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#58 – Laurence Danel – Domaine Jean Féry & Fils

Pour le 58e épisode du Wine Makers Show, votre podcast sur le vin, je suis parti à la rencontre de Laurence Danel au domaine Jean Féry & Fils. Le moins qu’on puisse dire, c’est que qu’on y a passé un super moment et on était ravi de faire cette rencontre et cette découverte. Laurence nous a accordé du temps et nous a permis de vraiment comprendre les dessous de son travail. Continuons donc notre découverte du vin en Bourgogne ensemble.

Antoine : Bonjour Laurence.

Laurence : Bonjour.

Antoine : Merci beaucoup de nous accueillir ici, domaine Jean Féry & Fils. On est arrivés avec un tout petit peu de retard. C’était un peu difficile de partir de Beaune ce matin mais on est très bien accueillis, donc tout va bien.

Laurence : Je vous remercie.

On va parler évidemment de plein de choses : de ton parcours, de ce que tu fais ici, des vins qui sont faits ici, de la propriété et j’espère de plein d’autres choses mais avant est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Laurence : Oui, tout à fait, merci. Laurence Danel, je suis l’œnologue du domaine et je suis arrivée en 2017, en juin. Je suis œnologue de formation. J’ai passé le diplôme à Montpellier en 2003, donc c’était l’année de ma promotion.

Avant d’arriver à ma formation de DNO à Montpellier en 2003, je suis originaire du Pas-de-Calais et j’ai fait des études scientifiques à Lille en bio chimie.

Au gré de passages récurrents en Bourgogne pendant les vendanges, ça a commencé à partir des années 90, j’ai eu la chance de  rencontrer des superbes personnes qui travaillaient à l’époque chez  Antonin Rodet, œnologue très réputée, très connue Nadine Gublin qui aujourd’hui continue toujours mais avec le domaine Jacques Prieur qui a d’autres domaines à son actif.

C’est elle qui m’a un peu lancée dans les routes de l’œnologie, dans le métier d’œnologue avec aussi quelqu’un de très proche, Robert Vernizeau. C’est toute l’équipe, un noyau dur qui travaillait chez Antonin Rodet et que j’ai découvert en faisant les vendanges, tout simplement. C’était génial.

J’ai découvert le Domaine des Perdrix qui venait tout juste d’être acquis, Domaine de Villard et j’ai commencé à découvrir l’univers du vin dans une cuverie toute en intimité, une petite cuverie. Les personnes qui étaient à la vigne pouvaient autant travailler en cave que travailler en vigne. Ça a commencé comme ça.

Au bout de quelques années je me suis lancée à étudier l’œnologie, à partir, à être acceptée à l’école d’œnologie de Montpellier et puis voilà c’est parti.

Beaucoup plus de soleil que dans le Pas-de-Calais. Je peux témoigner, je suis aussi originaire de Lille.

Laurence : C’est sûr que c’était une belle destination pour étudier l’œnologie. C’est une superbe école aussi. C’est la faculté de pharmacie de Montpellier. Il y a un centre œnologique qui est là-bas. On était une belle promotion. C’est toujours d’actualité, il y a toujours des promotions d’à peu près 50 à 60 personnes avec beaucoup d’étrangers qui viennent étudier avec nous. Un peu de tous les horizons du monde : Chinois, Canadiens, Grecs. C’est une belle hétérogénéité, une belle mixité, une belle découverte pleine de cultures qui se retrouvent autour du vin et de la vigne.

On va revenir quand même au DNO  parce que c’est intéressant de creuser cette partie-là des études, mais raconte-moi cet univers des vendanges que tu faisais un peu comme un job d’étudiant ?

Laurence : C’est ça.

Comment est-ce que tu as eu l’idée de faire ça parce que en soi, des jobs d’étudiants il en existe plein, alors les vendanges c’est connu et c’est top. Pourquoi est-ce que tu as eu envie de faire ça et surtout, de ce que je comprends, comment tu les as faites, plusieurs années d’affilée ?

Laurence : Oui.

Qu’est-ce qui t’a donné toujours l’envie de revenir à ça ?

Laurence : Et bien c’était l’ambiance qui se créait au sein du domaine et au sein des personnes qui nous accueillaient pour aller récolter le raisin. Après, en tant que job d’étudiant, dans le nord, on parle beaucoup de ces travaux saisonniers, de vendanges. C’était un moyen d’aller, de rentrer à l’université de faire quinze jours de vendange. Ça faisait un revenu qui était plutôt sympathique et on avait aussi l’esprit très festif qui tournait autour et qui était pas mal d’actualité, qui l’est toujours un peu.

De découvertes aussi, avec d’autres jeunes. Et un travail à l’extérieur, quand il fait beau, c’est plutôt agréable, des journées très ensoleillées, on coupe le raisin sans trop de soucier d’autres choses. On coupe le raisin, on met à part sa contribution de bien faire le travail. Et puis après, petit à petit en revenant, en creusant un petit peu plus, on voit l’univers du domaine.

Quand le raisin rentre, en fin de journée, on peut aller voir un petit peu comment ça se passe. Et quand on est dans une belle équipe, où tout le monde s’entend bien, où on voit qu’il y a un travail, il y a une bonne humeur en fait.

Quand on rentre du raisin, c’est un peu comme quand on rentre les moissons, c’est le travail de toute une année. En général, on est plutôt contents de voir du raisin arriver. Voilà, le fruit arrive enfin à destination. Et une fois que c’est rentré tout le monde est soulagé et enthousiaste que ça se passe bien.

C’est venu un peu comme ça aussi. J’ai eu la chance aussi de rencontrer des personnes sympathiques et qui donnent envie de travailler et envie de faire des belles choses aussi.

La journée tu ramasses le raisin, tu vendanges et le soir tu passes dans les cuves, tu regardes ce qu’il se passe. C’est un peu là où tu as cette initiation. Tu connaissais un peu le vin aussi, tu le connaissais avant ?

