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Rencontre avec Bernard Neveu, directeur de la sommellerie du Bristol Paris

Pour bien commencer l’année, nous vous proposons de partie à la rencontre de Bernard Neveu, chef de la sommellerie du Bristol à Paris. Vin sur Vin pousse les portes de la cave du Bristol. Nous le remercions bien sûr, ainsi que l’équipe du Bristol pour leur ouverture et nous espérons que cet épisode vous plaira autant que nous avons apprécié l’enregistrer.

Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter ?

Je suis Bernard Neveu, chef de la sommellerie du Bristol Paris. Le Bristol Paris est un palace historique de la place parisienne. J’ai 38 ans, nous sommes une équipe de 12 sommeliers et 2 économes cavistes. Parmi les sommeliers on trouve également 2 apprentis. Le restaurant l’Épicure est le fleuron, le navire amiral de l’hôtel. C’est un restaurant avec 3 étoiles Michelin (depuis 10 ans), 20 ans de présence du chef Frechon à la barre. Nous avons un autre restaurant dans l’hôtel : le 114 faubourg avec une étoile Michelin. Ce restaurant a aussi son équipe de sommeliers : 3 sommeliers et un apprenti.

Comment est venu votre passion du vin ?

Elle est venu tardivement. Mon papa était dans le domaine de la restauration : il était cuisinier. Je savais que je ne ferai pas ce métier. J’aime manger et gouter mais je ne suis pas un bon metteur en scène pour les aliments. Toutefois, je connaissais ce milieu qui est toujours un peu en ébullition. Le contact avec la clientèle, jouer le rôle de messager, ça m’a toujours plu et je m’en suis rendu compte assez jeune. J’ai donc suivi une formation en service et ai eu la chance de rencontrer de bons professeurs. Ils ont pu éduquer mon gout, n’étant pas issu d’une famille qui boit du vin. Je me suis rendu compte que faisais du vin à partir de raisins assez tard et je me suis alors plongé dans les livres. Tous les trois mois je relisais les mêmes livres sur le vin car je m’en imprégnez. Je me suis rendu compte de la complexité autour de ça.

Ce que je trouve incroyable c’est qu’il faut recommencer pour chaque millésime. Chaque millésime, on fait presque table rase. Alors, bien sûr, il y a des choses qui ne changent pas, des méthodes, mais il y a toujours des nouveautés. Les aléas climatiques impliquent une grande complexité. Ce parcours avec mes professeurs a été une étincelle. Aujourd’hui je suis toujours dans une salle à manger de restaurant pour proposer de belles bouteilles à nos clients.

Revenons sur votre formation

Je me suis orienté vers 17 / 18 ans et je suis vraiment tombé à la renverse. Je suis tombé dans les livres, je me balade chez les cavistes, j’apprends à lire une étiquette et je m’imprègne vraiment de tout ça. Je fais une mention complémentaire en sommellerie. Je finis cette formation en 2003, je sais très bien que je ne suis pas sommelier mais tout commence. Je n’ai pas la bouée de sauvetage. Je dois conseiller le client sans parachute et c’est là où il faut redoubler de travail. La première des motivations, c’est de donner satisfaction au client. Bien sûr, je souhaite expliquer et faire découvrir mais satisfaire le client c’est le plus important.

Comment ça se passe cette sortie d’école ?

Je suis sorti avec une mention sommellerie c’est donc ce que je souhaitais faire directement. J’ai toute suite rejoins un poste de jeune sommelier. Je voulais que le vin soit mon métier.

Le premier service, ça se prépare. Il faut avoir bosser la carte des vins et la carte des mets. On ne peut pas ne pas connaitre les cartes pour bien conseiller le client. Le premier soir on tâtonne un peu, on n’a pas forcément tout gouté. Ensuite, on impose gentillement sa marque et son style. Quand on est sommelier, il faut connaitre la cave, les vins et s’approprier tout ça. Il n’y a qu’une seule vérité : elle est dans le verre. Il n’y a que après avoir débouché une bouteille et gouté qu’on ne peut en parler.

Je me souviens qu’en étant apprenti, j’avais fait l’olympiade des métiers. À la finale nationale, il y avait trois bouteilles de vin du même millésime : un bourgogne village rouge, un Vosne Romanée et un Échézeaux. C’était le même propriétaire et le même millésime. Il fallait pouvoir en discuter et ça m’a mis en difficulté car même si je savais ce que c’était, je n’avais pas gouté.

Comment se fait l’arrivée au Bristol ?

