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Rencontre avec François Des Robert : senior banker chez Edmond de Rothschild

Aujourd’hui, nous avons l’honneur de vous présenter François Des Robert, senior banker chez Edmond de Rothschild. Spécialiste du vin et de l’asset management, il revient sur son parcours et sur les activités de la banque Edmond de Rothschild. Une banque privée au coeur du monde du vin : vous saurez tout sur l’investissement dans le vin !

Est-ce que vous pouvez vous présenter et revenir un peu sur votre carrière ?

Je suis banquier depuis toujours. J’ai été chez Paribas pendant 15 ans et chez Edmond de Rothschild depuis 1990. J’ai été recruté par Edmond de Rothschild et Bernard Eisenberg qui était président de la banque. J’ai été recruté pour créer Edmond de Rothschild Asset Management dont j’étais le directeur au conseil de surveillance et au directoire. Nous étions en 1990 avec un portefeuille de 100 millions de francs et en 2003 nous en étions à 11 milliards d’euros. Michel Cicurel, alors président de la banque, m’a nommé au comité de direction de générale, en charge des groupes familiaux. J’ai quitté l’asset management pour m’occuper de ces groupes. C’est à la suite du conseil des grands groupes familiaux que certains m’ont demandé de diversifier leurs actifs.

D’où vous vient la passion pour le vin ?

Elle est très ancienne. Mon père avait une belle cave et j’ai toujours été passionné. J’ai eu la chance chez Edmond de Rothschild de pouvoir m’y plonger encore plus. C’est aussi grâce à mes actionnaires, puisque Benjamin et Ariane ont plus de 500 hectares dans le monde, 3,5 millions de bouteilles vendus par an et des propriétés partout dans le monde. Les grandes fortunes internationales s’intéressent naturellement au parcours des Rothschild dans le vin. La stratégie d’investissement et de diversification les intéressent beaucoup et sur de nombreuses questions : pourquoi vous faites un portefeuille international ? Comment vous le constituez ? Quelle est la répartition des risques ? La conjonction de tous ces facteurs fait que je passe 50% de mon temps dans les vignes et au contact des grands propriétaires français. J’ai la chance de participer aux grands événements. J’essaye de progresser tous les jours dans ce domaine mais c’est tous les jours des contacts avec les gens de la terre, avec des professionnels qui sont de grands techniciens.

Quelle est votre activité ?

Je négocie des mandats : c’est l’origination. J’ai 8 mandats de vente en cours pour des montants tout à fait importants. Je suis dans le monde viticole. Un des grands avantages de la maison Edmond de Rothschild c’est d’avoir un deal flow propriétaire : avoir des mandats que personne n’a et dont personne n’est au courant. Les gens viennent chez nous parce que c’est Edmond de Rothschild, parce qu’il y a la discrétion et la confidentialité, et parce qu’on a des équipes d’accompagnement sur tous les sujets. Par exemple, nous avons trois personnes dédiées à l’exécution des deals.

Mon métier c’est de maintenir des relations avec à la fois des vendeurs et des listes d’investisseurs. L’important quand vous avez une propriété à vendre, c’est de savoir qui va l’acheter. En tout cas, dans un monde idéal. Il faut toutefois réaliser les efforts d’aller voir les propriétaires et d’avoir des informations fiables. On se rend compte que dans certaines régions, vous avez de faux beaux dossiers. Il faut savoir faire le tri, ne pas perdre de temps avec les dossiers qui sont là depuis longtemps. C’est un peu comme une oeuvre d’art. Nous cherchons des Trophy Asset. Une fois que vous avez un portefeuille de grande qualité et qu’il y a un facteur déclenchant, vous êtes le premier. Ensuite, il faut parler aux investisseurs qui définissent un portrait robot de ce qu’ils recherchent.

Quels sont les éléments qui rentrent dans ce portrait robot ?

Le prix bien sûr, le bâti, l’architecture, la notoriété, les réseaux de distribution, les chiffres. Certains cherchent une belle endormie, d’autres une propriété qui marche déjà bien. Le chai est-il en bon état ? Existe-t-il un potentiel sur différents facteurs : agrandir, acheter les voisins, faire un hôtel, etc ? Il y a aussi la question des équipes.

Je travaille sur un dossier bourguignon très important. La personne nous dit qu’elle veut trouver quelqu’un qui lui ressemble pour continuer l’exploitation. Il y a un véritable affect là dedans. C’est une vente mais l’argent n’est pas le critère déterminant.