Laurence : Oui, un petit peu. Mes parents ont toujours aimé avoir une cave, après c’est plus la culture du Bordeaux dans le Pas-de-Calais. Ils étaient quand même un peu initiés au Bordeaux, au Bourgogne, pardon. J’ai de la famille qui habite dans l’Yonne. On tutoyait un peu le Bourgogne quand même.

Antoine : Ok. Ce n’est pas très loin.

Laurence : Donc il y a eu ces vendanges. La journée effectivement on commençait, je coupais du raisin et petit à petit, avec les personnes qui nous encadraient, ils nous proposaient de venir trier le raisin.

Après, au fur et à mesure des vendanges, les années après, c’était plus le travail de rester en cuverie que faire du tri de raisin. On avait une équipe qui était toujours un peu la même pendant quelques années. Après moi j’ai arrêté de le faire, mais c’était de rester à trier le raisin.

On était fier d’avoir cette exigence de faire du beau raisin et puis ils nous montraient après en cuve comment, puisqu’on est tous ensemble en fait. Les tables de tri sont juste à côté des cuves donc on voit ce qui est récolté, ce que l’on met dans la cuve après. Il y avait déjà cet engagement dans la qualité qui nous était inculquée.

Est-ce qu’à un moment donné tu as eu un déclic en te disant : « Je veux travailler dans le vin », ou est-ce que ça s’est fait petit à petit et que tu as eu cette opportunité de candidater pour le DNO et où tu t’es dit : « Pourquoi pas ? ». Comment ça s’est passé ce moment-là ? Parce que c’est quand même un croisement de voies, tu avais le choix de le faire ou pas, qu’est-ce qui a fait que tu as voulu le faire ?

Laurence : Oui, c’est venu petit à petit en fait. Je ne peux pas dire qu’une année, après avoir fait les vendanges je me suis dit : « Tiens, je veux devenir œnologue ». Non, je suis revenue plusieurs fois au même endroit.

En discutant et en voyant aussi d’autres travaux, en visitant d’autres domaines aussi, proches de mes collègues, proches des personnes qui nous encadraient et en voyant d’autres structures j’ai appris, j’ai vu le métier d’œnologue avec beaucoup d’ouverture et d’opportunités dans ce travail d’œnologue, dans ce travail du vin et de la vigne.

Donc là c’était parti, direction le DNO, le soleil, on en a parlé. Tu fais deux ans là-bas ?

Laurence : Deux ans, oui. À l’époque c’était deux ans. Après c’est devenu un Bac+5 quelques années après mais voilà c’est une formation bien aboutie avec beaucoup d’études, beaucoup de chimie du vin, de biologie de la vigne.

Mais c’est très enrichissant, effectivement. Il faut passer par là pour ensuite bien appréhender le travail du vin, l’élevage et de la vigne parce qu’il faut que l’on s’oriente, que l’on regarde ce qu’il se passe dans la vigne pour ensuite comprendre ce qui arrive dans les caisses, pour comprendre le raisin.

Sur ces deux ans, deux ans à l’école, qu’est-ce qu’il se passe pour toi après ?

Laurence : Pendant ces deux ans, il y a deux stages assez conséquents que l’on réalise dans des domaines. J’en ai réalisé par forcément en Bourgogne, bien au contraire. Ce qui est bien aussi c’est d’aller voir d’autres régions. Je suis restée dans le sud.

Il y a aussi un autre travail dans le sud, avec d’autres raisins, d’autres variétés de cépages qu’on travaille, qu’on découvre, d’autres équipements. Tout ça fait qu’on s’ouvre l’esprit à d’autres façons de faire qu’en Bourgogne. On voit des nouvelles technologies.

Après ils nous engagent à partir, à essayer de faire du travail à l’étranger, pour s’ouvrir l’esprit et se dire qu’est-ce qui est important, comment est-ce que je vais travailler, où est-ce que je vais m’orienter ? Est-ce que je vais faire du laboratoire ? Le métier d’œnologue, c’est aussi de travailler dans un laboratoire, ou être œnologue conseil. C’est aussi de suivre des vignerons pour les aider à apporter le meilleur de ce qu’ils veulent sur leurs vignes ou leurs vins. C’est de travailler sur des adjuvants du vin. On peut travailler sur le bouchon, sur le tonneau, sur les produits œnologiques…

Au terme de ces deux ans, on voit plusieurs facettes du métier d’œnologue. On voit par soi-même ce que c’est que travailler dans une grosse structure, dans un petit domaine, dans une cave coopérative.

Après on se lance selon son ressenti, selon cela où on est le plus à l’aise. On se dit que l’on veut plus aller dans ce secteur-là. Et moi je voulais, je sentais déjà que je voulais aller plutôt dans la production. En fait rester sur le terrain de la cave, de la cuverie.

Premier contrat, c’est retour en Bourgogne en fait, en Côte d’Or, chez Bouchard Père et Fils. En plus avec une année assez particulière, en 2003. L’année la plus précoce que l’on ait jamais connue. Voilà, donc déjà je reviens en Bourgogne, superbe vinification avec un gros domaine, beaucoup de moyens, beaucoup de vignes. Enorme capacité en hectares aussi. Après je suis partie en Australie.

Ok, super. Loin de la Bourgogne.

Laurence : Les contrats ne sont pas toujours faciles à pérenniser, les premières années du DNO. Il faut se faire une expérience, faire son trou comme on dit, surtout que moi je venais du Pas-de-Calais, pas non plus d’une famille de viticulteurs. On commence à connaître du monde, à contacter des bonnes personnes, à se faire un réseau. Mais c’est moins évident que quand on est de la région, c’est quand même moins facile. Mais ça se fait, la preuve.

Tu pars pour l’Australie. Est-ce que tu peux nous raconter ? Comment tu as fait pour trouver ?