Le Bristol est au sein de la Oetker collection : une collection d’hôtels en France et quelques uns à l’étranger. Je connaissais bien la structure car j’ai travaillé au Château Saint Marin et Spa. On m’a appelé pour devenir chef sommelier du restaurant 3 étoiles. Je savais évidemment que l’hôtel a vocation a être numéro 1. On a tous envie d’être le meilleur sinon on ne fait pas ce métier. Je me suis donc dit que c’était une très belle opportunité. Je passe les différentes étapes du recrutement et je commence en février 2015.

Vous arrivez il y a cinq ans au restaurant, vous vous occupez maintenant de tout l’hôtel

Ce changement s’est fait assez vite car mon prédécesseur est parti en arrêt maladie. Il faut savoir nager car on est dans les grandes eaux ici. Si je n’avais pas eu le parcours que j’ai eu précédemment, je n’y serai pas arrivé. Je n’ai pas fait que du restaurant 3 étoiles, j’ai fais beaucoup de structures différentes. J’étais donc un couteau suisse. C’est ce qui est important dans un restaurant comme celui ci.

Les premiers jours ici ressemblent-t-ils aux premiers jours que vous avez décrit précédemment ?

Oui, c’est ça mais version triple XL. Tout va beaucoup plus vite. Les collaborateurs sont très précis et très forts. Il faut être un bon nageur. C’est une très très belle structure. C’est un magnifique restaurant où tout va très vite. C’est comme un circuit de formule 1 où on est complet midi et soir 7 jours sur 7 toute l’année. On est pieds au planché toute l’année. On a donc besoin d’être tout de suite dans le bon wagon. Évidemment, si vous raté le premier wagon, le deuxième ne va pas aussi vite et il faudra travailler deux fois plus fort.

Parlons un petit chiffres, ça fait combien de couverts ?

On est quasiment à 100 000 bouteilles en cave, ce qui commence à être assez conséquent. On a 40 000 bouteilles en stockage à l’extérieur de Paris chez un prestataire. On fait tous nos suivis d’allocations et de millésimes et on élabore la cave avec mes collaborateurs. On a une liberté totale qui nous ait offerte par la direction de la restauration et par notre compagnie propriétaire. 60 000 bouteilles sont dans les caves du Bristol. Cela nous permet d’avoir une sélection avec environ 2500 références à la carte des vins, disponibles pour les clients. Ce qui fait un peu de lecture.

C’est important d’avoir du choix sur l’ensemble des régions. Il y a des régions fortes : la Champagne, la Bourgogne, le Bordelais, la Vallée du Rhône. On a musclé d’autres régions : l’Alsace, qui fait de grands vins blancs, le Jura, la Savoie, pour lesquels on a étoffé la carte, et les vins étrangers qui se développent beaucoup sur la carte. On a augmenté de 50% la part des vins étrangers. C’est important de donner du choix aux clients. Et pour nous c’est important d’avoir la meilleure carte des vins : c’est pour ça qu’on se lève le matin.

Cette carte a été récompensée en 2016 avec le Grand Award du Wine Spectator. C’est une belle récompense car peu de restaurants en France l’ont. C’est un véritable suivi du magazine américain qui décerne ce prix. Il n’est pas décerné facilement. Une personne du magazine a demandé à voir notre cave et les bouteilles après avoir reçu notre carte. On envoie précédemment notre carte des vins et cette personne a demandé à voir certaines bouteilles. Tous les ans, à la même époque on envoie la carte des vins.

Vous avez fait évoluer la cave, est-ce que vous avez constaté une évolution du profil des consommateurs ?

Il y a une chose énorme, c’est les champagnes de vignerons. On a 400 références sur notre carte de champagne. On a bien sûr des grands classiques mais aussi de nombreux champagnes de vignerons. Si je ne proposais que des champagnes convenus, on serait en retard. La champagne explose en termes de vignerons. Il y a de multiples familles qui revendaient les raisins à des grandes maisons mais la génération actuelle récupère les fermages ou récupèrent complètement leurs vignes et décide de faire du champagne. C’est un peu la Bourgogne des années 1970 – 1980. Ça nous permet de faire découvrir ces champagnes à des clients.

On parle beaucoup de vins bios et des vins natures, est-ce que vous le constatez ?

Je n’ai rien contre le vin nature, ni contre le vin comme on peut le faire par ailleurs. Ce qui m’importe le plus c’est la satisfaction du client. Pour ça, je veux des vins propres et bien travaillés. Ça c’est le plus important. Il y a d’ailleurs beaucoup de vignerons qui pratiquent toutes les spécifications du bio mais qui n’ont pas le label. À ce titre, le domaine le plus connu au monde est celui de la Romanée-Conti. Tant que le vin se tient je n’ai aucun problème. Si le vin part en toupie, je fais prendre un risque à mon employeur, je donne une mauvaise image de la sommellerie et le client en pâti.