On passe beaucoup de temps à comprendre ce que veulent nos clients. Quand il y a une cession d’une propriété qui est depuis plusieurs générations dans la famille, c’est très douloureux. Le vendeur a l’impression de trahir son ascendance donc il faut bien l’accompagner tout en respectant une fenêtre de tir au vu du marché. Notre travail ne s’arrête pas au moment où le vendeur reçoit son chèque mais nous l’accompagnons véritablement dans tous les sujets. Je peux trouver le fermage, l’aider dans ses placements, … En amont on met à plat la stratégie patrimoniale. On les écoute beaucoup, c’est ce qui fait la richesse de notre métier.

Une autre chose que je tiens à souligner c’est que certaines personnes nous décrivent des cibles. Elles nous disent « je veux acheter telle propriété » et ça c’est très excitant notamment parce qu’elle n’est pas à vendre.

Vous pouvez nous en dire plus sur cette partie ?

Il faut surtout comprendre les motivations d’achat d’une propriété. Par exemple, pour un chef d’entreprise qui fait un milliard d’euros de chiffre d’affaires, avoir un château lui permet d’inviter des clients, de développer une cohésion au sein des équipes. C’est très convivial d’avoir du vin produit par son président. Il y a aussi des investissements plaisirs qui permettent d’équilibrer fiscalement une situation. Pour finir, il y a des jeunes qui ont vendu leur société et qui veulent acheter une belle endormie. Je ne vendrai jamais un domaine auquel je ne crois pas.

Dans les belles endormies, certains veulent aussi faire de l’oenotourisme, ce qu’à fait Bernard Magret ou d’autres. L’oenotourisme se développe grandement : les clients veulent apprendre. On en est encore aux balbutiements de l’oenotourisme. Un cas concret : un client voulait un trophy asset en Bourgogne. Le client est venu en hélicoptère et a passé beaucoup de temps sur le domaine. Il a survolé les vignes, il voulait voir les différents climats bourguignon, la géologie, etc : il avait une vraie soif d’apprendre.

Revenons sur les différentes régions, quelles sont les dynamiques en France et à l’étranger ?

Nos zones d’activités sont concentrées en France. La demande est très forte. Il y a un attrait très important dû à différents facteurs. Pour commencer, il y a eu un déferlement de liquidités sur les marchés du fait des politiques de Quantitative Easing des banques centrales. Le rendement d’une propriété viticole est à la base assez faible (entre 2 et 2,5%). Quand l’argent est très peu cher, il y a beaucoup de liquidités. Par ailleurs, il y une inflation des prix. Les investisseurs regardent là où on peut faire des affaires à prix raisonnables : en Côtes du Rhône et en Languedoc Roussillon. Notre mission est de trouver des zones et des viticulteurs de talents qui restent confinés mais qui méritent d’être découverts au vu de leurs talents. La France, le grand pays du vin. Chaque année, on a 4 millions de visiteurs dans le vin et Bordeaux est la première destination. Je dis toujours : « on ne peut pas transporter la géologie ». Le vin c’est le génie du vigneron et de l’assembleur, le reste c’est des couches géologiques qu’on ne peut pas transférer.

Il y a des investisseurs étrangers également. Le vin, notamment en Chine, est devenu un marqueur social. Deux bouteilles de Romanée-Conti ont été vendu 550 000 dollars. Je pense qu’elles ne seront jamais bues. Tant mieux pour le vendeur parce qu’avec 550 000 euros, il pourra se constituer une belle cave qui fera plaisir à ses enfants et à ses petits enfants.

Est-ce que vous pouvez nous parler du développement des belles endormies ?

Il y a de tout. On trouve des propriétés qui sont endormies depuis très très longtemps et des propriétés qui sont moins endormies et plus rapidement boostable pour atteindre l’équilibre.

Il possible de reprendre une belle endormie avec du talent, de l’argent, une équipe et une bonne évaluation des causes de l’endormissement.

Il y a de belles endormies. Certaines ne sont pas redressables mais les autres il faut les pousser. Par exemple, certains créent une nouvelle marque, ce qui permet d’effacer les mauvais souvenirs et de repartir from scratch. Quand Edmond de Rothschild a acheté le Château Clarke en 1976 à une famille bordelaise, il n’y avait rien. Il pouvait acheter ce qu’il voulait mais il voulait donner des lettres de noblesse à une propriété en ruine.