Laurence : Ce sont des contacts, en fait de toujours par le biais du DNO de Montpellier. Il y a d’autres étudiants qui sont partis. On se communique entre nous les informations, les petites astuces.

C’est plus qu’une astuce, mais c’est la façon de se trouver du travail, d’échanger sur des maisons où c’est sympathique d’aller, où ils cherchent du travail, enfin bref. Donc c’est venu comme ça, par des collègues qui étaient déjà partis, des copains, des copines de promo qui m’ont donné l’info.

Et donc je suis partie en Australie. Là par contre changement, grosses structures, plus de vingt mille tonnes par jour de réception de raisin, en janvier, en plus. C’était en 2004. De janvier à juin j’étais près de Sydney.

C’était un travail plus manuel. On était plus, on va dire, un peu moins laissés à découvrir. On était plus dans des tâches assez récurrentes. Mais ça permettait de voir des techniques impressionnantes, très industrialisées. Ça permet en même temps de voir ce que l’on a envie de faire ou de ne pas faire par la suite.

Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience, si tu avais une ou deux leçons ou choses que tu retiens ?

Laurence : Ça ouvre l’esprit de toute façon. Et puis les voyages, c’était tellement chouette de pouvoir découvrir une autre culture et savoir que oui, il y a du vin qui se fait en Australie, pourquoi pas. Après c’est une autre façon de faire. C’est une culture aussi de la vigne qui est propre à eux. Ils ont une histoire aussi, c’est sympathique de pouvoir échanger avec eux, découvrir l’anglais, l’Australie.

On s’immerge complètement. On découvre une autre culture, c’est chouette. Après ça leur donne envie aussi de venir chez nous et de voir ce que l’on fait et de se dire que c’est sympa aussi.

Antoine : Il n’y a pas vingt mille tonnes par jour, mais c’est sympa.

Laurence : Ils voient aussi la façon dont on travaille le terroir, des choses qui à l’époque ne se faisaient pas beaucoup en Australie mais il y a quelques domaines qui se mettent plus à travailler le terroir en fait, à réfléchir, à plus privilégier certains cépages que d’autres.

Ça devait être ultra intéressant, cette expérience en Australie. Je pense que c’est une des richesses du monde du vin c’est à quel point en fait tu es très ancré sur un endroit, en tant que tel, mais pour autant, ces endroits qui sont magiques, il y en a partout dans le monde en fait. Il y a évidemment la Bourgogne, Bordeaux, toutes les régions viticoles de France, mais il y en a ailleurs en Europe, en Grèce, en Italie etcétéra.

Laurence : Au Canada, en Nouvelle-Zélande.

Antoine : Dans l’Oregon, Nappa, même en Afrique du Sud.

Laurence : Oui, il y a plein de lieux magnifiques, superbes. Je n’ai fait que l’Australie, mais il y en a tellement. Il y a des personnes qui sont œnologues itinérants.

Interview avec Laurence Danel.- Domaine Jean Fery et fils

J’avais fait une interview d’ailleurs, qui était super, avec Jean-Baptiste Ancelot, qui a créé quelque chose qui s’appelle « Wine Explorer ». Il a fait un tour des vins pendant quatre ans et il a tout documenté dans un bouquin qui s’appelle aussi « Wine Explorer », je pense. Il a fait quatre-vingt pays je crois, en tour du monde, c’est impressionnant. C’est clair que partir à l’étranger quand on veut faire du vin c’est, je trouve ça ultra intéressant en tout cas.

Laurence : Ben oui, complètement. J’ai un ami que je vois moins mais qui était une promotion avant moi à Montpellier, qui lui fait ça depuis, en fait il a toujours été itinérant, Zane Katsikis. Il est d’origine grecque et il a aussi la nationalité américaine. Aujourd’hui, il a plus de 58 ans et il continue, je ne sais pas si on doit dire son âge, mais c’est un homme hein ! Il est tout le temps, tous les ans, il change d’hémisphère en fait.

Antoine : Ah oui, comme ça il n’a pas d’hiver.

Laurence : Oui, c’est impressionnant, mais il adore ça. Il a bourlingué dans toutes les terres du vin on va dire.

Antoine : C’est incroyable je trouve comme aventure.

Tu fais ces moments en Australie et après tu reviens en Bourgogne ?

Laurence : Oui, je reviens en Bourgogne, enfin plus dans le Mâconnais, comme œnologue conseil en fait. C’est une opportunité qui m’est arrivée. J’ai fait avant une saison dans le bordelais comme œnologue conseil. J’étais plus dans la terre du Saint-Emilion, donc superbe travail, expérience. J’étais bien entourée, j’avais des gens du laboratoire de Grézillac, avec le directeur, Denis Galabert, qui est à la retraite peut-être aujourd’hui, toute une flopée d’œnologues conseil.

Toute la saison 2004 s’est passée là-bas avec la découverte du cépage du Bordelais avec une approche du terroir du Saint-Emilion. Des belles choses à découvrir.

L’année d’après je suis arrivée dans le Mâconnais où j’ai fait un passage de deux ans en œnologue conseil. J’avais toujours dans l’idée de revenir en Bourgogne pour m’installer dans un domaine, dans une cave coopérative par exemple, de trouver un poste en production, de revenir travailler le raisin. J’étais depuis quelque temps à conseiller plutôt, ce n’est pas pareil. Je passais dans les caves, je voyais les gens faire et je me disais que j’aimerais bien être à leur place, je voudrais bien revenir. Plutôt que de les conseiller, je voudrais bien le refaire.

Je suis revenue en 2007 au domaine Faiveley et là j’ai remis un pied en Bourgogne pour de bon pour arriver jusqu’en 2017 chez Féry.

Tu as fait dix ans déjà là-bas. Comment s’est passée ton arrivée ici, au domaine Féry et Fils ?

Laurence : Très bien !