Vous avez une équipe de 14 personnes et vous avez souvent parlé des apprentis dans l’interview. C’est important pour vous ?

Oui, c’est très important. J’en prends souvent. J’essaye de prendre des brevets professionnels. Je trouve que c’est une excellente formation dans laquelle les étudiants partent dans les vignobles. Le Bristol est un formidable lieu d’apprentissage dans lequel rester deux ans en apprentissage est un lieu de développement incroyable. Il faut deux ans pour que les apprentis sortent du Bristol très costauds. C’est très important qu’il y ait cette transmission.

Est-ce que vous continuer de faire entrer de nouvelles références ?

Oui, c’est presque une pathologie. La seule chose qu’on doit faire c’est d’avoir la meilleure cave et la meilleure carte des vins. Pas forcément à n’importe quel prix mais il y a toujours de nouveaux domaines qu’on fait entrer. On sollicite les vignerons, on goute de manière collégiale. À la fin je suis garant du choix et si je suis convaincu on fonce avec grand plaisir. On se déplace beaucoup dans les vignobles, environ une fois par mois. On suit à la fois des domaines qu’on connait bien et on essaye de toujours découvrir et de se maintenir au fait.

Qu’est-ce qui vous reste à faire avec tout ça ?

Continuer. J’ai encore le temps et je suis en forme. Ce qui est fantastique c’est qu’un sommelier ne peut pas être saisonnier. Il a besoin de rester au moins 2 ans ou 3 ans pour analyser la courbe de vie d’une bouteille. Une bouteille évolue et ne sera pas la même en fonction du moment où vous la goutez. Suivre l’évolution des bouteilles est très enrichissant. J’ai deux adjoints et il y a une grande partie des vins qu’on a acheté quand on est arrivé et qu’on commence à mettre sur la carte.

Est-ce que vous avez une anecdote sur un service ?

J’en ai tellement que je ne vais pas arriver à en trouver une. Il y en a toujours. On a toujours des surprises. Parfois, en ouvrant une bouteille on pourrait jurer que le niveau est très bas ou que le bouchon est en mauvais état. Au final le vin est fantastique. La moralité c’est que le vérité est dans le verre.

On a créé un caveau qui est attenant à la grande cave du Bristol. C’est un espace qu’on a voulu très intimiste pour permettre de déguster un verre de vin.

Qu’est-ce que c’est votre quotidien ?

J’arrive le matin vers 10h00, 10h30. Je passe au restaurant voir le sommelier d’ouverture voir si tout s’est bien passé et si les bonnes références sont bien là. Je vais chercher mon courrier et je l’ouvre. Je suis une petite heure sur l’ordinateur pour suivre les commandes, les allocations, suivre la logistique. Je vois aussi la livraison du jour. Ensuite il y a le service du midi. Puis on fait le suivi de la carte : les nouvelles arrivées et les dernières références parties. Tout ça est très collectif, j’ai vraiment voulu ouvrir les choses. Quand je suis arrivé, j’ai récupéré un bureau avec un ordinateur. Maintenant on a toujours le même bureau mais avec trois postes de travail. J’ai ouvert les choses pour que ce soit plus collaboratif. Tous les sommeliers ont accès à la cave : ce n’est pas la mienne, c’est celle du Bristol. C’est extrêmement important d’avoir ce coté collaboratif : ce ne sont pas des tire bouchon.« 

Avez vous un livre à recommander sur le vin ?

Il est sorti il n’y a pas très longtemps, c’est un excellent bouquin de Philippe Bourguignon : sommelier à mots choisis. C’est un excellent livre, il est très bien écrit, rempli de belles anecdotes. J’ai beaucoup de plaisir à le lire et il fait partie des jolis livres de sommelier.

Quel est votre dernier coup de coeur en vin ?

Je connais le domaine de réputation mais je n’avais que trop peu gouté. C’était hier soir : un de mes anciens apprenti est à Londres. Il est venu faire les fêtes de fin d’année en France. Il est passé par ici. On s’est donc rendu dans un restaurant connu non loin des Champs Elysées. On a bu une bouteille de Jérôme Bressy : domaine Gourt de Mautens blanc. J’avais gouté le rouge il y a quelques mois que j’avais trouvé fantastique. Celui ci fait partie des derniers coups de coeur.

Si vous aviez une personne à me recommander dans ce podcast ?

Un ancien sommelier : Jean-Luc Lavatine. C’est un ancien sommelier qui s’est reconverti comme commercial dans une grande société de distribution de vins bordelais. Depuis maintenant un an, cette société a racheté une société de distribution de vins de Loire. Il fait partie des personnes qui ont une véritable sensibilité, qui a un passé de sommelier et qui sait de quoi il parle.

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