Tous les vignerons ont de l’attachement à la terre. C’est de la magie de travailler une ruine, avec tous les risques qui sont autour.

En parlant de risques, quel est l’impact du réchauffement climatique sur la viticulture en France ?

Entre 1950 et 2018, le raccourcissement des délais de vendanges a été entre 15 jours et un mois. Le réchauffement climatique a de nombreux impacts sur toutes les composantes du vin. En ce sens, la technique et le savoir-faire du vigneron sont obligés d’évoluer.

J’ai un mandat très important, de plusieurs centaines de millions, et les vendeurs sont très concernés par le réchauffement climatique. Je fais confiance au génie de l’homme. Dans toute l’histoire de l’humanité, il y a eu des grandes menaces. Il y a eu le phylloxera par exemple dans le milieu du vin. Je pense que nous trouverons une solution pour le vin.

Il y a aussi le bio et la biodynamie. Certains acceptent de perdre une partie de leurs vignes lors du passage au bio et cela fait partie des plans pris en compte.

Est-ce qu’il y a un deal qui vous a le plus impressionné ?

Je ne me suis pas occupé de celui-ci mais le Clos de Tart m’a beaucoup impressionné. À l’origine, un investisseur avec 21% du capital vient nous voir. Il a fallu convaincre beaucoup de monde et ça a pris deux ans. Ce deal nous a permis d’avoir des contacts avec de très grands investisseurs internationaux et de créer des liens avec des familles. On a vendu 7,5 hectares pour un montant pas loin de 300 millions. Qui plus est, le clos de Tart est une rareté mondiale.

Ce que je vois aussi, c’est une évolution du profil des investisseurs. On a beaucoup parlé des Chinois, un peu trop peut être. Ils ont acheté pas mal de propriétés à Bordeaux. Personnellement il n’y en a pas beaucoup que j’aurai acheté, ils sont même en train d’en revendre certaines dont une pour laquelle j’ai un mandat. On voit aujourd’hui des Japonais, des Américains, des Suisses, des Anglais, des Français. Le marché s’est internationalisé tant les liquidités sont abondantes. Une fois que les grandes familles ont de l’immobilier, des portefeuilles, des forêts, une activité de business angel, le fait d’avoir son nom sur une étiquette est la cerise sur le gâteau.

Le vin est une passion pour beaucoup et une activité qui tient vraiment à coeur de tous. Acheter un domaine, c’est aussi un moyen de partager de beaux moments avec des enfants ou des petits enfants.

D’un point de vue personnel, quel est votre formation ?

J’ai fait Sciences Po et une maitrise de droit mais je n’ai pas fait de formation dans le vin. J’apprends tous les jours depuis de nombreuses années. Je lis beaucoup de ce qui est disponible, je fais des dégustations, je participe à des master class, je rencontre beaucoup de monde, j’échange beaucoup. L’autre jour un monsieur très sympathique m’a offert une bouteille de Clos des Lambrays de 1950. Quand je vois les propriétaires, j’essaye de progresser à chaque instant. Je suis dans les vignes au moins une fois par semaine.

Par ailleurs, j’ai créé un fonds de dotation pour la collection de Michel Chasseuil qui a la plus grande collection de vins au monde. Il a maintenant sa fondation et des diners sont organisés.

Je dois avouer que le vin est un domaine technique qui prend des années à bien comprendre.

Vous pouvez nous en dire plus sur ce fonds de dotation ?

Michel Chasseuil a une cave absolument magnifique avec tous les grands dans tous les formats. Ce fonds de dotation donne un cadre juridique à cette collection pour éviter qu’elle soit dillapidée. Il veut faire le Louvre du vin. La question est « qu’est-ce que ça va devenir ? ». Le fonds de dotation permet d’organiser des événements pour perpétuer cette collection, mais aussi faire des dons à des charités.

Si vous aviez un livre à conseiller sur le vin ?

Le goût du vin de Emile Peynaud. Quand vous attaquez ce genre de littérature, vous êtes à la limite du chimiste. Je suis admiratif quand je rencontre les sommelier.

Si vous deviez emmener une bouteille de vin sur une ile déserte, laquelle prendriez vous ?

Une bouteille de Romanée Conti m’irait assez bien, à condition d’avoir le tire-bouchon qui va avec.

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