Je veux dire comment est-ce que tu es arrivée au domaine Féry ?

Laurence : C’était tout simplement un concours de circonstances. Ils cherchaient un nouvel œnologue. J’ai vu passer l’annonce dans des réseaux d’œnologie, des sites spécialisés et j’ai postulé, simplement. C’était comme si on s’attendait l’un et l’autre. Voilà, c’est une rencontre, une belle rencontre.

Qu’est-ce qui t’a séduit justement pour venir travailler ici ? Qu’est-ce qui a fait la différence ?

Laurence : Chez Faiveley, je suis restée jusqu’en 2008. Ensuite, je suis arrivée dans une structure plus de négoce dans la côte chalonnaise, à Rully, chez Delorme. Là, en fait j’étais œnologue mais j’achetais des raisins. On avait malheureusement peu de production, de vignes qui étaient attitrées au domaine.

Il se trouve que l’annonce du domaine Féry qui cherchait un œnologue avec quand même quinze hectares en propriété, ça change tout. Avec une multitude d’appellations, mais de jolies appellations. De la côte chalonnaise on passe par Chassagne Meursault, Puligny on remonte par Savigny, par Pernand-Vergelesses et on arrive, en passant par la Côte de Nuits jusqu’à Gevrey-Chambertain.

On avait toute cette diversité de terroirs qui est propre au domaine et ils cherchaient un œnologue. Donc je me dis : « Il faut que j’y aille. ». Si c’est pour réaliser encore mieux le travail d’œnologue de suivre toujours les mêmes années, les mêmes parcelles, le même terroir et de voir au fil des années comment bien le travailler en fonction des millésimes, c’est encore mieux.

Est-ce que tu peux nous décrire ton travail ? À quoi ressemblent tes différentes journées ? Quelles sont les différentes tâches que tu dois effectuer ? Quel est le quotidien d’une œnologue en Bourgogne ?

Laurence : Je ne vais pas dire à quelle heure j’arrive. Je m’occupe de faire le vin, de l’amener jusqu’à la mise en bouteille le mieux possible. Ça démarre par réaliser les vendanges du mieux possible, de déclencher la date de récolte et les vendanges au bon moment, avec la bonne maturité sur toute la mosaïque de parcelles que l’on a.

Choisir le bon moment cela induit aussi de travailler sur le parcellaire, de regarder en amont dans les vignes comment ça se passe au niveau du raisin, comment il mûrit. S’il n’y en a pas un petit peu trop dans telle parcelle ou au contraire s’il y a une charge un peu moindre qui fait que les parcelles vont mieux mûrir, que le sol induit une maturité plus importante dans certaines vignes que dans d’autres.

Il y a toute cette part en amont que je travaille aussi, avec Jean-Louis Féry, qui s’occupe plus du vignoble. On travaille ensemble, ce que moi je découvre, le petit plus dans chaque parcelle que l’on a par rapport au raisin.

C’est travailler en cuverie aussi, faire le vin avec mon équipe de tâcherons qui me rejoignent. Travailler chaque cuve, vinifier du mieux que l’on peut. Ensuite, l’élevage. Tout est vinifié, tout est élevé en fûts de chêne ici, au sein domaine Féry, que ce soit en rouge ou en blanc.

Après, il y a tout un travail de choix du tonnelier, de choix du fût neuf qui se réalise. Ensuite, il faut suivre ces vins ne fussent qu’à l’aboutissement de l’élevage, ce qui diffère en fonction du millésime et c’est ce dont je m’occupe. Ça dure de 14 à 16 mois pour certaines appellations.

Selon le millésime, peut-être que deux ou trois appellations vont être déclenchées un peu plus tôt parce qu’en dégustant on se dit que l’on arrive au terme de ce qui est bon pour le vin et donc on peut déclencher la mise en bouteille. Après je passe la main à Michaël qui lui a un gros travail de tout mettre aussi entre de bonnes mains.

Ce que tu dis sur ton quotidien est ultra intéressant parce qu’en fait il englobe beaucoup de tâches différentes. Il y en a un peu à la vigne quand même pour comprendre chacun des terroirs, ce qui s’y passe, quel est le potentiel sur lequel tu vas pour compter ensuite et après c’est un travail très différent en fonction du moment dans l’année, entre les vinifications, l’élevage…

Laurence : Oui, l’élevage, ensuite la préparation à la mise en bouteille.

Tu es arrivée en 2017, c’est ça ?

Laurence : Oui.

Ça veut dire qu’avec l’élevage et la mise en bouteille etcétéra, tes premiers vins sont sortis en 2019 ou 2020?

Laurence : Oui, c’est ça.

Comment ça s’est passé, un peu de stress au moment de la sortie de ces premiers millésimes ?

Laurence : Oui. C’est surtout après les vinifications que je me dis que j’espère que ça va être des belles vendanges, de jolis vins. Mais déjà, dès la fin de la vinification j’étais contente déjà de ce qui arrivait dans les fûts. Déjà là on peut un peu présager de ce qui va être plus tard dans la bouteille. Mais j’étais ravie. J’avais des raisins pour lesquels tout ce travail de maturité pour moi était déjà abouti.

J’avais pu raisonner à faire des belles choses du mieux possible dès la réception du raisin. C’est plus le stress de trouver la bonne date de récolte la première année. Il fallait vite comprendre le parcellaire, vite comprendre quelles étaient les parcelles mûres ou pas mûres ou ce qu’elles avaient un peu dans le ventre, on va dire.

Et comment on fait ça ?

Laurence : Se déplacer le plus possible pour aller comprendre avec les tâcherons les vignes et voir comment le raisin évolue au fur et à mesure des semaines. Après avec les  années qui passent, je passe un peu plus de temps à aller voir les parcelles et à discuter plus avec les tâcherons de ce qu’il faut améliorer, de ce qui pourrait être un plus quand le raisin arrive en cave.

