sens que pour une dégustation de vin. Il faut donc un verre adapté, on va faire appel à la vue, on va naturellement faire marcher l’odorat, etc. On est exactement sur le même processus. La seul différence pour la bière est qu’on ne va pas recracher (alors qu’on peut recracher le vin pendant une dégustation). Il y a un élément qui est important dans la bière c’est l’amertume et pour cela on a besoin d’avaler. C’est assez important dans beaucoup de styles de bière.

Où est-ce que je dois acheter ma bière ?

Je recommande privilégier des gens passionnés. En général ce sont des indépendants. Il y a des caves à bières qui font une sélection pointue de ce qu’ils proposent et qui pourront vous orienter et vous guider. On peut aussi aller dans des bars multi-tap avec plusieurs bières branchées en pression au quotidien et qui permettent de vraiment déguster et découvrir la bière sous tous ses aspects. Dans ces bars là on peut souvent demander une dégustation au galopin pour déguster plusieurs bières. Vous pouvez aller voir sur notre site internet avec tous les points de ventes avec lesquels on travaille et ils sont tous passionnés. Si je peux citer quelques noms parisiens, je dirai le Pai Pai par exemple près de Bastille est un endroit très chouette, Bierocratie dans le 13e en termes de cave.

Est-ce qu’on peut faire vieillir une bière ? Comme faire vieillir une bouteille dans une cave à vin ?

Oui c’est possible mais ce n’est pas toujours recommandé. La majorité des styles ne vieillissent pas correctement. Le houblon donne un gout qui s’efface avec l’âge. Ainsi, plus on les boit proche du moment de production, mieux c’est. En revanche, il y a des styles qui se gardent, en général ceux avec le niveau d’alcool le plus important. On peut penser à certains styles traditionnels belges avec des triples ou des quadruples avec un potentiel de vieillissement qui peut être intéressant. Il y a d’autres styles de bières avec des Lambic et Gueuze notamment d’une brasserie bien connue des amateurs qui s’appelle Cantillon sur lesquelles on peut travailler le vieillissement.

Donc oui c’est possible mais si vous achetez une bière lambda autour de chez vous, il y a peu de chances qu’elle s’améliore avec le temps.

Est-ce que tu peux nous donner quelques clés pour réaliser des accords mets et bières ?

C’est encore assez similaire au vin puisqu’on fait appel aux mêmes sens et aux mêmes compétences. On peut toujours faire des accords ton sur ton ou en opposition. Par exemple, avec un poisson assez frais et des petits légumes, on peut se diriger vers un style assez sec et quelques notes d’agrumes. Chez l’Instant quand on fait un gravlax de saumon, on l’accompagne toujours de notre Hoppy Saison.

Avec une bière noire bien dense, on peut manger un dessert : c’est l’accord ton sur ton. Par exemple, un moelleux au chocolat et une imperial stout qui sent bien le chocolat et le café.

fromages bieres - l'instant

On peut aussi chercher des choses qui tranchent. La hoppy saison que je mariais avec le saumon, on peut aussi la passer sur une raclette pour éviter de se sentir trop lourd. C’est un choix de sommelier, de biérologue. Je suis avant tout brasseur et j’aime beaucoup travailler avec des personnes qui connaissent bien ces sujets là mais ce qui est sur c’est que le terrain de jeu est énorme.

Est-ce qu’il y a des classements dans la bière ?

Il n’y a pas vraiment d’appellations car on est en aval de la chaine de valeur. L’origine ne peut pas être un critère de l’appellation. En revanche, il y a de nombreux concours dans la bière, plus ou moins sérieux donc il faut faire attention. En France, il y a le France Bière challenge ou encore le concours du musée français de la brasserie.

Dans ces concours, on classe les bières par style. Ce qui compte c’est de savoir si la bière correspond au style attendu. Un consommateur qui ouvre une IPA s’attend à un certain nombre de choses. Il y a un répertoire des styles de bière : le BJCP. Il liste pour chaque style ce à quoi la bière devrait ressembler. C’est là dessus que se construisent les références de bière.

Est-ce que tu peux nous dire un mot sur votre gamme de bières ?

On a un espace de créativité infinie puisqu’on produit des recettes. On a une gamme permanente avec un beau panel de saveurs :

  • La hoppy saison : une bière assez légère qui se boit très bien en terrasse l’été ;
  • Une bière qui rappelle le terroir alsacien avec du houblon qui pousse en Alsace ;
  • Une IPA dont on est très fiers très fruitée et très aromatique ;
  • Une triple au seigle pour tous les amateurs qui sont venus à la bière par le bière belge ;
  • Une Hefeweizen : une bière de blé (c’est-à-dire une blanche) assez douce et facile à boire.
  • Une bière noire : en hiver souvent une imperial milk stout.

hoppy saison apero bières l'instant

Ensuite on a une série de bières éphémères avec les World of Hops. On fait des bières dans lesquels on laisse des terroirs de houblon s’exprimer. La dernière qu’on a faite est conçue avec des houblons sud africains.

En quelques mots, vous êtes quatre en ce moment ?

Oui, on est trois associés fondateurs : deux opérationnels à plein temps et un qui a gardé son job à plein temps. On a recruté un salarié qui s’occupe de la commercialisation.

Notre production évolue d’année en année. La première année c’était ridicule, on avait fait 38 hectolitres pour tester le marché. L’objectif de cette année est de 1000 hectolitres.

Pour permettre d’atteindre cette capacité de production, on mène une campagne de crowdfunding qui vous permettra de poser vos cuves.

Un crowdfunding pour permettre à l’Instant de se développer

Pour permettre le développement de la brasserie, on a besoin d’acheter notre équipement de brassage. Le soutien de tout le monde est donc précieux pour assurer le financement de ce projet. On fait une campagne avec des contributions de 10€ à 3000€ et des contreparties très sympathiques comme des bières, des goodies mais aussi des bières à vie, des réductions à vie, la possibilité de faire un brassin personnalisé, des invitations à des soirées de dégustation, etc.

Rejoindre le crowdfunding

Est-ce que tu as un livre à me conseiller sur la bière ?

Bien sûr. C’est un petit pavé qui peut se consulter en fonction des sujets qu’on a envie de regarder. Je vous invite donc à lire les saveurs gastronomiques de la bière.

Acheter les saveurs gastronomiques de la bière

Vous pouvez aussi suivre les publications de Guirec Aubert et d’Elisabeth Pierre qui sont généralement d’une très grande qualité.

Quelle est ta dernière dégustation coup de coeur ?

Quand on est brasseur on déguste énormément de choses. C’est difficile d’en trouver qui surnage. La dernière qui me vient en tête vient d’une brasserie amie. C’est une des meilleurs brasseries de France, qui s’appelle Hoppy Road. C’était un Pastry Gose. C’est un style de bière allemand qu’ils ont retravaillé et c’était une tuerie.

Qui est-ce que tu me recommandes d’interviewer pour les prochains épisodes ?

Il y beaucoup de gens de qualité mais je te recommande Adrien Lorieux qui est un des deux gérants du PaiPai. En plus de bien connaitre la bière, il connait très bien le vin et sa passion est d’essayer de créer des ponts entre les deux. C’est grâce à lui qu’on a fait vieillir des bières dans des barriques de chardonnay.

Suivre les bières l’Instant :

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