Aujourd’hui je m’aperçois qu’il y a, que l’on fait déjà, on travaille avec le domaine Féry déjà au niveau du raisin, au niveau de la vinification sur des choses bien compétentes, bien top. Maintenant c’est de plus raisonner par rapport à la vigne, de faire du raisin qui arrive du mieux possible.

Les aléas climatiques ne nous aident pas, donc il faut que l’on soit vraiment dans cette recherche de comment faire pour avoir les choses les plus belles possible. C’est mieux d’avoir un plus beau raisin où on a finalement peu de tri à faire et avoir des rafles en bonne santé. C’est ça qui fait toute la différence pour avoir un joli vin.

La qualité du raisin c’est la base. Est-ce que tu peux nous décrire un peu les vins du domaine Jean Féry & Fils ? Les différents vins que vous faites tous ici et nous en dire un peu plus sur chacun d’entre eux.

Laurence : En fait, on va dire que le domaine se découpe entre la côte chalonnaise, côte de Beaune et côte de Nuit. Sur la côte chalonnaise et la côte de Beaune on est majoritairement sur du vin blanc, donc sur du chardonnay, sur des appellations, donc a du Rully, on fait un peu de Bouzeron. Ensuite on a du Chassagne premier cru, du Puligny, du Meursault.

Ces vins-là j’ai à cœur de les vinifier en fûts de chêne, ils vinifient très vite. Le jus est placé dans les fûts et tout se passe dans le fût. Après je raisonne sur un assemblage de fûts neufs, de plus ou moins de fûts neufs en fait en fonction de l’appellation et du millésime, avec une particularité que j’affectionne les chauffes légères sur le boisé. Ce qui permet, pour moi, de pouvoir extraire, mettre en valeur plutôt, de belles choses du chardonnay, du fruit, de la tension, tout dépend des secteurs de vignes mais de mettre en valeur ce qui fait le vin, ce qui fait le terroir par rapport aux appellations.

Ensuite on arrive en côte de Beaune. On a pas mal de blanc mais on a aussi, sur Savigny, une belle parcelle de rouge, de Pinot Noir. Sur Pernand-Vergelesses on a aussi pas mal de Pinot Noir et un peu de chardonnay, ce qui permet de comparer on va dire, d’avoir des vins différents même si c’est le même cépage.

Meursault c’est du chardonnay, Pernand c’est du chardonnay aussi mais on a déjà des terroirs un peu différents, toujours vinifiés avec du fût de chêne. On a déjà des diversités à ce niveau-là, c’est assez magique.

Le Pinot  Noir de la Côte de Beaune, c’est pareil. Par rapport à la Côte de Nuits on a aussi des diversités naturelles par rapport au terroir. Le Pinot Noir je le travaille en cuve ouverte, dans des cuves béton qui sont thermo-régulées. Donc on arrive sur une autre approche par rapport au chardonnay. Là on travaille beaucoup plus dans des cuves. On parle de cuvaison. Ça dure vingt jours selon les années, jusqu’à vingt-cinq jours quand il y a un potentiel qui est là et qui met du temps à venir.
Je travaille beaucoup sur du pigeage, tout le temps. Ce n’est pas systématique, on raisonne, un pigeage par jour selon le millésime, parfois deux. En fin de cuvaison, je ne pige plus trop. On laisse un peu cuver comme on dit, on laisse le raisin macérer.
Ce sont des approches de cépage qui sont sympathiques, différentes, le chardonnay c’est plus un jus que l’on presse et que l’on met en fût. Il faut plus raisonner sur des assemblages de fûts et on va dire que le Pinot Noir c’est des cuvaisons, c’est des macérations avant de placer dans des fûts de chêne après pour l’élevage. Il y a une diversité qui est impressionnante mais qui est super intéressante.

C’est vraiment quelque chose que je trouve fascinant en Bourgogne. Là tu me dis, c’est quinze hectares ?

Laurence : Oui, maintenant on est à un peu plus. Depuis cette année on a acquéri plus de vignes sur Givry, c’est une grande première et du coup là on est à presque vingt hectares, c’est génial.

Oui, ça c’est top. Tu as vingt hectares et tu as une dizaine de vins différents, non ?

Laurence : On arrive presque à vingt-huit.

Tu vois, c’est ça qui est fou. Sur vingt hectares, vingt-huit appellations, vingt-huit flacons à la fin, vingt-huit étiquettes différentes.

Laurence : C’est ce qu’il y aura, oui.

C’est incroyable. C’est la richesse de la Bourgogne, d’avoir ce respect du parcellaire, tout cet héritage.

Laurence : C’est typique de la Bourgogne, effectivement. Enfin je veux dire c’est vraiment une caractéristique de la région.

Ça vient de cet héritage du coup des climats ?

Laurence : Les climats de Bourgogne qu’ils ont mis en valeur il y a peu de temps, mais c’est le patrimoine.

C’est incroyable. Pour vous y retrouver, bon courage parce qu’il y a quand même pas mal de choses différentes.

Laurence : Oui, d’appellations, de premiers crus, de classement, mais je trouve que c’est assez logique en Bourgogne. Je ne veux pas dire que ce n’est pas logique ailleurs mais on arrive sur un village, par exemple Pernand-Vergelesses, tout ce qui est autour de Pernand-Vergelesses c’est du Pernand-Vergelesses. Les bas de coteaux c’est du plutôt du Village, mi-coteaux c’est du premier cru, après on n’a pas de grand cru sur Pernand-Vergelesses mais on a le bois de Corton qui est juste derrière et là on sait que c’est classé en grand cru, tout ce qui est en bonne exposition. Il y a comme une logique d’exposition, de sol aussi.

Oui, il y a une telle diversité que parfois c’est un peu difficile pour le premier venu de s’y retrouver. Il faut venir plusieurs fois pour commencer à s’y faire.

Laurence : Oui, il faut découvrir les villages qui sont importants. Il y en a beaucoup.

Oui, il y a de quoi faire. Il faut prendre une voiture ou des vélos et y passer quelque temps.

Laurence : En même temps on suit aussi et c’est une découverte on va dire visuelle, parce qu’on observe et on voit que le vignoble se décline sur une petite partie que l’on appelle la montagne. En fait c’est un coteau qui descend de Dijon, qui va jusqu’en côte chalonnaise et qui descend. C’est au niveau géologique en fait que l’on voit où la vigne se dessine un peu partout en France.

C’est la composition de sols, leur exposition qui a rendu tout ça. On a parlé justement un peu avant, quand tu nous décrivais les différents vins de la manière dont tu les faisais, des différentes vinifications, des différents modes d’élevage. Est-ce que c’est quelque chose que tu as changé en arrivant ici ou est-ce que c’est quelque chose qui se faisait déjà et quel est ton degré de liberté pour pouvoir changer des choses, ajouter des nouvelles techniques ? Comment ça fonctionne ?

Laurence : Déjà avant, je travaillais, et bien chez Delorme, sur les fûts à chauffe, le choix des fûts neufs avec des chauffes légères. J’avais découvert des tonneliers qui pratiquaient ce type de chauffe. Je travaillais en partenariat avec Nadine Gublin qui fait du conseil, qui continue, mais qui en faisait déjà à l’époque.

On travaillait ensemble sur cette technique de chauffe légère de fût où le boisé ne reste pas toasté du tout, pas cherché à brûler qui pour moi, qu’on a découvert ça, qui mangeait un peu le vin et qui faisait qu’on ne sentait plus du tout le fruit. Il fallait attendre plusieurs mois avant de retrouver le vin. En élevage il fallait retrouver ces arômes qui venaient très tard ou des fois qui étaient même un peu trop masqués.

Déjà je travaillais sur ça, sur ces chauffes légères. Quand je suis arrivée ici, je me suis dit : « On va sûrement travailler sur de l’élevage en fût mais beaucoup moins poussé. » on va dire. La première année, je suis arrivée et on a acheté beaucoup plus de fûts neufs, parce qu’il manquait un peu de fûts.

On avait une récolte qui s’annonçait jolie, beaucoup plus de quantité par rapport à 2016 qui était assez catastrophique cette année-là. Il y avait un parc à fûts à renouveler. Je suis partie sur ça et essayer de garder cette ligne de travail sur les fûts à chauffe légère.

J’avais la totale liberté, tant que ça faisait des choses merveilleuses et que l’on retrouvait le terroir. Parce que c’est ça aussi, que les vins ne se ressemblent pas entre Puligny, Meursault, Chassagne, entre Savigny, entre Pernand… Et que la Côte de Nuits s’exprime aussi, que l’on retrouve, que l’on sache que l’on a un Vosne-Romanée devant soi. Que quand l’on goûte un Gevrey Chambertain, on ne se dise pas : « Qu’est-ce que c’est ? C’est pareil. », surtout pas.

Est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’est la chauffe légère ? Déjà la chauffe tout court d’un fût, et qu’est-ce que la chauffe légère ?

Laurence : Dans la fabrication des fûts, pour finaliser leur bonne tenue, pour que le vin puisse être dedans sans que ça fui, il faut chauffer l’intérieur pour que tout soit bien agencé. La chauffe plus ou moins forte c’est aussi pour les tanins du chêne, pour qu’ils se marient bien avec le vin pour qu’il puisse y avoir une maturité de ces tanins. Ça c’est le tonnelier qui l’explique. C’est un gros travail chez eux, impressionnant, de faire un fût qui délivre ce que le vigneron a envie d’avoir dans ses vins.

Après il y a des chauffes plus ou moins toastées comme on dit, plus ou moins marquées. Plus on chauffe un fût longtemps l’intérieur est soit plus brûlé, plus marron en fait et là ils savent nous dire que voilà là on aura des arômes plus toastés, plus mokas. Ce qui va donner un côté un peu plus sirupeux au vin, même aromatiquement, plus vanillé s’il chauffe très fort.

Après il y a aussi les durées, très fort, peu de temps, on peut avoir des arômes plus moka, plus café, plus épicé, un peu à l’américaine. S’il chauffe très longtemps, très fort, alors là on joue plus sur la structure du vin. On va plus amener des choses plus rondes, plus de choses douces, plus sucrées au vin.

Après si l’on chauffe longtemps mais très peu, le fût est moins marqué, l’intérieur est moins brûlé. Brûlé n’est peut-être pas le bon terme mais moins marqué, moins marron et on mettra plus en avant le fruit. Il va plus s’épanouir, plus se révéler. On va plus respecter l’acidité du vin, le mettre plus en valeur en fait. Sur un Chardonnay, on aura une tension qui va être plus présente sur ce type de fût.

Comment est-ce que tu as découvert ?

Laurence : C’est les tonneliers qui viennent déguster qui s’impliquent beaucoup plus depuis pas mal d’années et qui nous guident. On fait des essais, on choisit un ou deux fûts d’une chauffe différente et on arrive à voir ces résultats qui sont là effectivement.

Antoine : Il faut que l’on aille interviewer un tonnelier. Ça fait longtemps qu’on me le dit. Il faut vraiment qu’on le fasse parce que c’est un métier qui est super intéressant, qui est connexe au monde du vin et qui est ultra important. On le met peut en valeur, on en parle relativement peu alors qu’il a un impact sur le vin qui est important.

Laurence : Oui, j’en ai plusieurs à vous recommander.

Qu’est-ce qu’il faut te souhaiter ici ? Qu’est-ce qu’il faut souhaiter au domaine ? Quelles sont les ambitions ?

Laurence : On aimerait avoir encore d’autres appellations encore plus belles de la Bourgogne. On aimerait peut-être avoir encore plus de Côte de Nuit. Là, on a mis un pas dans la Côte Chalonnaise avec le Givry, et bien pourquoi pas continuer.

Et comme ça toi tu continues d’explorer de nouveaux terroirs.

Laurence : D’autres terroirs. Découvrir, parce qu’ils ne sont pas tous ici, donc pourquoi pas un grand cru. Là on arrive à avoir un grand cru qu’on a pour l’instant acheté, mais en blanc, en raisin, mais qui nous arrive là sur le domaine. C’est aussi une belle avancée.

En plus du Givry, village et premier cru, on a des terroirs de la côte chalonnaise qui sont là. Il faut continuer à les découvrir parce que c’est la première année. Petit à petit si on peut encore grignoter d’autres parcelles et découvrir encore d’autres choses de la Bourgogne, et bien on y va. On va pousser les murs, on va mettre d’autres fûts, pas de soucis.

Antoine : Il y a de la place là. Même là où on est, on peut ajouter un mur.

Laurence : C’est toujours possible, on met quelques aérations. La température ça se maîtrise. Après on met quelques sous-marques comme on dit puis allez, hop.

Les vins du domaine, c’est une question un peu bateau, mais on les trouve chez tous les bons cavistes, les grands restaurants, les bons restaurants, les hôtels ?

Laurence : Oui, de la région, de Paris, ça c’est plus mon collègue Michaël qui vous en parlerait mais il y a un beau réseau de distribution qui est chez les cavistes dans toute la France mais beaucoup sur Paris et la région, sur l’Alsace. On a cette chance d’être de plus en plus bien représentés. Après sur les restaurants et cavistes de Beaune, il y en a quelques-uns qui nous distribuent. On a des belles tables. Est-ce que vous attendez un nom, des noms peut-être ?

Antoine : Non, pas spécialement. C’est plus pour orienter les auditeurs s’ils ont envie d’aller déguster, d’aller découvrir ces vins.

Laurence : Chez les cavistes.

Antoine : Foncez chez votre caviste, demandez le domaine Féry et s’ils ne les ont pas vous m’appelez et je vous file le numéro de Michaël.

Laurence : Chez les cavistes, oui, Féry et Fils. Avec plaisir, il saura orienter. Il y aura toujours un bon caviste près de chez vous. Les fêtes arrivent, alors il faut se faire plaisir, et même sans les fêtes. Il faut se réchauffer le cœur parce qu’il commence à faire un peu tristounet dehors.

Tu as un parcours qui est quand même impressionnant depuis Lille jusqu’à aujourd’hui. Si tu avais l’occasion de te glisser un petit mot au moment où tu pars la première fois pour faire les vendanges, qu’est-ce que tu te dirais à toi-même ?

Laurence : Je ne sais pas. J’y suis allée comme ça instinctivement, je sentais qu’il y avait une joie de vivre en fait et une bonne ambiance autour du vin et de la récolte. Par contre je ne pensais pas y arriver jusque-là, mais génial. C’est un instinct que l’on suit. On sent qu’on est bien alors on va où les choses se passent bien, où on sent que l’on est bien. Peut-être que je me suis dit que je pourrais peut-être apporter quelque chose en plus, apporter le meilleur de moi-même. C’était là où je me sentais à faire des belles choses.

C’est un conseil que tu donnerais à un jeune œnologue qui se lance ?

Laurence : Oui, de se faire confiance et de se dire qu’il faut aller là où tu te sens bien, le mieux possible et où tu as envie d’apprendre et d’apporter le meilleur de toi-même.

Le message est passé. Pour tous les jeunes œnologues qui nous écoutent, suivez vos instincts. Je suppose que l’on peut venir vous voir ici, à la propriété si la découverte et les gens en ont envie ?

Laurence : Merci, oui. Sur rendez-vous. Il faut nous appeler et puis on prend, on se cale des rendez-vous ensemble avec Michaël et avec moi aussi.

Antoine : Ça marche. Les liens sont évidemment dans la description du podcast si vous avez envie de venir découvrir une belle partie de la Bourgogne et ses domaines. Vous n’avez plus qu’à suivre ces liens et venir ici.

Est-ce qu’il y a une question que je ne t’ai pas posée et que tu aurais aimé que je te pose ?

Laurence : Ben non. Ecoutez, j’ai passé un bon moment, je me laisse guider. On aurait pu effectivement peut-être parler de notre travail de l’agriculture biologique qu’on mène sur le domaine depuis très longtemps, bien avant moi. J’ai à cœur de continuer dans cette lignée, de parler de l’agriculture biologique aussi dans les pépinières. Aujourd’hui ils travaillent aussi là-dedans, dans cet horizon.

Moi ça me plait beaucoup. Du coup j’ai même découvert une pépinière comme Bérillon. C’est un ouvrage que j’avais découvert aussi, que j’avais lu il y a quelques années et du coup ça m’a permis de les rencontrer. Je trouve que travailler le bio autant dans les vins et aussi dans les vignes, dans les plants de vignes, je trouve que c’est sûrement l’avenir.

Ça fait longtemps ?

Laurence : Depuis 2011, un joli domaine qui a une solide expérience en la matière. C’est beau.

Une décennie, ce n’est pas mal du tout. Je suppose que ça ne doit pas être facile certaines années ?

Laurence : Ça se fait quand même naturellement je vais dire, ça se fait bien. Après, on aura toujours des moments où le raisin est moins opulent qu’à d’autres moments mais est-ce que c’est lié au bio, je ne pense pas du tout mais c’est comme ça.

Antoine : C’est aussi une sorte de prix à payer entre guillemets pour faire des belles choses, respecter la terre, la vigne, les plantes, etcétéra. À la fin ça ne peut être que positif et amener quelque chose de bien.

Laurence : Oui, tout à fait.

Tu n’as jamais eu envie de partir de Bourgogne, depuis que tu es revenue ?

Laurence : Ah non, moi je suis bien là, il y a toute la famille qui est là aussi. Ma famille est bien ancrée en  Bourgogne. Après, partir pour faire des séjours, c’est différent, mais rester aux sources de la Bourgogne.

Antoine : Ça se comprend. C’est une très belle région. Je ne suis pas encore venu assez en Bourgogne mais ça commence à entrer. C’est top.

Laurence : Merci.

Antoine : Merci à toi.

J’ai trois questions qui sont assez traditionnelles à la fin. La première, c’est est-ce que tu as un livre sur le vin à me recommander ?

Laurence : Justement, je parlais du livre qui a été écrit par Laure Gasparotto et Lilian Bérillon c’est : « Le jour où il n’y aura plus de vin ». C’est quelque chose que j’ai lu il y a quelques années. J’ai trouvé ça vraiment sympathique à lire et ça ouvre à d’autres horizons. Ça parle beaucoup de la vigne, des pépinières. C’est vrai que je ne connaissais pas leur combat et puis leur travail aussi alors que c’est bien en lien avec notre vignoble. On parle de plus en plus de pérennité de la vigne et des maladies, de la façon de préserver nos terroirs donc je trouvais que c’est un bel ouvrage.

Acheter Le jour où il n’y aura plus de vin

Antoine : Oui, c’est un très bel ouvrage. Je l’ai lu aussi il n’y a pas très longtemps pour le coup, il y a 6 ou 8 mois. Je trouvais que c’était super bien écrit et je ne dis pas ça parce que j’apprécie beaucoup Laure, mais parce que c’était le cas, je me suis régalé en le lisant.

Si vous avez l’occasion de le lire, « Le jour où il n’y aura plus de vin » de Laure Gasparotto et Lilian Bérillon, excellent ouvrage.

Tu parlais juste de pérennité de la vigne, c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup. Tu sens que le fait de travailler justement sur des nouveaux bois. Comment est-ce que tu vois les choses ?

Laurence : Comme de plus en plus de pépinières. Ils travaillent sur la sélection massale. Ce n’est pas du clonage. C’est chercher l’individu qui est costaud naturellement, qui peut résister à plein d’aléas climatiques et qui va d’année en année, être toujours ce même individu qui va ressortir du lot et c’est un travail d’observation plus que de chercher des techniques de clonage. C’est plus de l’observation dans la nature, dans les terroirs aussi de différents vignobles.

Du coup ça veut dire qu’en Bourgogne ils viennent chercher des vieux plans de pinot noir qui ont plus de 100 ans ou dans ces eaux-là et qui pérennisent et qui continuent à bien vivre, à ne pas être malades, à être sains.

Ils ont cette démarche-là en fait de chercher ces individus. C’est beau parce que ce sont des individus qui ont grandi tout le temps dans le même terroir. Il se sont enrichis de tout ça, qui ne sont pas malades. Ça peut permettre justement de faire des petits plants qui sont plus vigoureux et qui sortent de ce bon terroir.

C’est un peu les enfants de ces individus, de ces quelques ceps qui résistent bien. Est-ce que tu as une dégustation coup de cœur récente ?

Laurence : Alors, au sein du domaine j’en ai plusieurs. Moi je les aime presque tous, à différents moments, à différentes périodes de l’année.

Je vous recommanderais déjà d’appréhender le domaine avec le Clos de Magny. C’est un Côte de Nuits Village, en pinot noir. C’est un rouge qui est absolument sublime en toute occasion, on va dire quasiment toute l’année. J’ai aussi le Savigny rouge Sous la Cabotte qui est aussi un vin merveilleux. On est beaucoup sur le fruit avec une belle texture, des tanins plus fins.

En blanc, j’en ai tellement, mais je les aime tous. Qu’est-ce que je pourrais vous conseiller ? On a notre Meursault Dressolles qui est une belle parcelle avec une tension et une énergie merveilleuse. Il y a aussi un boisé subtil en finale, par exemple. Mais revenez dans quelques mois, je vous dirai d’autres vins.

Antoine : Ça, c’est la joie du métier.

Et enfin, dernière question, qui est la prochaine personne que j’interview dans ce podcast ?

Laurence : J’en ai plusieurs. Il y a toujours mon emblématique copine Nadine Gublin, qui est bien ancrée en Bourgogne, qui est une femme d’exception. Après je parlais de mon copain œnologue itinérant qui est en ce moment aux États-Unis, Zane Katsikis. Lui va vous faire voyager dans tous les continents, mais il a beaucoup travaillé aussi en Bourgogne. Après c’est, voilà, des personnalités très diverses, pourquoi pas ?

Antoine : Ça marche, pourquoi pas. Peut-être que Zane Katsikis il va falloir l’attraper s’il est toujours en train de bouger. On s’arrangera, on va faire quelque chose. Et avec Nadine, avec grand plaisir pour revenir découvrir encore un peu plus la Bourgogne, c’est l’occasion. Merci beaucoup pour cet échange, c’était un grand plaisir.

Laurence : Merci à vous, c’est très sympathique. Moi je découvre le podcast mais je trouve ça formidable.

Antoine : J’espère que ça t’a donné envie d’écouter tous les autres épisodes, et les futurs.

Laurence : Complètement.

Antoine : Merci beaucoup. Merci à toutes les personnes qui nous écoutent. Evidemment si vous êtes encore là au bout de ces 56 minutes d’échange c’est que cet épisode vous a plu. Partagez-le autour de vous, notez-le. Suivez les domaines Jean Féry et Fils, venez les voir ou essayez de découvrir leurs vins. Je pense que c’est la plus belle chose que vous puissiez faire après avoir écouté ce podcast. Profitez-en pour le faire et en mettre quelques bouteilles dans votre cave à vin et je vous dis à dans deux semaines. Encore merci et à bientôt.

Laurence : Merci.

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